Courrier des lecteurs Politis 969

Politis  • 27 septembre 2007 abonné·es

Merci à Mai 68

Un grand merci pour le numéro spécial été sur Mai 68 et, dans le n° 967, pour les extraits de textes refusés par le Nouvel Obs , journal qui se dit de gauche ­ mais de quelle gauche ? La gauche de la droite, peut-être !

Le courrier d’Olivier Bertrand de Grenoble, publié dans ce même dernier numéro de Politis , est la goutte qui fait déborder le vase !

Il y en a marre de ces donneurs de leçon qui, même à gauche, mettent sur le dos de Mai 68 ce qui n’est pas du fait de cette « révolution culturelle », mais des conséquences qu’en ont tirées les gouvernements qui se sont succédé après, de droite comme de gauche, les gouvernants socialistes sous Mitterrand et les éléphants du PS devenant rapidement, après la victoire de 1981, les défenseurs d’une « gauche molle » !

Mai 68 a bien sûr ­ et c’est tant mieux ­ été le réveil des individualités… Jamais des individualismes ! Comment oublier les mouvements et les luttes qui sont nés de cette révolte : altermondialistes, écologistes, féministes, sociaux et sociétaux… J’en fus, à ma faible mesure, et j’en suis fier !

Bien sûr, […] une partie des « responsables » de l’époque ont égoïstement profité du détournement de ce mouvement pour faire partie des élites droitières d’aujourd’hui, sous le fallacieux prétexte que la mondialisation actuelle est inéluctable. D’autres (dont les responsables de notre revue favorite), plus « silencieux », ont gardé leurs convictions originelles et se battent pour un monde à taille humaine. Il le sera, ou nous périrons dans les conséquences désastreuses de cette évolution où l’homme n’est qu’une marchandise parmi d’autres.

Nul besoin de reprendre le contenu des articles que vous avez publiés, ils sont très bien. Et j’attends avec impatience les articles et livres qui paraîtront l’an prochain pour le 40e anniversaire !

Mai 68, au sens large de « révolte mondiale » contre les autoritarismes et au sens de lutte contre des verrouillages inacceptables pour la majorité d’entre nous, en France et ailleurs, doit être traité comme un grand pas en avant. Et il faut refuser aujourd’hui la manière dont les libéraux l’ont traduit dans les faits (mondialisation à outrance, déshumanisation des sociétés des services public et privé), sans faire non plus d’anachronisme en répétant que tout était mieux avant. L’important, c’est que tout aille mieux demain, puis après-demain.

Merci à Mai 68… et longue vie à sa progéniture : qu’elle fasse son possible et son maximum pour le bonheur de l’humanité à venir !

Serge Moulis, Betton (Ille-et-Vilaine)

Les platitudes de Kosciusko-Morizet

Je me demande bien ce qui a pris à Politis d’interviewer Nathalie Kosciusko-Morizet, qui aurait « une réputation d’écologiste sincère et compétente » ! Or, d’une part, au cours des débats de la campagne électorale, j’ai entendu plusieurs fois cette femme s’exprimer avec une invraisemblable mauvaise foi, et, d’autre part, les réponses qu’elle fait à Politis sont d’une platitude rarement égalée. Soit une page et demie imprimée pour rien.

André Ponchel, Sens (Yonne)

Le paradoxe de l’ampoule

Décidément, notre monde marche sur la tête !

Prenons l’histoire des ampoules à faible consommation d’énergie, fortement taxées par décision de Bruxelles. Ces ampoules, qui sont un formidable enjeu écologique puisque qu’elles consomment cinq fois moins d’électricité, sont fabriquées en Chine. J’imagine que c’est par des entreprises occidentales, européennes ou américaines (ou transnationales, c’est tellement mieux !), qui délocalisent pour faire baisser les coûts de production. Merci pour les chômeurs ! Puis ces ampoules sont transportées vers l’Europe ­ merci les économies d’énergie ! ­ et taxées à l’arrivée par Bruxelles, pour ne pas faire de concurrence aux ampoules polluantes qui restent ainsi dix fois moins chères !

Dites, vous croyez vraiment qu’elle a une chance de s’en sortir un jour, notre planète ?

Anne Le Mouël (courrier électronique)

Qu’ils aillent se faire voir chez les Gracques

Rarement rentrée politique aura été si navrante au PS. Navrante car révélatrice d’un tournant assumé, décomplexé (c’est à la mode…), tendant vers un social-libéralisme bien plus que vers une social-démocratie. Peut-on être socialiste si l’on pense que l’économie de marché et la mondialisation doivent guider le monde et que l’État et la politique n’ont plus d’influence ? À en croire les faits de ces dernières semaines, il semblerait que oui.

Les exemples, à des degrés divers, fusent. C’est Montebourg, lucide et courageux en son temps lorsqu’il refusait la synthèse du Mans, qui prône à demi-mots, lors des journées de Frangy-en-Bresse, l’autonomie des universités, avec les inégalités que cela engendrerait en éloignant un peu plus l’enseignement supérieur de l’universalisme républicain.

C’est Valls, le bien-nommé, tant ses prises de positions sont dansantes (rappelons-nous qu’il défendait le « non » en interne lors du TCE quand le « oui » l’emportait, avant de défendre le « oui » quand la gauche et le peuple choisirent le « non »…), qui va jusqu’à envisager de changer le nom du parti (pauvre Savary !).

C’est Désirs d’avenir-Paris qui, dans une lettre ouverte à Marie-Noëlle Lienemann, prétend que 60 % des militants ont choisi Ségolène en novembre dernier uniquement parce qu’elle incarnait un renouveau idéologique (et non parce que les sondages la donnaient seule gagnante face à Nicolas Sarkozy), égratignant au passage le choix des camarades ayant opté pour le « non » au TCE en le qualifiant de « contestable » pour le simple fait qu’il ait été exprimé et défendu !

C’est le martèlement, depuis La Rochelle, par Ségolène Royal et ses sbires, de la nécessité de « respecter le vote des militants » , de peur qu’une minorité se voulant éclairante puisse encore avoir une quelconque influence sur les esprits.

C’est la volonté affichée d’en finir avec les motions lors des congrès… Il est vrai que les motions mettent en exergue des appréciations de fond différentes de sujets majeurs, voire des idéologies contrastées. Au diable les idées ! L’essentiel, on l’a perçu lors de l’atelier « Existe-t-il un centre ? », à La Rochelle, étant de savoir comment la gauche doit faire pour ajouter à ses 36 % de quoi obtenir un score majoritaire. Les 18 % du Modem sont tentants.

Préférer faire 50 % sur un programme entraînant ne semble donc plus être un objectif. Cela en dit long sur l’optimiste et l’audace de nombreux socialistes. C’est ça, la modernité, sans doute. Ainsi va le renouveau politique, qui rime avec arithmétique et non plus esprit critique ou fondement idéologique.

L’aveu d’un député européen qui claironne qu’il « faut en finir avec les postures morales et tribunitiennes » est assez révélateur de ce « renouveau politique » .

La fracture est ainsi claire au PS. Il y a d’un côté ceux pour qui l’idéologie (la pensée), les valeurs (liberté, égalité, fraternité), les principes (laïcité) doivent prévaloir sur la stratégie, et ceux, plus suivistes, pour qui la société est à apprivoiser (sondages !) et non plus à convaincre, pour qui l’aspiration du plus grand nombre, quelle qu’elle fût, doit être le seul guide permettant de revenir au pouvoir.

Il y a ceux qui pensent que la politique doit influer sur les événements et ceux qui préfèrent coller à l’opinion (débats participatifs !) pour arriver à leurs fins politiques. Étant donné ce que pense l’opinion dominante, ils ont de beaux jours devant eux.

À tous ceux-là, qui, chez les Gracchus, semblent préférer les démagogues frères Sempronius au bon Babeuf, je dis : « Allez vous faire voir chez les Gracques ! »

Vincent Bawedin, militant socialiste, Somme

Courrier des lecteurs
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