Courrier des lecteurs Politis 1001

Politis  • 8 mai 2008 abonné·es

Hommage à Aimé Césaire

Lorsque j’ai appris la mort d’Aimé Césaire, nous venions, à Inversalis Productions, où je travaille, de terminer une série de sujets sur ses deux faces les plus connues. Nous venions de parler du poète et de l’homme politique, mais nous n’avions pas parlé de l’homme, de la personne Aimé Césaire.
Hors de toute polémique sur son cercueil et la destination de celui-ci vers les honneurs, […] il apparaît que la situation la plus simple et la plus cohérente pour l’homme est qu’il soit enterré en sa terre de Martinique. Cette terre qui l’a vu naître, qui l’a vu grandir, qui l’a vu partir pour le voir revenir, rester et mourir.
Aimé Césaire a construit toute son œuvre, son humanité, à partir de cette terre négraille dont il est la fierté locale, nationale, internationale, pour toute personne s’identifiant à l’errance.
J’ai eu l’opportunité de rencontrer l’homme, le politique, le monument. J’ai été frappé par deux choses, sa simplicité dans le rapport avec l’autre et sa voix douce qui ne laissait jamais échapper un sentiment ou un préjugé.
Lorsque j’y pense, il y a aussi une troisième chose. Il accompagnait l’autre par un geste, par le toucher, dans une attitude fraternelle. Dans ces moments-là, chacun était son égal. Ce comportement m’avait marqué chez l’homme, cette capacité à humaniser l’autre. Il nommait ou prénommait toujours la personne à laquelle il s’adressait. Ce n’était point de la camaraderie, c’était du respect […].
À partir d’un nom, il pouvait inscrire une famille dans une localité, un espace ou un parcours. Il avait cette aptitude à décrire le passé, le présent, le futur, ainsi que la nature d’un être. En ce sens, à Fort-de-France, il était non seulement un fils, un neveu, un mari, un père, un grand-père, un arrière-grand-père, un oncle, un grand-oncle, un arrière-grand-oncle, mais aussi un ami.
Et il y a aussi Aimé Césaire l’autorité. L’autorité morale, non pas par son statut de géant, mais par son statut de professeur qui a appris à quelques milliers d’élèves la littérature. D’ailleurs, certains d’entre eux sont devenus professeurs, ingénieurs, avocats, médecins et écrivains.
Cette réalité, c’est aussi son implication dans cette île, la Caraïbe, à qui il a donné une grandeur mondiale. Sur place, lors des obsèques, c’est cet homme-là qui a été honoré.
Hors de toute polémique, on ne peut qu’honorer un homme simple, généreux et fraternel. Sa simplicité fut d’une telle force qu’elle imposa le silence au premier des Français, à qui il a offert, qu’on se le rappelle, le Discours sur le colonialisme lors d’une visite durant une campagne électorale pour la présidentielle.
Sa générosité fut telle qu’elle est la revanche de l’esclave enchaîné rompant ses chaînes par les maux avec des mots à la face du maître.
Son aura est telle qu’elle est admirée, tant par les Blacks Panthers d’Amérique qu’au Proche-Orient, en passant par l’Afrique du Nord et du Sud. Sa mémoire restera honorée. Il s’agit là d’une trace indélébile qui a trouvé son chemin sur l’ensemble des zones géographiques du monde. Sa sagesse permettait à chacun, y compris aux puissants de la nation, de venir le consulter.
Il restera dans les mémoires des arts. Il restera dans les mémoires par la politique. Et il nous restera, nous, fruits de la génération Césaire, à faire perdurer son œuvre par la musique, la littérature, la peinture et le cinéma. Sans doute le mélange des arts permettra à cet homme de trouver enfin le repos mérité d’une vie militante construite et remplie.
Peut-être le ferons-nous en écoutant « la Marseillaise noire », Jacques Courcil, Manuel Césaire, sans oublier Soft ou Jacques Schwarz-Bart. […]
Merci Aimé Césaire.
Gérard Théobald

Un verdict injuste
Le 21 avril, j’ai appris avec tristesse la relaxe du chasseur de sangliers qui avait tué Cannelle, la dernière ourse de souche des Pyrénées. Il n’y a décidément pas de Grenelle de l’environnement pour notre faune sauvage, et la justice n’a pas fait son travail, une nouvelle fois. Or, l’équipe de chasse concernée aurait pu éviter cette dangereuse confrontation avec une ourse défendant son ourson, si elle avait écouté les défenseurs de la nature, qui avaient auparavant signalé la présence d’une famille d’ours dans le secteur. C’est cette réelle négligence que la justice aurait dû sanctionner ; hélas, la plupart des chasseurs ne s’intéressent qu’au gibier, et on doit à certains d’entre eux la quasi-totalité des actes de braconnage visant des espèces protégées.
Quant à la férocité présumée des ours, je rappelle qu’en Slovénie, où ces animaux sont particulièrement nombreux, ils causent beaucoup moins d’accidents que les chasseurs en France. Désormais, dans les Pyrénées, la quasi-totalité des ours sont d’origine slovène, et il faut poursuivre les lâchers pour que l’espèce survive en nombre suffisant.
Contrairement à cette idée reçue entretenue par les médias, la réintroduction n’a pas été imposée par les citadins. Elle a été proposée initialement par plusieurs communes de montagne, soutenue, selon les sondages, par la majorité des montagnards des Pyrénées. Les ours réintroduits s’adaptent bien, à en croire leur bon état de santé et leur exceptionnel taux de reproduction.
Les dégâts causés aux troupeaux, démesurément grossis par les médias épris de sensationnel, ne représentent qu’une minuscule partie de la mortalité naturelle du cheptel et font l’objet d’une prévention qui a créé de nombreux emplois de bergers. Bien avant les premiers lâchers, les défenseurs de la nature ont créé une association, le Fonds d’intervention écopastoral, pour aider les éleveurs de la zone à ours. Il n’est donc pas normal qu’une minorité violente cherche à saboter une opération de sauvetage voulue par la majorité. Car, sans les ours, les Pyrénées perdraient leur âme !
Jean-Claude Courbis, Chambéry (Savoie)

La maternelle en sursis
Bizarrement, on entend parler des réformes de l’école élémentaire, mais rien ne transparaît concernant le sort de l’école maternelle.
Le 20 décembre 2007, lors d’un JT sur France 3, nous apprenions par l’intermédiaire de M. Bentolila, professeur de linguistique à Paris-V, qui en était le rapporteur, qu’une commission ne comportant aucun représentant de l’école maternelle devait statuer sur la responsabilité de celle-ci concernant l’échec scolaire constaté en primaire et au collège. Motif d’inculpation : « développement des inégalités linguistiques et sociales » à l’école maternelle. Verdict : responsabilité avérée.
Cette condamnation pour le moins arbitraire oubliait d’évoquer les restrictions dont l’école maternelle a fait l’objet et qui justifient la déstructuration d’une institution jusqu’alors performante. La première concerne la formation des enseignants, devenue la même pour tous, négligeant le fait qu’enseigner en maternelle suppose des compétences particulières nécessitant une connaissance approfondie du développement des jeunes enfants d’âge préscolaire. Non seulement cette spécificité a été supprimée, mais on a procédé à une néfaste transformation des méthodes et programmes des écoles maternelles à la même époque.
Autre mesure négative pour les jeunes élèves de la maternelle : les grandes sections permettant une liaison harmonieuse avec le CP furent détachées et intégrées à l’école primaire sans concertation avec les autorités compétentes.
M. Bentolila préconise la suppression des petites sections qui permettaient aux enfants de milieux modestes d’acquérir les bases du langage. On sait très bien que c’est à cet âge que doit commencer une éducation liée au développement de la pensée.
Parallèlement aux deux mesures précédentes, les effectifs des petites sections n’étaient pas comptabilisés par l’Administration. Quant à la suggestion d’une obligation scolaire à 3 ans, sans doute serons-nous des pionniers ? Elle permettra une intégration systématique de ce qui reste de notre école maternelle, totalement démantelée, à l’école primaire sous forme d’un retour aux classes enfantines de jadis.
Dès la prochaine rentrée, dans l’Aveyron, 9 établissements seront rattachés aux écoles élémentaires voisines, à la faveur du non-remplacement des directrices ayant atteint l’âge de la retraite !
Un ouvrage récemment paru aux éditions Michalon conforte de façon étonnante, sinon révoltante, cette décision : Il faut fermer les écoles maternelles, pamphlet écrit par un inspecteur de l’Éducation nationale, qu’il signe avec courage de son pseudonyme J. Dazay.
Voilà le triste bilan de tant d’années de recherches, de tant d’efforts pour améliorer l’accueil et la formation du petit enfant quelle que soit son origine, et cela malgré les mesures restrictives qui ont été imposées au premier degré de l’enseignement ces vingt dernières années.
Les insuffisances qui lui sont reprochées ne sont que des arguments fallacieux destinés à la discréditer davantage et à justifier sa suppression. La dégradation voulue et organisée de l’éducation enfantine, qui favorisait les classes populaires, s’inscrit dans la logique d’un programme obéissant aux projets européens de privatisation progressive des systèmes publics d’éducation.
Micheline Garo, Paris

Honte d’être français
Je suis de ceux qui ont vécu dans les années 1960 la honte de la « pacification » en Algérie, et j’ai vu revenir ma honte avec la mort de ce jeune Malien venu en France donner un rein pour une greffe sur sa sœur malade. Il n’a pas supporté la perspective d’être rapatrié comme un sans-papiers. Il a préféré le risque d’une noyade dans la Marne à la honte du retour.
Ceux qui l’ont fait poursuivre savent le poids, chez lui, de cette honte. Et moi, j’ai honte aujourd’hui d’être soupçonnable
de les avoir élus.
Jean-Pierre Morichaud, Drôme

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