Courrier des lecteurs Politis 950

Politis  • 3 mai 2007 abonné·es

Aux armes…

Une majorité de gens du peuple, non satisfaits de la politique des Chirac, Sarkozy, Fillon, Raffarin, Villepin et consorts, ont donc une fois de plus décidé de ne surtout rien changer en profondeur et vont une fois de plus nous faire supporter (dans le meilleur des scénarios du dimanche 6 mai) la politique du PS, qui tentera de lisser les effets les plus dévastateurs du système économique dominant, tout en signant partout les accords permettant au système de développer ses ramifications.

Car, maintenant, avec une gauche antilibérale faible et divisée, un parti écologiste insignifiant et une résurgence du parti des Giscard, Barre, Lecanuet, Servan-Schreiber et tutti quanti , il est assez utopique d’imaginer une politique de gauche de la part de Ségolène Royal en cas de victoire !

Alors, puisqu’il en est ainsi, tout reste à poursuivre au quotidien pour informer plus que jamais, dénoncer, déjouer les plans machiavéliques des acteurs d’un système qui sacrifie chaque jour l’être humain aux intérêts financiers. Je reste convaincu que c’est par ignorance qu’une partie des électeurs de gauche ne sont pas encore convaincus d’une nécessité de rupture.

Politis est un excellent moyen de nous aider à expliquer les mécanismes destructeurs d’humanité, alors continuons !

Les mots sont une arme, ceux de Politis sont plus que redoutables pour les chantres du libéralisme…

Didier Hocmert, Ronchin (Nord)

Débattre des projets

J’ai entendu ce matin, à la radio, Ségolène Royal déclarer que le choix du 6 mai se situerait aussi entre deux personnes, par une confrontation-comparaison des actes, des paroles, des qualités, des cohérences. Veut-elle ramener le débat aux personnes et éluder les projets ? Cette attitude servirait sans doute la volonté de transformer le second tour en un référendum contre Sarkozy, mais je crains qu’elle ne serve pas la démocratie, car elle risque de réduire la campagne à un échange d’accusations et de contre-accusations, et de faire appel aux peurs plus qu’à l’intelligence. Il ne serait pas impossible, dans ces conditions, que la participation ne s’effrite. La confrontation, thème par thème, des projets pourrait être d’une autre qualité et, peut-être, plus mobilisatrice. Attention aux effets boomerang !

A. Faye, Luchon (Haute-Garonne)

« La Marseillaise »

Dans Politis du 12 avril, Jacques Vassal nous cite en exemple les nouvelles paroles de « la Marseillaise » écrites par Graeme Allwright. Ces paroles sont généreuses, mais elles ont un grave défaut : les vers sont boiteux. Notre hymne national est fait d’octosyllabes ; or, les vers de M. Allwright comportent 4 vers de 9 syllabes et un de 10, ce qui les rendrait difficiles à chanter. Comme l’écrit Jacques Vassal, « n’est pas poète qui veut… »

Je vous signale également que Lamartine avait déjà souhaité changer les paroles de notre hymne et écrit une très belle « Marseillaise de la paix ».

Claude Teston, Roquemaure (Gard)

Justice et équité

Ariane Mnouchkine est bien bonne de mettre au crédit de Ségolène Royal sa « compassion pour les faibles », tout comme Bernard Langlois de citer ce propos plein de bons sentiments. Je crains que ni Ariane Mnouchkine, ni Bernard Langlois, ni bien des « intellectuels » et autres « bien-pensants-de-gauche » ne mesurent la condescendance et le mépris profonds que contiennent ces propos. Les « faibles » et autres « humbles » n’ont pas besoin de compassion, pas plus que les prolétaires du XIXe siècle n’avaient besoin de charité. Ce qu’ils sont en droit d’attendre, c’est la justice et l’équité dont le hasard de la naissance les a (pour la plupart) privés.

Françoise Willmann, Nancy (Meurthe-et-Moselle)

Morale et décence

J’ai entendu dire que le FN aurait subi un grave revers. Dites-moi que je rêve. Ce que Le Pen n’a pas fait en 2002 ­ à savoir faire reconnaître ses thèses comme acceptables, que dis-je, respectables ­, il l’a fait en 2007. Il n’a peut-être pas pris le pouvoir ni passé le flambeau dans son parti (de toute façon, les autres, ce n’est pas mieux), mais ses idées, il les a fait triompher par personne interposée. Et avec quel brio ! Car lui-même n’a jamais osé, je crois, parler des « gênes de la délinquance » en des termes aussi péremptoires. Seuls les nazis l’avaient fait. Et le « candidat des pauvres » est soutenu par Simone Veil, rescapée des camps, et Enrico Macias, le chanteur de la « compréhension entre les cultures » , qui s’acoquinent avec Doc Gyneco, Johnny et Tapie, lesquels ne s’y sont pas trompés, eux. Ce n’est plus du rêve, c’est du cauchemar. « Nous vivons une époque formidable » , comme disait le dessinateur Reiser. Entre 1935 et 1945, ce n’était pas mal non plus. J’étais jeune, mais j’ai apprécié. Quoi qu’il en soit, le 6 mai, ce ne sera pas une affaire de politique, mais de morale et de décence.

Philippe Bouquet, Le Mans (Sarthe)

Ensemble ou non

Sarkozy prétend incarner l’esprit de « synthèse », et l’accroche publicitaire de cette prétention , c’est son slogan : « Ensemble, tout devient possible. » Mais, là où il y a synthèse, c’est qu’il y a thèse et antithèse.

Dans son discours du « sacre », à la porte de Versailles, Sarkozy s’est présenté comme l’héritier de Léon Blum, entre autres grandes figures[…] qui, dans l’histoire de la France, ont incarné l’esprit de résistance à l’oppression.

Léon Blum est celui qu’on associe à la réalisation d’une thèse qui porte le nom de Front populaire. L’antithèse, c’est l’idéologie réactionnaire d’alors, résumée dans la formule « plutôt Hitler que le Front populaire ».

La synthèse du Front populaire et de la réaction, c’est le gouvernement de Vichy ; et le gouvernement de Vichy, c’est la dictature charismatique, le culte de la personnalité de Pétain, l’abolition de la République et des institutions démocratiques, l’abolition des libertés fondamentales, la suppression des organisations syndicales, la suppression du tryptique républicain « liberté, égalité, fraternité », remplacé par le slogan « travail, famille, patrie », emprunté à la ligne de tendance fascisante des Croix de feu, la dénonciation ­ semblable à la continuelle condamnation sarkozyste de l’esprit de 68, « de l’esprit de jouissance qui l’a emporté sur l’esprit de sacrifice, l’habitude de revendiquer plutôt que de servir » ­ avec la violence policière pour faire marcher tout ça… ensemble.

Il y a vraiment des moments où, ensemble, la thèse et l’antithèse, ça ne donne rien de bon. Et comme Sarkozy emprunte continuellement à l’esprit de Vichy plutôt qu’à celui du Front populaire, le 6 mai, j’irai redire dans l’urne : « Non, M. Sarkozy, ensemble, rien ne serait possible », sinon la vie rendue impossible pour nous, qui, de jour en jour, devons travailler plus parce que nous ne gagnons pas assez dans cette société dominée par un parti unique au pouvoir, celui dont vous êtes président, sur lequel vous dites être décidé à garder la mainmise, l’UMP, autrement dit « l’Union du Medef et de la Police ».

Charles Caro, Paris

Réflexe citoyen

Depuis deux mois, le tournis (« On dit aussi tournoiement ou tournoîment [de tête] ; indisposition du cerveau pendant laquelle tous les objets semblent tourner autour de l’individu [Littré]) doit assaillir Éric Besson. Il a souvent affiché, il est vrai avec une fausse modestie, sa passion pour les mots, les beaux textes.

Après les méchanceté dont il a été victime, je souhaite l’aider à progresser dans cet art si difficile et si prenant qu’est l’écriture. Je sais qu’il a peu de temps depuis la fin avril 2007, occupé qu’il est par ses participations aux meetings (anglicisme à éviter en littérature) de Nicolas Sarkozy et aux émissions hautement culturelles du type « Le Grand Journal » de Canal plus.

Ce jour, je choisis, pour aider Éric Besson, le mot « félonie ». Littré définit la félonie comme « un acte mêlé de méchanceté et de trahison » . Certains auteurs du XVIe siècle ajoutaient même : « et le vice qui est en superabondance, il est appelé iracundie *, c’est à dire félonie »* (Oresme, Éthique 127).

Quant au félon, Littré le définit comme « un traître et un rebelle » et, par extension, comme « traître et méchant » . Victor Hugo a souhaité que « Par leur belle détrempée, Les félons seront honnis » (Odes IV, 12). […]

Rappelons qu’au Moyen Âge, l’esprit chevalier imposait « la mise au ban du félon », et qu’en 1945 le félon était frappé d’indignité nationale.

Je souhaite que pour l’écriture de son prochain sonnet à Sarkozy (à paraître avant le 6 mai 2007), notre auteur puisse bénéficier de toutes les aides que des bonnes volontés citoyennes, restées fidèles à leurs principes, pourraient lui apporter.

Cette première ébauche d’aide se fait, bien entendu, à titre gracieux.

Gérard Molines, Montélimar (Drôme)

Courrier des lecteurs
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