Courrier des lecteurs Politis 956

Politis  • 14 juin 2007 abonné·es

Un projet pour demain

J’ai découvert avec grand intérêt votre journal dans les mois qui ont précédé l’élection présidentielle, comme le journal qui enfin semblait rendre compte d’alternatives à l’inéluctable mondialisation économique libérale […]. J’apprécie l’ouverture, le sérieux des articles de fond et l’absence de langue de bois, tellement répandue dans les courants de gauche et d’extrême gauche. J’ai voté Bové à la présidentielle, comme un espoir ténu d’unité des antilibéraux, et pour donner une leçon aux autres. J’ai même essayé de me mobiliser un peu activement en allant à deux réunions, puis j’ai simplement suivi les événements de campagne par les mails ou forums et autres tracts. Je suis donc vite retombé en passivité et, aujourd’hui, en perplexité, après la lecture du programme du candidat antilibéral-alternatif de ma circonscription. Ayant été militant moi-même, quand j’étais jeune, dans la mouvance communiste, et intéressé aux idéologies, je décode ce discours tant rabâché sur les méfaits du capitalisme, et j’y adhère. Mais force est de constater que ça ne passe pas, ou plus, et que l’immense majorité des électeurs ont voté pour des « non-révolutionnaires ». Suis-je en train de dire qu’il faut savoir vendre son âme ? Non, bien sûr ! Mais, depuis les années 1980 et l’échec cuisant des idéologies communistes dans le monde, il faut bien reconnaître que la vision du monde a changé, et que le développement effréné du capitalisme productiviste a fait le reste en aliénant les comportements. Or, je ne crois pas que nous réussirons à susciter des prises de conscience sensibles avec les 125 propositions antilibérales, avec leur caractère « y a qu’à » ! Qui, en lisant cela, fait la différence entre le programme des alternatifs, du PC et de la LCR, voire de LO ? Or, je prétends que cette gauche alternative a autre chose à dire, qu’elle promeut un changement de la façon de voir la vie et la société en dehors des schémas traditionnels du communisme. Il serait plus utile de passer plus de temps à décrire l’état réel de la planète et des enjeux planétaires, qui justifient l’altermondialisme de José Bové et les luttes anti-OGM, en termes plus pédagogiques (pourquoi pas avec le ton de Politis …), plutôt que d’aligner une page de slogans creux et faciles ! Il y a erreur de ciblage du message. Par exemple, peu aujourd’hui comprennent vraiment que les 35 heures ne sont pas seulement une perspective de partage du travail pour réduire le chômage (ce qui s’avère d’ailleurs faux dans le fonctionnement productiviste), mais une mesure indispensable pour commencer à produire utile et durable, dans un monde où la technologie, de toute manière, réduit l’intervention de l’huile de coude. Comment faire comprendre aux gens qui sont baignés par l’individualisme et la peur que se battre contre les OGM et relocaliser les productions agricoles, ce n’est pas seulement manger sain et naturel, c’est vraiment permettre aux pays du Sud de rester autonomes et dignes vis-à-vis de firmes multinationales comme Monsanto, que l’avenir du monde est dans la diversité et non dans l’homogénéisation, etc. ? Vous me direz que c’est justement ce que dit la gauche antilibérale. Eh bien, si je fais abstraction de mon intérêt de cinquante ans pour la politique, si je me mets à la place d’un Français moyen abreuvé d’infos standardisées et pris dans le besoin de survivre dans le monde actuel, je ne vois dans le discours dit alternatif que des injonctions de plus. […] J’hésite ! J’attends donc de cette gauche issue des luttes et qui a porté des combats nobles qu’elle nous parle d’un projet pour demain, d’un projet où l’on sente l’humanité dans le changement et pas seulement des gens qui ont envie d’en découdre. J’ai le sentiment que José Bové incarne autre chose de plus intéressant et de plus « moderne » que ce rabâchage lourd et que la LCR est bien plus habile à le prononcer. Ne négligeons pas la dimension de la communication, qui n’est pas qu’un vilain mot à la mode, mais qui est d’abord de transmettre un message audible et partageable à un interlocuteur.[…]

Francis Paumier (courrier électronique)

Chávez et Radio Caracas Télévision

Dante Sanjurjo s’émeut ( Politis n° 955) du sort des opposants vénézuéliens à Hugo Chávez, privés de leur chaîne de télévision préférée, dont la licence n’a pas été renouvelée par le chef de l’État. […] Personne n’ignore le rôle que jouent les États-Unis dans le soutien aux gouvernements antidémocratiques en Amérique latine, et les efforts qu’ils déploient pour abattre le pouvoir dans les pays qui se sont affranchis de leur tutelle. Outre leur rôle dans le coup d’état anti-Chávez, il faut parler des menées terroristes qu’ils dirigent contre Cuba, de leur présence active dans tous les endroits du monde où sévit la guerre et où ils apportent le fer et le feu. Il faut parler du respect des droits de l’homme à Guantanamo et dans les prisons secrètes qu’ils contrôlent en Europe, et de bien d’autres choses.

On ne pourra parler de démocratie au Venezuela et ailleurs que lorsque ces gens renonceront à régenter le monde. On aura le droit de s’émouvoir des malheurs frappant la bourgeoisie réactionnaire vénézuélienne dès lors que Chávez ne sera plus contraint à la légitime défense contre l’impérialisme américain.

Georges Apap, Béziers (Hérault)

Désinformation ?

Dans Politis , déplorerait-on le retour au public d’une chaîne privée comme TF 1 ? Alors qu’au Venezuela il s’agit seulement du non-renouvellement d’une concession à une chaîne privée qui a cautionné, si ce n’est appelé au coup d’État de 2002. D’autre part, elle ne remplissait pas les obligations de son cahier des charges, qui lui imposait une mission culturelle et éducative. Entorses qui lui valurent des fermetures par les gouvernements précédents, sociaux-démocrates ou démocrates-chrétiens.

RCTV « n’est pas éteinte » : elle peut continuer à émettre sur le câble, par Internet et sur le satellite.

La liberté d’expression et la marchandisation des esprits peuvent se poursuivre, puisqu’on comptait au Venezuela, en 2006, 20 chaînes hertziennes VHF privées et 28 chaînes hertziennes UHF privées. Avec l’incorporation de RCTV, le service public disposera de deux chaînes hertziennes VHF, deux chaînes UHF et deux chaînes sur le câble. Du côté de la presse écrite, sur dix quotidiens de diffusion nationale, neuf sont des opposants déclarés au gouvernement. C’est même peut-être le seul pays au monde où les appels publics à l’assassinat du Président n’ont pas entraîné de poursuites judiciaires. Les étudiants de l’opposition ont pu manifester librement et ont été reçus à l’Assemblée nationale.

Cette campagne de désinformation vise à déstabiliser un régime qui s’oppose aux États-Unis et à leurs alliés par sa politique de récupération des richesses nationales, par la dénonciation des politiques de la Banque mondiale et du FMI.

Que des médias appartenant à des groupes financiers défendent les intérêts de leurs actionnaires est dans l’ordre des choses, mais que Politis , que je soutiens depuis ses origines, participe à cette campagne, quelle déception !

Claire Sciuto, Paris

Notre lectrice peut ne pas partager l’analyse ou l’interprétation de Dante Sanjurjo. Mais parler de «désinformation» est tout à fait impropre. Le débat peut exister, y compris au sein de notre rédaction. Mais Politis n’est pas un parti ni un phalanstère, et des sensibilités différentes peuvent y cohabiter. Nous y reviendrons.

La rédaction

La RTBF (b)étonne

Ce vendredi 8 juin, à 6 h 45, l’émission de radio « Le Tour des régions » a présenté l’information suivante : « Comment déboucher le ring de Bruxelles ? Deux associations en ont parlé hier : l’association belge de la route et le Road Federation Belgium. Une piste de solution se dégage : refermer la boucle du ring au sud de Bruxelles. »

La RTBF présente de simples « associations » : cela les place de facto en dehors de tout conflit d’intérêt. Des citoyens qui cherchent des solutions aux problèmes quotidiens… Visiblement, le fait que ces associations soient constituées des fédérations des entreprises de construction routière, du béton et des ingénieurs routiers des différents ministères n’a pas été jugé digne d’être annoncé aux auditeurs. La RTBF souligne aussi les soucis civiques de ces associations, qui préconisent un tunnel « à double étage, pour en limiter le coût à un milliard d’euros » . Une paille.

Antoine Boucher (courrier électronique)

Courrier des lecteurs
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