Courrier des lecteurs Politis 997

Politis  • 10 avril 2008 abonné·es

Un lycéen en colère

Rappelez-vous, c’était en avril 2007. « Il est possible de changer l’école. Il faut d’abord que nos enseignants exercent leur métier dans de bonnes conditions. Ils sont la clé de la réussite de tous les élèves », nous disait Nicolas Sarkozy dans son programme présidentiel.

Rappelez-vous, c’était jeudi 27 mars, à Paris, à Lyon et à Marseille. Des milliers de lycéens manifestaient pour protester contre la politique éducative du gouvernement, et plus précisément contre les nombreuses suppressions de postes prévues pour la rentrée 2008. Étrangement, ce sont des enseignants travaillant dans de bonnes conditions qui ont été suivis par leurs élèves de plusieurs lycées de banlieue parisienne.

Nous étions une cinquantaine de Luzarches (95) à rejoindre le cortège entre Luxembourg et le ministère. Pas nombreux, certes. Pas assez, mais, en tout cas, pour la première fois concrètement mobilisés pour faire entendre ce qui nous fait tirer la sonnette d’alarme sur ces fameuses « suppressions de postes ».

Que savez-vous de la « dotation horaire » ? Attribuée par l’Inspection d’académie, cette dotation en heures de cours pour l’année qui vient n’est pas seulement un mot, ou deux. C’est bien d’une réalité qui concerne chaque professeur, chaque élève, chaque parent dont il s’agit.

Ces directives se traduisent précisément, pour notre établissement, par une baisse du nombre de classes ­ entraînant des effectifs surchargés, une restriction d’accès en seconde pour des élèves du secteur et une impossibilité pour des redoublants de pouvoir rester dans leur lycée ­, la suppression définitive de trois postes d’enseignants titulaires (français, mathématiques et physique-chimie), la suppression d’options, le non-respect des horaires légaux par discipline, le regroupement d’élèves ne passant pas les mêmes épreuves.

Il faudrait se demander ce que sont de « bonnes conditions ». Tant pour le professeur que pour ses élèves. Car si le gouvernement veut souvent montrer son attachement à notre éducation, la réalité nous étonne, nous inquiète. Plus que crier des slogans, c’est avant tout la défense de nos intérêts qui nous motivait à rejoindre les autres lycées dans la rue […]. Nous dénonçons une situation où l’on dit souhaiter une jeunesse épanouie et instruite tout en remplissant des classes avec 35 élèves, où l’on se lamente sur le niveau linguistique français tout en laissant regroupés des élèves qui ne préparent pas les mêmes épreuves, où l’on dit que l’éducation est une priorité alors que les moyens mis à sa disposition sont vus au rabais d’année en année.

C’est sûr, informer, discuter, mobiliser ne sont pas choses faciles […]. Mais contester cette politique concerne tous ceux qui sont attachés à des lycées où l’on ne considère comme prioritaire l’économie, à travers une politique du chiffre et du calcul, mais plutôt l’éducation à construire.

Mathieu Jolis

Un courant citoyen

Lectrices et lecteurs de la région toulousaine, nous avons suivi avec beaucoup d’intérêt les articles concernant les élections municipales.

Ainsi, dans le n° 991 de Politis , il est dit à juste titre que la liste « Debout ! La liste qui ne renonce pas ! » a bénéficié, outre le soutien de la LCR, des Motivé-e-s et des communistes unitaires, de l’appui de l’Appel unitaire antilibéral, devenu autonome des collectifs…

À ce sujet, nous souhaiterions préciser qu’en tant que membres du Mouvement altermondialiste Toulouse et agglomération, et du Collectif altermondialiste du Volvestre (issus du rassemblement autour de José Bové lors de la campagne présidentielle), nous avons apporté notre soutien à l’Autre Liste, conduite par François Simon, et à la liste Entente Ramonville 21, conduite par Henri Arevalo (dont 3 personnes sur 33 étaient adhérentes à un parti). Ces listes de citoyen-ne-s, sans soutien de partis politiques, ont développé dans leurs programmes respectifs des points correspondants à notre engagement altermondialiste, en phase avec nos fondamentaux et allant dans le sens des valeurs pour lesquelles nous agissons : « un engagement fort pour la mise en place d’actions favorisant une société plus solidaire basée sur l’économie sociale, pour un fonctionnement réellement démocratique visant à développer une authentique participation citoyenne ; la détermination de mettre en place une politique écologique ; la volonté d’élargir les relations avec les autres peuples au travers d’actions de coopération décentralisée ».

Ces deux listes (5,42 % pour l’Autre Liste, 27 % pour Entente Ramonville 21) démontrent qu’il existe un courant citoyen désireux de s’emparer de la « chose publique ». Malgré la pression exercée par l’environnement médiatique et par les partis politiques dominants pour l’étouffer, ce courant trouve un écho favorable dans la population .

Merci à Politis de faire entendre une autre voix.

La présidence collégiale de la coordination du Mouvement altermondialiste de Haute-Garonne

La parole des Africains

Toutes affaires cessantes, précipitez-vous dans votre librairie la plus proche pour acheter L’Afrique répond à Sarkozy. Contre le discours de Dakar (éditions Philippe Rey) que nous recommande Denis Sieffert dans le n° 992 de Politis . J’ai découvert avec respect la parole des Africains, et avec consternation, moi qui me croyais bien informé, mon ignorance crasse de la réalité authentique de l’Afrique. Voilà un ouvrage collectif, ô combien précieux, qui doit devenir le livre de chevet de tous les « chercheurs de vérité et de justice ». Bonnes lectures.

Liliane Kaczmarek, Crépol (Drôme)

De l’art de tromper son monde

Le gouvernement a transmis le 20 mars dernier au Conseil d’état le projet de réforme des institutions promis depuis un an par Sarkozy avec toute la modestie qu’on lui connaît. Mais les amateurs de VIe République seront déçus car, comme bien souvent, sauf lorsqu’il s’agit de vider les poches des travailleurs ou de faire la chasse aux « asociaux » (à cet égard, les supporteurs du PSG ont bien retenu le message, même s’ils l’écrivent de façon plus brutale…), la montagne a accouché d’une souris et, moyennant quelques os à ronger laissés aux députés, notre président se verra ouvrir les tribunes des assemblées, les rares qu’il n’occupait pas déjà.

Mais ce projet contient également une disposition emblématique de la considération que porte la droite tant aux électeurs qu’à la Constitution elle-même. Il supprime en effet l’article 88.5 de cette dernière, alinéa introduit en février 2005 et visant à soumettre à référendum tout nouvel élargissement de l’Union européenne.

Février 2005, rappelez-vous, trois mois avant le référendum sur le projet de constitution européenne ! Il s’agissait alors pour les auteurs de cette énième modification de la Constitution, Chirac, Sarkozy et consorts, de prétendument donner au peuple français un droit de veto qui, espéraient-ils, limiterait les effets de la dénonciation des conséquences de la mise en concurrence de notre modèle social et du dumping fiscal pratiqué par certains États.

Maintenant que cette Constitution a été adoptée dans les conditions que l’on sait, on peut poursuivre dans la forfaiture et abroger une disposition conjoncturelle qui n’avait d’autres buts que de tromper les électeurs. Le fait que cela intervienne au moment même où les ouvriers roumains de Renault-Dacia commencent à prendre conscience de leur exploitation éclaire parfaitement ce qu’il adviendra demain (quand les Roumains coûteront trop cher, on délocalisera en Ukraine, puis en Moldavie, avant que l’OMC ne rende définitivement caducs ces charcutages territoriaux et nous fournisse enfin le marché unique planétaire qu’elle construit patiemment…).

Cette opération juridico-politique illustre également ce qu’il est advenu de la constitution de la République. La loi fondamentale censée rassembler la Nation sur la durée autour, notamment, de règles de fonctionnement garantissant l’ancrage et l’épanouissement de la démocratie n’est plus considérée par ceux qui devraient en être les premiers gardiens que comme un chiffon de papier que l’on peut impunément gribouiller.

Bertrand Eberhard, Paris

Handic… apte

Chic un article sur le handicap. Mais, dès le départ, une fausse note : on n’écrit pas les handicapés (comme les Noirs), mais les personnes handicapées. Il est difficile d’être réduit en tant qu’être humain à l’état d’adjectif qualificatif.

Ensuite, ce n’est pas en dorant les barreaux qu’on se bat contre les prisons, et ce n’est pas en augmentant l’aumône qu’on bouleverse la situation de 10 % de la population française. Les dames de charité ont leurs pauvres, il est donc logique qu’on ait chacun notre handicapé de service.

Comme ça, on continuera à se garer sur les places réservées, c’est quand même plus pratique ! Une société qui n’exclut personne n’est pas une société qui se paie son quota d’invalides. J’en parle d’autajavascript:barre_raccourci(‘ *’,’* ‘,document.formulaire.texte)nt plus librement qu’étant moi-même un travailleur handicapé (et médecin du travail), la situation handicapante est mon quotidien.

En effet, peu importe le statut, mais l’existence de toutes les barrières est bien plus blessante. Dans les entreprises, battons-nous pour que notre voisin soit reconnu personne handicapée et que la situation qu’on lui offre ne soit pas handicapante. Dans notre monde hypernormé, il nous apportera la fraîcheur de la différence.

Monsieur Nicolas Sarkozy,

Je suis avec beaucoup d’intérêt les effets des différentes propositions que vous formulez pour permettre à nos élèves de pouvoir prendre la mesure le plus précisément possible du rapport complexe à notre histoire et notamment celle concernant la période allant de 1933 à 1945.

En tant que président du Cercle Menachem Taffel(matricule107969), j’ai développé une réflexion longue et coûteuse sur l’indifférence de la corporation médicale française à l’étude fondamentale sinon fondatrice des raisons qui ont poussé nos collègues allemands à adhérer au nazisme à partir de 1933.

Rien n’est dit en France sur le fait que les médecins ont été ceux qui ont adhéré le plus aux structures nazies sans y être obligés.

Rien ne dit qu’ils étaient jusqu’en 1933 les meilleurs médecins occidentaux, cela a été notamment reconnu par le fait qu’ils ont obtenu le plus de prix Nobel de médecine.

Rien ne dit qu’après-guerre seuls 23 d’entre eux ont été jugés à Nuremberg, dont 6 pendus.

Mais, ensuite, l’ensemble de cette corporation a été recyclé et a poursuivi son exercice et son enseignement en Allemagne.

Aujourd’hui, il est de bon ton de considérer que les médecins allemands ayant adhéré au nazisme étaient fous et criminels, alors qu’en fait ils s’appuyaient sur des modèles et sur une idéologie qui étaient partagés par l’ensemble de leurs collègues occidentaux.

Faisant le constat de la méconnaissance totale de mes futurs jeunes collègues concernant l’enseignement de cette période, faisant le constat de la méconnaissance totale des enseignants en médecine dans ce domaine, je me demandais s’il ne serait pas plus judicieux, plutôt que de sensibiliser un élève de CM2 à la question importante du parrainage d’un enfant juif mort en déportation, de remettre à chaque étudiant en première année de médecine un exemplaire du rapport d’autopsie réalisé en janvier 1946 qui a permis de reconstituer le chemin de croix des 86 juifs sélectionnés à Auschwitz et gazés au Struthof en août1943 afin que leurs crânes puissent constituer les éléments de transmission pédagogique d’un futur « musée de la race » que seule la victoire sur le nazisme a empêché de voir le jour.

Georges Yoram Federmann, Strasbourg*

**Le docteur Georges Yoram Federmann est médecin agrée par la Ddass pour les étrangers malades et médecin expert auprès du ministère des Anciens Combattants.*

Courrier des lecteurs
Temps de lecture : 10 minutes