Les Américains face à la crise

Premières victimes de la crise financière aux États-Unis, les citoyens
des classes pauvres et moyennes tentent de résister à la tempête.
Reportages sur un quotidien devenu très difficile à vivre, à lire dans notre rubrique **Monde** .

Xavier Frison  • 9 octobre 2008
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Les Américains face à la crise

Illustration - Les Américains face à la crise

Mike était la caricature de ces Américains que l’on aime détester. Grand costaud à la mâchoire de fer, il avait quitté l’Indiana au printemps 2003 pour un poste d’assistant au Congrès de Washington, auprès d’un sénateur républicain de son État. Plus tard, le jeune homme prévoyait de s’engager dans les Marines pour partir combattre en Irak, où le conflit faisait rage depuis deux mois. On ne sait ce qu’est devenu Mike, furtif colocataire un rien contrarié par la présence d’un Français dans ses pénates. On sait ce qu’il est advenu du conflit en Irak, drame humain et gouffre financier pour les États-Unis. Huit ans plus tard, à quelques semaines de l’élection présidentielle du 4 novembre, la guerre est toujours au ­centre des discussions, à travers tout le pays.

La guerre mais aussi l’économie, et ce bien avant le récent effondrement de Wall Street. Au cliché des traders effondrés, cravate en bandoulière et faciès défait, répond une réalité beaucoup plus concrète. Celle de millions d’Américains appauvris par l’envolée des prix des produits et denrées de base, la mauvaise santé de l’industrie et, désormais, la crise financière. Loin de New York et de Washington, ces citoyens des classes moyennes mettent « beurre de cacahuète et gelée » au menu du soir, comme l’avoue Lugima dans notre reportage à Kansas City. Pamela, travailleuse sociale dans l’Ohio, pointe ces travailleurs pauvres livrés à eux-mêmes, « qui passent à côté des aides » sociales. Les travailleurs immigrés, rouage essentiel du système économique américain, sont encore moins bien lotis.

Dans le Colorado, ils se battent pour leurs droits sociaux et fustigent la faiblesse des salaires face au coût de la vie, malgré des semaines de travail pouvant atteindre soixante-quinze heures. Et ce n’est pas le gigantesque plan de sauvetage de l’économie, validé par le Congrès la semaine passée, qui changera la donne pour l’Amérique d’en bas. Rien n’est prévu, par exemple, pour ces dizaines de milliers de familles dépossédées de leur maison pour cause d’envolée des traites de crédit à taux ­variable. Pourtant, le problème ronge tout le pays. À Cleveland (Ohio), « chaque travailleur social suit au moins une famille menacée de perdre sa maison » , affirme l’un d’entre eux. Dans ce marasme généralisé, la course à la consommation est stoppée net dans son élan. L’industrie automobile tourne au ralenti, tandis que ses salariés tremblent pour leur emploi. Même les structures publiques, États et municipalités, commencent à ne plus pouvoir financer les travaux déjà engagés. Sur son blog, Katrina vanden Heuvel, rédactrice en chef du magazine de gauche The Nation , propose quelques remèdes pour sortir d’une crise aux causes étrangement similaires à celle de 1929 : modification des systèmes de prêts pour permettre aux gens de conserver leur maison, surtaxe des gros revenus pour alimenter un système de santé plus solidaire, régulation stricte de Wall Street et pack de relance de l’économie, basé sur une meilleure couverture chômage et des investissements dans les infrastructures. Mais rien de tout cela n’est dans les tuyaux à Washington. Les Américains des classes ­pauvres et intermédiaires peuvent encore ­s’attendre à des jours sombres.


Illustration - Les Américains face à la crise

À travers les États-Unis

Jusqu’à l’élection présidentielle du 4 novembre, Politis publie chaque semaine un volet de ce reportage sur les routes américaines, du Colorado au Vermont. Soit 5 000 kilomètres en trois semaines, à la rencontre de l’Amérique dite « progressiste ». Vous découvrirez notamment comment les militants alternatifs, rassemblés à Denver, font vivre la contestation et les idées « libérales » dans le pays. Les lobbyistes politiques s’échinent, eux, à tirer le Parti démocrate sur sa gauche. Quant aux défenseurs de la couverture santé universelle, ils misent tout sur Obama. À Saint Louis, dans le Missouri, une militante écologiste décrit la difficulté de sensibiliser les Américains. Enfin, à Burlington, dans ce Vermont très progressiste, élus et citoyens tentent de construire un petit bout d’Amérique à part.

Monde
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