Courrier des lecteurs Politis 979

Politis  • 6 décembre 2007 abonné·es

La ligne jaune

La division de la gauche révélée par le débat autour du traité constitutionnel européen (TCE) et la victoire du « non » le 29 mai 2005 pouvait être et était en voie d’être dépassée. Il ne s’agit pas d’ignorer l’existence de deux gauches radicalement différentes : l’une qui accepte par renoncement les recettes libérales et lorgne de plus en plus vers une alliance avec la droite présentable (communément appelée « le centre ») ou voit les plus impatients de ses représentants aller à la soupe pourtant peu ragoûtante du sarkozysme gouvernemental ; l’autre qui cherche, hélas dans une division davantage liée à des intérêts organisationnels qu’à des différents politiques, à reconstruire un projet et une alternative qu’il n’est pas injurieux de qualifier de social-démocrate, et ce dans un contexte historique nouveau et difficile, où il faut contraindre le capital au compromis avec le travail, compromis qu’il acceptait jadis de plus ou moins bonne grâce afin d’éviter des perspectives plus révolutionnaires.

Le référendum d’il y a deux ans ne recouvrait pas précisément cette dichotomie au sein de la gauche. De nombreux partisans du « oui » étaient honnêtement convaincus que le TCE constituait un outil de départ qui permettrait, à l’échelle européenne, de stimuler une politique authentiquement populaire et sociale. C’est la raison pour laquelle la division référendaire ne pouvait et ne devait constituer une ligne de fracture définitive.

Ce qui se prépare avec la position prise par le PS de renier tous ses engagements passés quant au respect de la souveraineté populaire pour l’adoption de tout nouveau traité, et de se faire ainsi le complice des droites européennes dans ce qui s’apparente à un véritable coup de force antidémocratique, est à l’évidence d’une tout autre ampleur. Outre qu’il entérine une Europe se faisant sans (voire contre) les peuples, ce choix constitue ni plus ni moins une forfaiture qui, si elle devait advenir, laisserait sans doute des traces durables et profondes dans la gauche durant de nombreuses années, et pourrait bien signer son exclusion du pouvoir pour un sacré bout de temps.

Il conviendrait que le PS le sache, à moins que ses ambitions politiques se limitent désormais à occuper les strapontins que la droite aura bien voulu lui concéder…

Bertrand Eberhard, Paris

Stockage du CO2

Dans leur article du n° 973 de Politis , Patrick Piro et Benjamin Dessus présentent le stockage souterrain du CO2 simplement comme « un important gisement de réduction d’émissions » . C’est faire bien peu de cas des dangers que recèle un tel procédé, que l’on commence à apercevoir enfin. Peut-on imaginer sans risques emprisonner sous terre des millions et des millions de tonnes d’un gaz à la fois toxique à fortes concentrations (souvenez-vous de la catastrophe du lac Nyos en 1986 qui fit près de 1800 morts) et cause majeure de l’effet de serre ?

Qu’arrivera-t-il si, pour une raison ou une autre, ce gaz est relargué dans l’atmosphère ? Va-t-on continuer longtemps à polluer notre planète ? Après l’air et l’eau intoxiqués, les sous-sols regorgeront-ils de CO2 et de plutonium pour satisfaire notre mode de vie sans avenir ? Autant de questions qu’on ne devrait pas, il me semble, évacuer au détour d’une phrase.

Pour le reste, merci pour votre journal, que j’apprécie énormément, y compris d’ailleurs les articles de Patrick Piro. Mais qui aime bien…

A. Pouldon (courrier électronique)

Dans quel monde vivons-nous~?

L’autre jour, au supermarché, j’ai explosé de honte et d’indignation en entendant la petite voix suave de la radio m’annoncer sur le même ton neutre et apaisant l’expulsion de 18 500 étrangers, entre le mistral qui chasse les nuages et la promotion sur l’huile d’olive.

Je ne supporte plus qu’on exhibe ainsi le tableau de chasse d’un ministre pour rassurer le bon peuple.

Je ne supporte plus qu’on parle d’êtres humains uniquement par des chiffres comme on donnerait la production de tonnes d’ordures ménagères.

Et, en plus, comme aux plus beaux temps du Gosplan soviétique, on proclame les objectifs à atteindre : « un total de 25 000 expulsions d’ici à Noël » ! Braves gens, consommez en paix, papa Sarko veille, et son serviteur de ministre appliquera fidèlement le plan.

Je ne supporte plus ce gouvernement qui, incapable de prendre la moindre mesure améliorant la condition du peuple, préfère le divertir en lui jetant en pâture l’image de « méchants » qui vont souffrir.

Je ne supporte plus de voir des politiciens flatter les tendances les plus veules et les plus lâches de l’homme.

Qu’espèrent-ils de nous ? Qu’on dise : « 25 000 « méchants » de moins ! Ouf, c’est vrai qu’on se sent déjà mieux ! Tiens, je reprendrais bien un peu de chocolat. »

Ne nous résignons jamais à l’insupportable.

René Moré (Vaucluse)

Tapage médiatique

Je suis directement concerné par les « régimes spéciaux » de retraite. […] Mais je ne vois pas en quoi je suis un « nanti ».

Les Français sont devenus amnésiques, totalement anesthésiés par ce tapage médiatique. Malheureusement, nous ne pouvons être soutenus par l’opposition, qui est de plus en plus un désert politique, la majorité de l’appareil socialiste étant pour cette réforme.

Il manque dans ce pays une « prise de conscience de classe ». Voulons-nous une société américanisée ? Les retraites sont un enjeu de société qui aurait mérité un véritable débat public. Il est temps que toute la gauche alternative se réconcilie ; il m’est insupportable que ce soient toujours des querelles intestines, les intérêts partisans qui prennent le dessus sur l’intérêt général. En attendant, c’est nous, les gens du peuple, qui trinquons, et ce n’est que le début.

Je suis abonné au Monde diplomatique et lis assidûment Politis , Alternatives économiques , Alternatives internationales , Regards et Manière de voir . Je suis agent SNCF à Strasbourg.

Jacques Bellostar, Strasbourg (Bas-Rhin)

Électoralisme

J’ai lu dans le Trégor qu’une conférence sur le réchauffement climatique était organisée par les sections du Parti socialiste du canton de Perros-Guirec avec la participation de la députée Corinne Erhel et du sénateur Claude Saunier (les 2 PS, bien sûr). Le programme du même PS pour les municipales à Lannion prévoit un renforcement des voies autoroutières ! Comment, alors, croire à une conversion sincère à la cause environnementale ? Il a fallu trente ans aux scientifiques et aux écologistes pour convaincre les politiques de tous bords des effets néfastes de notre type de développement, et, comme par miracle […], tous en font leur cheval de bataille sans aucune cohérence entre leurs différents projets.

Les incertitudes à ce jour ne concernent plus que l’ampleur du phénomène (+ 2 °C ou 6 °C) et ses conséquences planétaires. Alors, sachant qu’il faudra certainement attendre de très nombreuses années avant que les bonnes mesures ne voient le jour au niveau mondial, et probablement sous la pression des catastrophes, ne devrait-on pas dès aujourd’hui s’attacher à prévoir les mesures envisageables plutôt que de continuer de gloser sur ce qu’il aurait fallu faire pour ne pas en arriver là ? La récupération électoraliste du thème ne fera pas beaucoup avancer les solutions.

Alain Brunel, Bégard (Côtes-d’Armor)

Racket d’État

Française, je veux me rendre en Algérie chez des parents. Pour avoir un visa, il me faut un certificat d’hébergement. Mon parent le fait établir à sa mairie, c’est gratuit. Le consulat d’Algérie me demande 33 euros, et, en quarante-huit heures, j’ai mon visa.

Mon parent d’Algérie veut venir en France. Pour demander un visa, il lui faut un certificat d’hébergement. La mairie me demande un timbre OMI (Office des migrations) de 30 euros. Mon parent dépose une demande de visa, et le Consulat de France lui réclame 50 000 dinars (à peu près 50 euros).

Oui, mais le visa sera refusé. Envolés, les 80 euros ! Multipliez cela par des milliers de refus, peut-être des dizaines de milliers. L’État français se fait payer un service qu’il ne rend pas. Si ce n’est pas duracket, ça !

Geneviève Mazouni, Juvignac (Hérault)

Courrier des lecteurs
Temps de lecture : 7 minutes