Courrier des lecteurs Politis 958

Politis  • 28 juin 2007 abonné·es

Barbarie au G8

Voici le témoignage d’une militante altermondialiste qui a tenté d’exprimer pacifiquement son opposition aux réunions du G8, ce directoire mondial qui ne représente que 13,5 % de la population de la planète, mais entend imposer ses décisions au monde entier.

La police allemande a arrêté 1 200 personnes dans la région de Rostock durant le G8. J’étais parmi elles.

Mardi 5 juin, à 15 h 30, nous sommes 45 personnes dans un bus ayant quitté vers 15 h le camp altermondialiste de Reddelich pour nous rendre près de l’aéroport de Rostock Laage, où a lieu une manifestation. Le bus, roulant sur l’autoroute menant de Rostock à Berlin, est arrêté par la police. On nous fait descendre un à un pour nous fouiller puis nous placer dans un rectangle formé par les voitures de la police. Nous attendons là environ deux heures. Debout sous la pluie, sans pouvoir prendre nos vêtements qui sont dans nos sacs pris par la police et sans savoir ce qui se passe ; parmi nous, une maman avec un enfant de 2 ans.

Des camions de police arrivent ; on nous fait monter dedans les mains menottées, je suis seule à ne pas avoir de menottes. Est-ce un oubli ? Ou est-ce dû à mon âge (65 ans) ? Ce camion a une allée centrale sur laquelle donne une quinzaine de portes. Quand on ouvre une de ces portes pour me faire entrer dans la cellule, je résiste en criant « claustrophobe » , car l’idée d’être enfermée dans ce petit espace m’est insupportable. Deux policiers m’obligent brutalement à y rentrer, puis la porte est verrouillée derrière moi. Ensuite trois autres personnes seront enfermées avec moi dans cette petite cellule. Nous restons très longtemps dans ce camion après le trajet effectué jusqu’à Rostock.

Plus tard, on nous fait sortir un à un de ces cellules. Nous sommes à nouveau fouillés, photographiés ; on passe de bureau en bureau ; on me demande de signer des papiers que je ne signe pas ; ne comprenant pas l’allemand, je ne sais d’ailleurs pas de quoi il retourne. On me remet un imprimé en français et en allemand : « Informations importantes concernant les droits des personnes placées en garde à vue » , le motif de cette garde àvue étant « pour parer à un danger » et « dans le but d’une poursuite pénale » .

Nous sommes ensuite enfermés dans des cages de 4 mètres sur4, entre 5 et 10 par cage. Je partage la mienne avec 5 jeunes détenues de diverses nationalités. Il n’y a rien dans ces cages, nos vêtements sont encore trempés et il fait froid. Nous attendons longtemps avant que l’on nous donne une combinaison de texture papier ; nous nous changeons à la vue de tous. On nous remet un tout petit matelas en mousse de 2 mm d’épaisseur ; il y a beaucoup de bruit et des lumières très fortes.

Vers minuit, on me donne la possibilité de téléphoner d’abord à la famille ; quand je veux téléphoner à l’aide juridique, dont j’ai noté le numéro sur mon bras, on ne me laisse pas faire. À mon retour dans la cage, j’explique ce qui s’est passé, et la détenue qui est ensuite appelée arrive à faire le numéro de l’aide juridique, laissant croire que c’est celui de sa famille, et à donner nos noms. L’on nous propose ensuite comme repas une banane ou une tranche de pain. Vers 2 heures, je suis amenée, encadrée par deux policiers, dans un autre bâtiment pour rencontrer un avocat qui m’explique que cette arrestation est illégale et qu’il va faire en sorte que nous soyons rapidement libérés.

Vers 5 h 30, on commence à libérer les détenus. Je suis libérée vers 6 h, mais on me remet un imprimé écrit en allemand sur lequel est indiqué, me fait comprendre la police, que je dois avoir quitté la région de Rostock ce jour à 8 h, et que je ne dois pas y revenir avant le 9.

Par l’intermédiaire de l’aide juridique, j’ai déposé une plainte et j’ai demandé l’annulation de l’expulsion.

Anne-Marie Louis, Villeneuve-de-la-Raho (Pyrénées-Orientales)

Bilan électoral

La gauche n’est pas que la solution, elle est aussi le problème.

Le PCF a presque réussi à sauver son groupe parlementaire. Cela ne devrait pas l’inciter à trop se remettre en cause.

La LCR vient de doubler ou tripler son financement public. Elle aussi ne devrait pas trop modifier une ligne qui gagne, finalement (qui gagne pour l’appareil trotskiste, pas pour le peuple, mais la Révolution, on le sait, a tout son temps, alors que le capitalisme, lui, n’attend pas).

Il paraît que les cadres qui ont chaperonné puis discrédité la campagne de José Bové sont eux aussi satisfaits : ayant dépassé les 1 % des voix dans plus d’une cinquantaine de circonscriptions, ils vont donc accéder au financement public des partis à raison de 1,60 euro par an et par électeur […], ce qui va leur permettre de se payer les locaux et les permanents dérisoires d’un nouveau petit parti. Bon vent ! Je comprends que José n’ait pas le moral en ce moment.

En ce qui concerne le PS, c’est encore plus grave. Ce syndicat de députés-maires vient de prendre encore du gras, et s’apprête avec délectation à la « reine » des échéances électorales, la seule qui compte vraiment pour lui : les municipales. Celles-ci configurent largement la France, puisqu’elles ouvrent ensuite aux désignations indirectes de présidents et vice-présidents de communautés de communes, de communautés de communautés […] et de sénateurs. Un vrai labyrinthe d’où la démocratie, « participative » ou pas, sort évidemment exsangue, essorée.

Il ne reste qu’un détail désolant, c’est qu’il faudrait construire à gauche une politique lisible et crédible à la hauteur des enjeux gouvernementaux. Mais le PS n’en veut pas, car depuis longtemps il n’a plus ni vision ni leader.

Luc Douillard (courrier électronique)

Vive Karl Max !

Depuis plusieurs années, un débat important secoue régulièrement le parti socialiste, en particulier après chaque défaite électorale : faut-il ou non abandonner officiellement toute référence au marxisme, que ce soit au niveau du programme, au niveau des références, au niveau du discours ou, même, au niveau du nom du Parti ? Ce débat, la municipalité socialiste de Chateauneuf-les-Martigues, une petite commune des Bouches-du-Rhône, l’a tranché depuis longtemps : il y a plusieurs années, souhaitant honorer un ministre socialiste du Front populaire, Marx Dormoy, en donnant son nom à une place du village, cette municipalité l’a tout simplement débaptisé en implantant une plaque le renommant Max Dormoy ! Depuis plus de trois ans, des courriers et des courriels ont été envoyés aux édiles de cette commune, dans le but de rectifier cette erreur : rien n’y fait, la municipalité fait le gros dos, et le ministre n’est toujours pas remarxisé. Curieusement, il semble que le parti socialiste ait reçu l’appui du parti communiste dans ce combat des idées, dans la mesure où un membre de ce parti est l’adjoint au maire délégué à l’urbanisme et à l’aménagement du territoire. Encore plus curieux : lorsqu’on va sur le site www.viamichelin.fr, Marx Dormoy retrouve son véritable patronyme. Ehoui, chez Michelin, on connaît encore la valeur de la lutte des classes !

Jean-Jacques Corrio, Les Pennes-Mirabeau (Bouches-du-Rhône)

Mensonges

Un petit mot pour rectifier les propos présidentiels tenus au JT de 20 heures, en présence de deux « journalistes ».

En gros, on peut faire grève et être payé. Ça va changer ( dixit Sarkozy). Je suis instituteur, en trente-sept ans et demi de carrière, tous les jours de grève ont été retenus sur ma paie, et même une demi-journée pour une heure de grève, prime de transport comprise pour 1/30e, alors que le coupon était payé mensuellement. Une grève a échappé à la retenue : celle de Mai 68. Ce fut la seule.

Il faudra désormais deux jours de préavis avant de se mettre en grève ( dixit Sarkozy). Mais il y a belle lurette qu’un gouvernement de droite a établi le préavis de cinq jours… Ces cinq jours obligatoires devaient servir à des discussions entre l’État et ses fonctionnaires pour éviter la grève. Aucune ne fut évitée car… Jamais il n’y a eu de discussions préventives pour éviter le conflit.

Et les « journalistes » face à ces « approximations » ? Absents, muets, souriants. Que n’a-t-on mis des marionnettes ? À dire vrai, ils étaient encore mieux qu’aux « Guignols de l’info ». On aurait pu se croire sur Canal. Mais je n’ai pas pu rire.

Décidément, le quinquennat s’annonce bien sûr le plan de l’information. Merci à Politis d’exister, et longue vie !

Daniel Leleu, Pantin (Seine-Saint-Denis)

Nous ne dirons rien…

Politis , comme la plupart de ses lecteurs (dont nous-mêmes), évite de personnaliser les analyses politiques. Nous ne dirons donc pas que les socialistes, sur la foi de sondages précoces et d’intuitions passagères, ont mal choisi leur candidate. Nous ne dirons pas qu’elle s’est engouffrée dans une campagne d’images et de sentiments, oubliant les fondements du travail politique. Nous ne confesserons pas qu’il nous en a coûté de mettre en sourdine nos critiques pour lui laisser ses chances[…]. Nous n’affirmerons pas que ses incohérences, ses propositions mal maîtrisées, son incapacité à démonter les arguments ­ même pauvres ­ de l’adversaire, ses coups de théâtre (souvent mal joués, d’ailleurs) ont dopé les intentions de vote… pour Bayrou, et contraint les écologistes ou la gauche radicale à voter utile pour que la gauche figure au second tour. Nous ne soulignerons pas que 47 % face à Sarkozy n’ont rien d’un exploit : en 1995 Jospin avait fait le même score dans des conditions beaucoup plus difficiles (déroute de la gauche deux ans avant, désignation très tardive du candidat, division du PS jusqu’en décembre…). […] Nous ne marmonnerons pas qu’en désignant au peuple l’horizon 2012 la candidate socialiste a plombé au passage les législatives ­ avant de se désoler en juin devant les abstentions en assurant « qu’elle avait encore besoin de nous » … Finalement, nous n’avouerons pas notre espoir que le principal parti de gauche se dote non seulement d’une ligne politique dans laquelle la gauche puisse se retrouver, mais de responsables et de candidat-e-s capables de convaincre et de gagner.

Pour ne pas « personnaliser », nous ne dirons rien de tout cela. Mais nous le penserons si fort que cela finira bien par s’entendre.

Nadia Mahjoub, Jérémie Brès, Caen (Calvados)

Courrier des lecteurs
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