Courrier des lecteurs Politis 1020

Politis  • 2 octobre 2008 abonné·es

Écologie politique

Dans l’article du n° 1018 de Politis recensant les divers courants de l’écologie politique, vous présentez les « objecteurs de croissance » comme se « défiant des partis politiques » . Cette tendance existe, bien sûr, mais davantage qu’ailleurs dans la société ? Pour de nombreux militants antiproductivistes, l’engagement et la réhabilitation du politique sont, au contraire, au cœur de leur action. Nous nous sentons d’ailleurs bien davantage « humanistes radicaux » qu’« écologistes radicaux » (comme présentés dans cet article). Voilà pourquoi des objecteurs de croissance ont cherché à traduire leurs idées sur la scène électorale lors des dernières élections. Nous l’avons fait à Lyon pendant les élections municipales aux côtés de nos amis altermondialistes et de la LCR. Ce fut une excellente expérience. Bref, nous savons que la transformation sociale démocratique passe, bien sûr, par le politique. Ce n’est pas parce que, pour le moment, nos moyens sont faibles, que nous ne tentons pas de le faire, sous diverses formes.

Vincent Cheynet
P.-S. : Merci à Philippe Meirieu et à Yves Salesse pour leur lucidité.

Le loup

Quelle déception de trouver dans le n° 1015 de Politis un article sur le loup qui nous semble bourré d’a priori et faire montre d’un manque certain d’objectivité et d’approfondissement ! […] Nous voulons modestement vous apporter quelques éléments pour vous aider à voir la situation dans son ensemble et à cesser de stigmatiser les bergers et les moutonniers en les prenant pour des gros ploucs sans cervelle ni conscience environnementale. Nous sommes de jeunes bergers, futurs paysans moutonniers, et passons nos étés à garder des troupeaux de brebis dans le Queyras (Hautes-Alpes). Nous sommes passionnés d’élevage, de politique et d’écologie. Nous tentons de vivre au maximum en cohérence avec nos idées et dans un respect certain de notre environnement […]. Et voilà que depuis quatre ans que nous sommes bergers, nous prenons conscience des conséquences liées à la présence du loup. […] Le loup a obligé les bergers à changer complètement de pratiques, parfois à l’encontre du bon sens pastoral.
Le fait de devoir désormais parquer le troupeau la nuit oblige les brebis à marcher beaucoup plus, ce qui entraîne inévitablement une perte d’engraissement et des risques plus importants de blessures. De plus, les quartiers les plus éloignés du parc ne sont plus pâturés, la montagne s’abîme plus vite par le passage répété du troupeau, et ça donne une charge de travail supplémentaire au berger, qui ne bénéficie pas toujours d’un aide berger (il faut avoir plus de 1 200 brebis sur l’estive pour que soit subventionné un emploi d’aide berger). Enfin, le parc n’est pas adapté aux changements météorologiques et les brebis ne peuvent plus comme avant, quand elles dormaient en couchage libre, se protéger du vent, de la pluie, etc.
L’obligation d’avoir des patous comme chiens de protection présente divers inconvénients. C’est un chien difficile à dresser, qui doit avoir le moins de contacts possible avec l’homme. Pour que ce soit efficace, il faudrait 5 ou 6 chiens (une véritable meute !) pour un troupeau de 1 000 brebis. Les randonneurs ne sont plus sereins en montagne, ils ont trop peur de rencontrer les patous. Il y a eu plusieurs morsures cet été dans le Queyras, avec dépôt de plainte en gendarmerie, et c’est l’éleveur qui n’a pas choisi d’avoir des patous qui encore une fois subit les conséquences. […]
En ce qui concerne les indemnisations, elles ne prennent en compte à 100 % les dommages causés par le loup que si l’éleveur respecte 2 mesures sur 3 (ces mesures étant : parcage la nuit, présence d’un aide berger, présence de patous) et si la bête attaquée est retrouvée à temps. Plusieurs éleveurs et bergers que nous connaissons n’ont donc pas été remboursés parce qu’ils trouvaient les carcasses trop tardivement. Un voisin a ainsi perdu cet hiver, dans le sud de la Drôme, plusieurs dizaines de bêtes sans jamais toucher un euro en échange (alors qu’il possède 6 chiens de protection pour son troupeau !). Et puis les mesures d’indemnisation ne prennent pas toujours en compte le stress provoqué lors d’une attaque, qui entraîne l’avortement de certaines brebis. Et qu’en est-il du métier de berger lorsque ce dernier passe l’été dans la crainte d’une attaque ? Sans parler du métier d’éleveur ovin, qui, dans certains coins de montagne, est obligé de lâcher ses brebis dans d’immenses parcs pendant plusieurs jours, sans pouvoir garder l’œil dessus, ni se payer le luxe d’un berger à l’année. Que voulons-nous pour nos campagnes et nos montagnes ? Ne voulons-nous pas défendre la filière ovine française (qui se casse de plus en plus la gueule) et une certaine petite agriculture paysanne ? Faudra-t-il bientôt choisir entre le loup et les bergers moutonniers ? Entre le rêve de nature des citadins et la possibilité de vivre de l’agriculture en montagne ? Voulons-nous seulement d’un grand parc sauvage pour les loisirs ou des campagnes vivantes ouvertes et accueillantes, avec des paysans nombreux sur tout le territoire ? […] N’oubliez pas que certains de vos lecteurs vivent en milieu rural et agissent au quotidien pour transformer nos campagnes, les rendre plus solidaires, plus ouvertes, plus écologistes… Et faire entendre la voix de la vraie gauche même au fin fond des montagnes. On compte sur vous !

Fanny Metrat et Manu Fayard, Queyras

Pierre Daix

J’ai bien peur de lire une nouvelle fois, dans l’article d’Olivier Doubre du 18 septembre sur Pierre Daix, le refus de la pensée de gauche de faire son deuil de « la patrie du socialisme ». Concernant le parallèle dressé par Pierre Daix entre les staliniens des années 1950 et les négationnistes des années 1970, l’auteur écrit : « Une telle comparaison est très contestable » . L’article ne porte certes pas sur le parallèle entre nazisme et stalinisme, mais il distingue l’aveuglement stalinien de la nostalgie du Grand Reich, comme si le premier ne trouvait pas ses origines dans une aspiration au pouvoir total et à la rédemption par la politique. Il convient de souligner par ailleurs que le nazisme engagea le premier la démarche négationniste, en faisant du crime qu’il perpétrait un acte de défense du peuple allemand contre « la guerre juive » et que les témoignages concernant les camps du goulag (David Rousset, debout sur la photo de l’article, Margaret Buber-Neumann, Kravtchenko) s’accumulaient dans les années d’après-guerre. L’opposition des batailles communistes du présent et des mystifications « sur des faits avérés du passé » est par conséquent contestable, pour le moins, parce qu’elle tend à éluder la grave complicité des communistes français avec un régime totalitaire meurtrier. Intituler l’article « Pierre Daix, entre aveuglement et lucidité » laisse entendre que c’est Pierre Daix lui-même qui a été aveugle. C’est oublier un peu vite que son engagement à droite n’enlève rien à l’importance de son témoignage sur la logique totalitaire à l’œuvre dans le communisme français. Au-delà de l’article, quand pourra-t-on espérer que les mouvements de gauche opèrent enfin un retour sur le passé et fassent leur examen critique ? Mais comment l’espérer quand on voit l’ignorance volontaire qui anime encore de nombreux partis de gauche au sujet d’un personnage sinistre comme Che Guevara ?

Florent Bussy, Dieppe

À la Fête de l’Huma

Étant présent à la rencontre organisée par Politis à la Fête de l’Humanité, j’ai été témoin de son succès. La participation aurait pu et dû être bien plus importante si la direction du PC avait manifesté la volonté réelle d’ouvrir le débat sur sa gauche, en y accordant un écho plus grand, en ouvrant un espace type Agora […]. Je voudrais aussi dénoncer une dérive droitière du PC, qui n’est pas uniquement celle du PS ! Je donne pour exemple la présence dans cette fête (et l’écho qui en a été fait dans l ’Huma ) des représentants du gouvernement par ailleurs vilipendés quotidiennement par ce journal. J’en suis affligé, moi qui me suis engagé voilà cinquante ans pour un monde plus juste, plus solidaire.
On vit ainsi Jean-Marie Bockel aux côtés de Robert Hue et Jean-Claude Gayssot à l’inauguration de l’expo consacrée à Gabriel Péri, une large place fut faite à Christine Albanel, ainsi qu’à Gérard Larcher pour débattre du sujet de la santé, ô combien mis à mal par cette majorité. Et je n’oublie pas Guillaume Pépy, adoubé par le président de la République, dont la mission est l’éclatement de la SNCF. Des débats, oui, des échanges, oui, mais avec ceux
– et ils sont légion – déterminés à inverser le cours des choses.
Un grand merci à Politis qui chaque semaine nous apporte un éclairage vivant et intelligent sur « le politique ».

Jean Riou, Plougastel-Daoulas (Finistère)

Courrier des lecteurs
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