Courrier des lecteurs Politis 977

Politis  • 22 novembre 2007 abonné·es

Teilhard de Chardin

Le débat opportun sur Darwin initié dans Politis n° 972 appelle quelques remarques concernant Teilhard de Chardin, cité par deux des intervenants au débat. Pour avoir étudié l’oeuvre scientifique et philosophique de Pierre Teilhard de Chardin, permettez-moi de ne pas être d’accord avec le philosophe Patrick Tort quand il écrit qu’aujourd’hui l’Église catholique « se replie sur les positions providentialistes de Teilhard de Chardin » . Certes, s’il n’est plus persona non grata , comme dans les années 1950, il n’est pas non plus enseigné au catéchisme ni dans les séminaires. De plus, Teilhard n’est pas un providentialiste. Il serait plutôt ce que j’appellerai ici un « prospectiviste ».

Seule une minorité de catholiques est « imprégnée » de la pensée teilhardienne. Les autres, ainsi que la majorité des croyants des autres religions, sont encore largement créationnistes. D’où l’offensive anti-Darwin actuelle, que dénonce à juste titre Ingrid Merckx.

Pas plus d’accord avec le non-darwinien Jean Staune, qui définit ses « idées nouvelles » comme « une tradition dans le champ de Teilhard de Chardin d’une critique évolutionniste du darwinisme » . C’est là ne rien connaître de la démarche de cet auteur. Il n’y a jamais eu chez lui de « critique évolutionniste » du darwinisme. Simplement, Teilhard s’est placé dans une démarche évolutionniste parallèle à celle de ses prédécesseurs. En effet, les théories évolutionnistes de Lamarck (hérédité des caractères), Darwin (sélection naturelle) et De Vries (mutations) sont essentiellement d’ordre biologique.

Pour Teilhard, l’évolution se fait sur deux plans. L’un biologique, l’autre psychique. C’est là l’apport non négligeable de Teilhard de Chardin à la théorie générale sur l’évolution.

N’en déplaise aux tenants du tout-biologique, l’émergence (dans les années 1970) et le développement actuel des sciences cognitives donnent du crédit et renforcent la démarche teilhardienne. […]

Claude Le Bouvier, La Baule (Loire-Atlantique)

Pouvoir d’achat

L’article de Geneviève Azam paru dans le n° 975 de Politis est très intéressant. Parler du pouvoir d’achat, c’est reconnaître que le consommateur a un pouvoir, un vrai pour une fois. Alors, utilisons-le, retournons la problématique ! Pour lutter à « armes égales », en tout cas avec les mêmes moyens, je serais partisan d’utiliser les méthodes du capitalisme commercial, en mettant en place un label « Ne pas acheter », décerné à certains produits en expliquant succinctement pourquoi (exploitation des hommes, mépris du développement durable, etc.) et en renvoyant à un site détaillant ce pourquoi. Est-ce si impensable ? Je suis prêt à participer si l’idée fait son chemin, y compris financièrement…

Jean-Noël R. (publié sur le site de Politis)

Une mauvaise politique

La franchise médicale traduit une absence de politique de santé globale. Le gouvernement français, jugeant les citoyens irresponsables, souhaite créer un système de franchise médicale. Ce système pénalisera les patients, en particulier les moins aisés, et compliquera l’accès aux soins. Ce projet illustre surtout l’absence de stratégie du gouvernement pour une politique de santé globale. Une bonne politique de santé doit avoir une approche globale, qui se situe bien au-delà de l’absence de maladie. Si le soin est une donnée majeure, réduire les inégalités de santé et permettre l’amélioration de la santé de chacun, c’est aussi s’attaquer aux facteurs déterminants de la santé. Cela implique de travailler sur les conditions de vie et de travail, sur le contexte environnemental et sur l’éducation à la santé. Il faut passer d’une logique de soin à une politique de santé globale qui s’appuie sur une véritable démarche de promotion de la santé.

S’il est normal de s’interroger sur le niveau des dépenses de soins et sur leur financement, ces questions découlent des décisions politiques d’organisation des systèmes de santé. Aujourd’hui, seuls 3 % de la dépense publique de santé sont consacrés à la prévention, pour 97 % au soin. Il faut mieux équilibrer ces chiffres pour agir à la source sur les causes des maladies. 80 % des cancers, 40 % des maladies cardiovasculaires, 80 % des diabètes pourraient être évités. C’est ce qu’on appelle communément les maladies de civilisation, liées à des pratiques (alimentation, tabac), des conditions de travail (amiante, pesticides…) ou des facteurs environnementaux (pollution urbaine, ventes de produits nocifs…).

Pour faire reculer ces maladies et résoudre leurs énormes conséquences budgétaires, il faut inverser la logique. Pour cela, il faut faire participer les médecins à la nécessaire promotion de la santé, en acceptant que certaines missions d’intérêt public leur soient rémunérées.

Il faut renforcer les rôles des médecins et inspecteurs du travail (et leur nombre), pour qu’ils puissent mieux agir sur les maladies professionnelles. Il faut aussi que les autorisations de mises sur le marché de nombreux produits soient réétudiées par des agences indépendantes, afin de lutter contre ce que les associations de consommateurs appellent la pollution domestique.

Une bonne politique de santé serait d’intégrer cette dimension dans les politiques agricoles, industrielles, urbanistiques, sociales ou éducatives ; ce serait ensuite d’organiser avec plus d’efficacité et de proximité l’organisation des soins et du secours à la personne par une meilleure coordination des pompiers et du Samu notamment ; c’est dans ce cadre pensé et discuté que se pose la question du financement du système de santé.

L’équipe du président Sarkozy prétend responsabiliser le patient là où, en réalité, c’est le système de santé qui est géré dans la fuite en avant de la réponse curative.

Yann Syz, maire adjoint de Lorient

La production du chercheur

C’est pour s’opposer à la « manipulation médiatique » que « G » [dans le courrier des lecteurs du n° 975 de Politis ], investigateur mais anonyme, nous met en garde : ce Christian Velot qui se prétend victime de son ardeur à critiquer les OGM ne serait-il pas simplement un chercheur peu productif, et pour cela justement sanctionné ? G. précise que Christian Velot n’a pas atteint la « norme » CNRS (le quota) : « produire » un article par an. Si tous ceux qui sont dans ce cas subissaient le même sort, il y aurait de la place dans les labos ! La production du chercheur, contrairement à celle de la poule, dépend largement de facteurs extérieurs : il pond plus ou moins selon son champ d’étude, son approche théorique ou pratique, son ancienneté dans le sujet, et surtout les moyens qui lui sont donnés. Christian doit s’attendre à d’autres chicanes. Nous avions prévu cela et nous resterons solidaires.

Jacques Testart, directeur de recherches honoraire de l’Inserm

Euphémismes

La loi vient d’autoriser les statistiques ethniques, dans certaines conditions. Il va falloir maintenant créer des catégories et mettre au point un vocabulaire adapté pour réaliser ces statistiques.

Il paraît difficile de reprendre le langage politique et journalistique et demander lors d’une enquête : « Etes-vous divers(e) ? » , ce qui pourrait faire penser qu’on s’inquiète de savoir si la personne est plus ou moins schizophrène. Il serait plus acceptable de demander : « Faites-vous partie de la diversité ? » Mais il est difficile de ne pas appartenir à la diversité de la société française… On pourrait proposer deux catégories « diversité » ou « autres » !

De même pour le lieu d’habitation, on pourrait donner le choix aux personnes enquêtées : « Habitez-vous dans un quartier ? » ; et pour ceux et celles qui n’habitent pas dans un quartier (?) : « Habitez-vous ailleurs ? »

Il ne fait pas de doute que le langage politique ferait ainsi faire un grand pas en avant à la sociologie. À moins que les politiques adoptent la diversité française non seulement dans leur langage mais aussi dans sa représentation : parité, loi oblige, mais aussi diversité des origines, ces catégories sociales… Ce serait là un vrai progrès vers la démocratie.

Paul Oriol, Versailles

Contradictions

Le lobby d’incinération des déchets vient de gagner une belle bataille : pas de poursuites judiciaires à l’encontre des responsables [de la pollution à la dioxine à Gilly]. Le maire UMP d’Albertville peut dire merci à son pote Sarko et à la justice aux ordres. Grenelle de l’environnement ? D’un côté, les belles paroles ; de l’autre, les réalités de terrain. Autre exemple dont les médias ne vous parleront pas : les élus UMP poussent pour qu’un second tunnel routier soit percé au Fréjus. Cela en contradiction avec les paroles du Grenelle. Autre exemple : les élus UMP de Savoie veulent modifier la loi Littoral pour pouvoir mieux bétonner le lac d’Annecy. En plus, ils veulent construire une autoroute le long du lac au lieu de rétablir la voie ferrée qui existait entre Albertville et Annecy. On nage dans la folie. Les élus régionaux Verts, avec leurs faibles forces, essaient de dénoncer ces projets.

C’est un élu Vert d’Albertville qui a bataillé pendant six ans pour faire fermer le four de Gilly…

Il est temps que tous les écolos se rassemblent pour parer aux mauvais coups. […]

Michel Roulet

Courrier des lecteurs
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