Courrier des lecteurs Politis 1008

Politis  • 26 juin 2008 abonné·es

Pour Marina Petrella

On vient d’apprendre que le Premier ministre a signé le décret d’extradition condamnant Marina Petrella à rejoindre une geôle italienne, où elle finira sans doute ses jours, loin de sa famille et de ses proches (voir Politis n°~1007). À moins que…

À moins que la justice française ne reconnaisse enfin le caractère inhumain d’une détention qui aura en quelques mois détruit sa santé et brisé ses espoirs, et ne lui fasse prodiguer les soins auxquels elle a droit, comme n’importe quel détenu. Faute de quoi, il faut le dire, c’est dans une geôle française qu’elle risque de finir sa vie, avant même que l’extradition ait lieu. Aujourd’hui, Marina ne s’alimente plus et n’a plus la force de marcher.

À moins que les médias, enfin, ne portent le débat au-delà du simple relais des dépêches de l’AFP, et permettent aux voix qui se sont déjà manifestées (Stéphane Hessel, Martine Billard, Patrick Braouezec, Albert Jacquard, Jean Lacouture et d’autres) d’avoir l’écho qu’elles méritent.

À moins que davantage de voix à gauche, notamment au Parti socialiste, ne se sentent enfin liées par la parole donnée par François Mitterrand d’accueillir sur notre sol les anciens activistes italiens en échange de l’abandon de la violence. Et que ces hommes et femmes de gauche prennent conscience que, ce faisant, la France avait œuvré avec intelligence pour la résolution d’un conflit plombé.

À moins que, parmi nos ministres dits «d’ouverture», en particulier ceux qui, il y a encore quelque temps, pouvaient se réclamer des mouvements de gauche des années~1960-1970, certains ne reconnaissent enfin en Marina une femme de leur temps. Et prennent position pour s’opposer à ce qui, aujourd’hui, ne peut plus être vu autrement que comme une vengeance politique acharnée de ceux qui ont décidé d’anéantir ce qui reste de cet héritage libertaire, progressiste, révolutionnaire et passionné.

À moins que nous ne réussissions à faire en sorte que les travailleurs sociaux, les sans-papiers, les enseignants et les fonctionnaires en lutte fassent de Marina leur emblème, celui d’une femme qui, arrivée en France, en devenant assistante sociale, s’est plongée dans cette société pour contribuer à la soigner, à relever ses individus les plus faibles, à entretenir l’espoir d’un avenir meilleur, malgré tout.

À moins que nos intellectuels ne s’aperçoivent enfin que le mot de liberté, subtilisé et détourné par la droite que l’on dit aujourd’hui «libérale», mais qui n’a jamais cessé d’être réactionnaire et répressive, a bien vocation à demeurer dans le vocabulaire revendicatif de la gauche progressiste : sans cette liberté, Marina et les autres seront anéantis dans cette entreprise sournoise d’élimination menée par le pouvoir.

À moins que des analystes médiatiques ne révèlent enfin que ce pouvoir, à gouverner selon les valeurs de la force et de l’intransigeance qu’il croit populaires, réveille sciemment des conflits qu’on croyait résolus depuis vingt ans pour mieux nettoyer le terrain idéologique et asseoir sa domination sur les esprits. […]

Aujourd’hui, ce qui brise la vie de Marina Petrella, c’est le silence. Amplifions le débat. Faisons la vérité sur ses conditions d’arrestation et de détention en août dernier. Rappelons dans quel climat l’Italie du début des années~1980 l’a jugée et condamnée. Rappelons qu’elle a toujours nié avoir commis les crimes qu’on entend aujourd’hui lui faire payer. Mesurons ce qui lui est reproché à d’autres crimes historiques jugés ou classés sans suite (Papon, l’OAS). Demandons-nous enfin pourquoi notre gouvernement met autant de détermination à juger l’histoire de ces années-là, au point de bouleverser les vies de citoyens exemplaires. L’on comprendra alors peut-être ce qui est en jeu : la liberté de s’affranchir d’un passé troublé, de sortir au grand jour de la clandestinité, de renouer définitivement avec la société, de se recréer.

Étienne Walter

Un devoir historique

Depuis l’échec d’une candidature unitaire de la gauche antilibérale à la présidentielle, depuis la défaite de Ségolène Royal à cette même élection et face à l’offensive antisociale menée par Nicolas Sarkozy et son gouvernement, la gauche semblait inaudible, voire absente du débat politique. Cette situation a généré de la désespérance pour des millions de citoyens qui avaient vécu et soutenu la dynamique des comités antilibéraux durant la campagne du TCE. L’appel lancé par votre journal, «Organisons l’alternative à gauche», vient à point nommé. En effet, à gauche tout est à reconstruire, et une recomposition politique s’impose. Militant du PS depuis plus de trente ans, longtemps responsable local de ce parti, comme beaucoup de mes camarades, je me sens de moins en moins en phase avec lui […]. L’orientation préconisée est souvent illisible, et le spectacle offert en ce moment avec la course à l’échalote pour la succession de François Hollande est affligeant. Le parti se discrédite […]. À côté du PS, la gauche a besoin d’une force antilibérale. Cette gauche-là a le devoir historique de s’unifier pour ne pas décevoir des millions de citoyens qui subissent les effets néfastes de la politique menée actuellement par la droite. Certes, il ne faut pas être candide ! Le chemin de l’unité ne sera pas un long fleuve tranquille, car chaque sensibilité qui la compose a ses spécificités, sa culture politique, une certaine méfiance vis-à-vis de l’autre, mais en politique tout est question de volontarisme et de dynamisme. La gauche est à la croisée des chemins. Gageons que cet appel, que j’ai signé bien volontiers, constituera les prémices d’une force nouvelle, nettement ancrée à gauche. […] Souhaitons que les initiateurs de cet appel en prennent conscience et qu’ils ne se laissent pas submerger par leur ego et leurs querelles intestines.

Pierre Pruneta, Les Molières (Essonne)

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