Courrier des lecteurs Politis 1010

Politis  • 10 juillet 2008 abonné·es

Enseignants en Guyane

C’est avec un grand plaisir que j’ai lu votre dernier numéro. Cela faisait longtemps que je n’avais pas trouvé un hebdomadaire qui corresponde parfaitement à ce que je recherche en termes d’ouverture, d’actualité, présentant la sensibilité qui est la mienne. Bref, j’étais content.
J’aimerais attirer votre attention sur le mouvement social des enseignants en Guyane [[Voir [->http://pouruneecoledequaliteenguyane.
travelblog.fr].]], qui dure depuis plusieurs mois et qui paraît symptomatique du mépris de ce gouvernement face au peuple. C’est d’autant plus dur pour eux de se faire entendre. Navrant, mais chapeau à eux !

Olivier Lamouline

Un front de gauche des diversités

Je me décide enfin à réagir à votre appel et à partager avec un plus grand nombre une proposition que j’ai d’abord soumise à certains signataires de l’appel. Leur accueil m’a encouragé à prendre le clavier, à défaut de la plume, pendant le long voyage qui me mène vers la Nouvelle-Calédonie.
Comme beaucoup sans doute, je suis très inquiet de la multiplication des initiatives qui se font jour en vue des élections européennes et qui, pour le moment, nous promettent au moins trois listes, d’ouverture bien sûr ( ! ), à la gauche de la gauche : celle du Nouveau Parti anticapitaliste, qui sera lancé d’ici là, celle du parti communiste et celle des Verts.
Comme d’habitude, nous avons des ami(e)s dans chacune de ces listes, demain concurrentes et pourtant chacune porteuse de combats écologiques et sociaux auxquels nous adhérons.
Au début des années 1980, nos frères kanaks étaient dans la même situation de dispersion face à l’État colonial, et Jean-Marie Tjibaou a vite compris que s’ils demeuraient ainsi, rien, aucune avancée, ne pourrait se faire. C’est ainsi qu’est né le FLNKS (Front de libération kanak et socialiste). Qui peut contester que, malgré les difficultés, voire les crises, traversées et encore récurrentes aujourd’hui, ce front a permis à la revendication kanake des avancées spectaculaires, notamment en obtenant de l’État la reconnaissance des erreurs du passé et l’affirmation que les Kanaks doivent être au centre du dispositif de rééquilibrage du pays (cf. le magnifique mais méconnu préambule de l’Accord de Nouméa) ? Le propos n’est pas ici de faire le bilan, hélas en demi-teinte, des Accords Matignon, Oudinot et Nouméa, ni celui du FLNKS, aujourd’hui très critiqué par le nouveau Parti travailliste issu des rangs du syndicat USTKE. Le propos est de regarder, sur le plan stratégique, comment s’y sont pris nos frères colonisés, à un moment de leur histoire, pour sortir de la marginalisation et de la dispersion, arriver au pouvoir, au moins dans deux provinces sur trois, et impulser une dynamique qui doit mener dans quelques années au référendum d’autodétermination tant attendu.
Le principe du FLNKS est que chaque parti continue à exister en tant que tel avec toutes ses instances. Mais les partis délèguent des représentants dans une nouvelle structure, le FLNKS, qui a lui même ses propres instances, son bureau politique, son congrès annuel, où se prennent les grandes orientations et décisions.
Ce serait, me semble-t-il, un joli clin d’œil de l’histoire, qu’aujourd’hui le FLNKS inspire à ceux qui l’ont toujours soutenu des solutions pour sortir par le haut de ce qui nous divise, et nous pousse à mettre en œuvre au sein d’une structure à inventer ce qui nous unit, de façon à partir ensemble dans des élections dont nous savons que l’enjeu pour demain est tellement important.
Alors, un Front de gauche pour une Europe écologique et sociale, est-ce une chimère de plus ou un espoir d’avoir, en 2009, un nombre significatif d’élus, radicalement autres, au Parlement européen ?
François Roux (membre fondateur
de Gauche alternative en Lozère)

Un sujet du bac sur le nucléaire

Le sujet de physique, au bac L, session de juin 2008 (épreuve dite d’enseignement scientifique, que l’on passe de manière anticipée en fin de première L) portait sur les « Enjeux planétaires énergétiques ».
Le sujet proposait de faire réfléchir les candidats à partir d’extraits de textes tirés de Quelles Énergies pour demain ? 94 Questions à Christian Ngô, éditions Spécifique, 2007.
Le premier texte indique : « Réduire les émissions de gaz à effet de serre dues aux énergies fossiles […] est maintenant une priorité, anticiper l’épuisement progressif de ces ressources en est une autre […]. Énergies nucléaires, énergies renouvelables… les techniques ne manqueront sans doute pas pour assurer la relève des combustibles fossiles. »

Question posée : « Relever dans le texte deux solutions permettant de compenser le déclin progressif des combustibles fossiles. » Et la réponse attendue : « en utilisant l’énergie nucléaire et les énergies renouvelables ».
Le second texte, intitulé « Nucléaire, apprivoiser le pouvoir de l’atome », fait ressortir la grande quantité d’énergie libérée par les réactions atomiques.
Après diverses questions de sciences physiques, une dernière question : « Le recours à l’énergie nucléaire présente certains inconvénients : en citer un. »
Et, comme inconvénients (sic !), sont acceptés comme bonne réponse « le stockage des déchets radioactifs ou le risque d’accident nucléaire ».
Que retiendront les lycéens – et éventuellement les familles qui auront lu le sujet ? Que le nucléaire est une formidable technologie pour répondre aux problèmes énergétiques mondiaux. Voire une énergie renouvelable (les confusions sont si vite arrivées !). Et ce ne sont pas les déchets (réduits à l’état d’« inconvénient ») qui vont barrer la route d’un avenir radieux : n’est-il pas clairement dit que « les techniques ne manqueront pas » ? Faisons confiance à nos ingénieurs et à nos brillants scientifiques.
Dommage que, dans le cadre d’une culture scientifique ouverte, un tel sujet n’amène pas les candidats sur la question de l’uranium (notamment son extraction et les disponibilités mondiales).
Ou encore sur cette réalité toute simple : l’électricité ne fournit que 16 % de l’énergie totale consommée dans le monde ; seuls 16 % de cette électricité sont produits par le nucléaire. Conclusion : celui-ci ne représente que 2,5 % de l’énergie consommée sur la planète.
Ami(e)s lycéen(ne)s : venez compléter votre information à la manifestation du 12 juillet, organisée par le réseau Sortir du nucléaire. Les Alternatifs vous y attendent pour vous parler du « rouge » et du « vert », la véritable synthèse socialiste du XXIe siècle.

Bruno Riondet (Les Alternatifs de la Vienne)

Un réactionnaire

Lors de son interview parue récemment dans Libération, Carla Bruni prétendait que Nicolas Sarkozy n’était pas du tout conservateur. Là dessus, Alain Duhamel, dans le même journal, en date du jeudi 26 juin, confirme en ajoutant qu’il est, en fait, un réformateur de droite. Alors que, ajoute-t-il, « jusqu’ici s’imposait l’idée qu’un réformateur est par principe un progressiste ». Face à cette confusion qui envahit de plus en plus les discussions de salon et les médias, confusion qui, comme par hasard, profite surtout à la droite libérale triomphante, il serait temps de mettre les points sur les i et d’appeler un chat un chat. Pourquoi ne pas revenir tout simplement aux bonnes vieilles définitions d’antan ? Redire, par exemple, qu’un conservateur, c’est quelqu’un qui ne veut rien changer. Ce qui permettrait d’affirmer que Chirac, politicien de droite, a été, peu ou prou, un président conservateur, et que pas mal de politiciens ou politiciennes de gauche pourraient endosser ce rôle sans trop d’états d’âme, et de confirmer qu’en effet Sarkozy n’est pas conservateur. Redire ensuite qu’un réformateur, c’est quelqu’un qui opère des changements. Ce à quoi il faut bien sûr ajouter une direction : on peut opérer des changements qui consistent à aller vers l’avant, dans le sens de l’histoire. Dans ce cas, on est un réformateur progressiste. Mais on peut aussi opérer des changements qui consistent à retourner en arrière, à détruire petit à petit, plus ou moins vite, les avancées sociales que nos ancêtres ont, difficilement, réussi à établir et, espéraient-ils, à pérenniser. Dans ce cas, on est au sens propre du terme un réformateur réactionnaire. C’est exactement ce qu’est Nicolas Sarkozy : un réformateur, certes de droite, mais avant tout réactionnaire. Toutefois, afin de ne pas contribuer à la confusion évoquée plus haut, il est préférable d’affirmer que c’est tout bonnement… un réactionnaire.

Jean-Jacques Corrio,
Les Pennes-Mirabeau (Bouches-du-Rhône)

Syndicats : des stratégies désarmantes

Retour de manifestation le 17 juin : du monde, mais loin du raz de marée, et le sentiment de m’être fait balader… Une fois de plus. Car les journées d’action se sont multipliées depuis quelque temps, en ordre dispersé et sur des motifs variés (retraite, suppressions de poste, 35 heures, contrat de travail, etc.), qui me semblent avoir quelques liens entre eux, non ? Résultat, le nombre de grévistes s’amenuise, et les réformes scélérates du gouvernement passent une à une comme des lettres à la Poste. Alors, au bout d’un moment, la colère me saisit contre ces directions confédérales qui semblent ne pas vouloir d’une confrontation d’ensemble avec ce gouvernement. Celui-ci fait pourtant preuve d’une détermination et d’une cohérence redoutables en dépit des « couacs » dont les commentateurs sont friands. Le projet de formatage libéral avance en dépit des résistances qu’il suscite. En effet, mécontentements, colères, exaspérations s’accumulent, des luttes se mènent, une combativité existe, mais tout cela a besoin d’être encouragé, amplifié par une stratégie de convergences, de liens, d’unité. Au lieu de ça, des journées d’action sans d’autre perspective que la suivante, un émiettement, une dilapidation des forces qui, en fin de compte, font le lit du découragement et de la résignation. Les directions confédérales me semblent davantage soucieuses de leurs positions institutionnelles que de la défense intransigeante des intérêts des salarié(e)s. Engluées dans des cycles de négociation à froid, dans des cadres imposés par le gouvernement, piégées dans leur fonction d’interlocuteurs responsables, elles sont frappées d’impuissance, incapables de riposter efficacement. Il est donc urgent de mettre en débat les formes de lutte nécessaires pour mettre en échec ce gouvernement de canailles. Et il ne suffira pas de nous dire qu’une grève générale interprofessionnelle ne se décrète pas sans qu’à aucun moment ne soit mise en discussion sa préparation. Il faudra s’y coller, malgré les bureaucraties syndicales.

Claude Carrey, Puteaux (Hauts-de-Seine)

Violences au Maroc

Je suis abonnée, entre autres, à Politis et à l’Huma. Semaine après semaine, je cherche si les journaux parlent enfin des violences policières à Marrakech, à Sidi Ifni, et ailleurs au Maroc… En vain. Les émeutes à Lhassa avaient mobilisé la presse et les associations, et provoqué un tollé général. Pour la répression, tout aussi barbare, à Sidi Ifni, rien ou si peu… Pourquoi ce silence « protecteur » sur ce qui se passe dans cette monarchie voisine, qui prétend tourner la page des années de plomb ? Pour ne pas admettre que celles-ci sont bel et bien en train de resurgir ?
Même si la presse indépendante marocaine n’est pas admise sur les lieux des violences, il suffit de chercher « émeutes Sidi Ifni » sur Internet pour trouver des pages de témoignages, des photos prises en cachette sur des portables montrant une ville assiégée par les forces de l’ordre, des photos de militants blessés, de portes arrachées, d’intérieurs de maisons dévastés…
Quelle sera la prochaine ville victime d’un Maghzen toujours présent, toujours plus arrogant ? La résistance des militants de ces villes suscite notre admiration. Ces populations courageuses ont besoin de la solidarité de la presse étrangère et du soutien des militants de tous les pays. Ne les oublions pas !

Marie-Jo Fressard (de Solidarité Maroc 05)

Courrier des lecteurs
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