Courrier des lecteurs Politis 1031

Politis  • 18 décembre 2008 abonné·es

Roland Veuillet en danger

Je me permets de vous envoyer ce mail afin de relayer une information qui passe, pour le moment, inaperçue dans la sphère médiatique.
On a parlé, il y a quelque temps déjà, de l’appel d’offres qu’aurait lancé le ministère de l’Éducation nationale afin de « dépister » les enseignants susceptibles d’avoir une influence syndicale ou idéologique auprès de leurs collègues via Internet. Il semblerait que de tels agissements antidémocratiques aient déjà lieu sur le terrain.
En effet, depuis le 6 novembre 2008, Roland Veuillet, conseiller principal d’éducation, est en grève de la faim devant le rectorat de Lyon. Il y passe non seulement ses journées mais également ses nuits (froides, il va sans dire) ! Pourquoi une telle action, si violente, si dangereuse pour sa santé et si anxiogène pour sa famille ?
Tout simplement parce que Roland Veuillet a subi une mutation disciplinaire en 2003 pour avoir refusé de faire remplacer les surveillants de son lycée, alors en grève pour la sauvegarde de leur statut, par des élèves majeurs, ce qui aurait été pour le moins dangereux pour les élèves et révélateur d’une certaine inconscience professionnelle !
Roland Veuillet se retrouve donc en banlieue lyonnaise, à Villeurbanne, loin de sa femme et de ses enfants, restés à Nîmes.
Le plus risible, si l’on peut dire, réside dans le fait que le Conseil supérieur de la Fonction publique a rendu un rapport qui exonérait Roland Veuillet de toute faute professionnelle, révélant ainsi un dossier « vierge » d’une quelconque action répréhensible.
Malheureusement, cet organisme, malgré une dénomination assez flatteuse, ne revêt qu’un rôle consultatif auprès du cabinet de M. Darcos, ministre de l’Éducation nationale.
Roland Veuillet risque sa vie pour un simple vœu : que sa situation soit réexaminée par l’administration de l’Éducation nationale et qu’il puisse enfin rentrer chez lui après cette longue et harassante parenthèse pour le moins inquiétante pour notre démocratie et notre liberté de penser ! Les personnels de son établissement viennent de lancer une opération « collège occupé : dossier fermé égale livres fermés ! ». La nuit, plusieurs personnes dorment dans l’établissement, et certains se relaient pour rendre visite à notre collègue devant le rectorat en lui apportant du thé, du café, des bouillottes…

Collège des Gratte-ciel Morice-Leroux, Villeurbanne (Rhône)

Faire front

Je remercie Politis de relayer les arguments de Jean-Luc Mélenchon, expliquant son départ d’un parti, le PS, qui n’a plus de socialiste que le nom. Mais, plus encore, sa participation à la construction d’une alternative au libéralisme est une bouffée d’oxygène dans cette France et ce monde broyés par la dictature libérale. C’est pourquoi je remercie également Politis de relayer les arguments de celles et ceux qui œuvrent dans ce sens, célèbres ou anonymes. Il faut reconstruire un front antilibéral comme en 2005 face à la Constitution européenne, aujourd’hui face au rouleau compresseur de cette idéologie qui n’assume même pas son nom. Cet arc contre la dictature des marchés et des fortunes privées devra, comme le font d’autres groupes en Europe (par exemple Die Linke) ou dans le monde, réfléchir à des propositions pour répondre à la crise actuelle, inédite dans l’histoire humaine du fait de sa complexité. Car, si la crise financière et économique est aussi grave qu’en 1930, la crise environnementale présente elle aussi […] des menaces pour la paix dans notre monde, doté, faut-il le rappeler, d’armes capables de détruire toute l’humanité. De toute façon, rien qu’avec les guerres actuelles et leurs contributions à dégrader l’environnement, nous sommes tous perdants. Voilà pour ce triste constat, mais les notes d’espoir sont nombreuses, que ce soit du côté de nombreux États en Amérique latine et/ou de mouvements sociaux un peu partout dans le monde. Et puis, en France, des foyers de résistance se développent, que ce soit aux côtés des sans-papiers ou, plus récemment, du côté de la résistance pédagogique face aux mesures iniques du ministre Darcos. Le blog accessible avec les mots-clés « résistance pédagogique » sur n’importe quel moteur de recherche web fourmille d’informations renouvelées quotidiennement.
Mais ces notes d’espoir appellent, encore une fois, la formation d’un arc antilibéral en France. Un tel front est souhaité par de nombreux concitoyens, et peut faire de gros scores aux prochaines élections, s’il est uni comme en 2005. Il faut qu’il respecte les identités de chaque parti de gauche antilibérale, leurs spécificités et idéologies. Mais il faut bien que chacun de ces partis comprenne qu’il n’a pas réponse à tout, étant donné la complexité des crises de notre époque […]. Tournons la page de 2007, nous avons tous fait des erreurs ; moi aussi, qui ai fait la campagne de Bové, dont la compromission aujourd’hui avec un vrai libéral chez les Verts (et un faux libertaire) me laisse sans voix. Je veux bien l’avouer, tout en tournant la page, afin que nous avancions de nouveau vers ce front antilibéral. À l’heure où des arcs antilibéraux, parfois puissants (je pense en particulier à « Die Linke » en Allemagne), se forment dans différents pays de notre monde, reprenons rendez-vous avec l’histoire.

Christian David

De la précaution langagière à la provocation

Comme chaque jeudi, je reçois avec jubilation mon Politis , et […] je commence par lire l’édito (hum !), puis le bloc-notes (re-hum !). Je reviens sur l’édito, lis le dossier sur « le poison sécuritaire ». Et là, j’ai envie de réagir. Pour dire à Denis Sieffert qu’avec une infinie prudence il tourne autour du pot pour ne pas nommer la bête immonde que, pour ma part, je n’hésite pas une seconde à baptiser de son vrai nom : le fascisme. Même si « nous ne sommes pas à la veille d’un coup d’État militaire » , même s’il est rampant ou larvé, le monstre est là, et bien là, en attendant des jours meilleurs pour lui. Peut-on encore parler de bavures isolées lorsque policiers, gendarmes et juges bafouent ainsi la dignité des personnes, tout en étant couverts par leur hiérarchie et leur ministre de tutelle ?
Citons, entre autres : les membres du groupe de Tarnac, simplement soupçonnés, coffrés comme des bandits de grand chemin, sans aucune preuve à l’appui de leur culpabilité ; Vittorio de Filippis menotté, fouillé au corps, humilié tel un dangereux criminel ; la rafle des enfants de Grenoble dans leur école, envoyés en centre de rétention avec leurs parents et expulsés de France illico presto, car sans papiers ; les descentes policières et le comportement scandaleux des forces de l’ordre dans des établissements scolaires du Gers, dans le but de terroriser les jeunes, avec l’assentiment, ou à tout le moins la passivité des principaux de collège ; le cafouillage gouvernemental sur la question de la prison pour les enfants de 12 ans ; un président de la République (un monarque devrait-on dire) qui s’arroge des droits divins, insulte qui bon lui semble, mais ne supporte pas qu’on en fasse autant à sa personne, nomme qui bon lui semble à la tête de l’audiovisuel public, pour mieux contrôler l’information. Et je pourrais continuer la litanie indéfiniment.
Alors oui, comme l’écrit Ingrid Merckx dans l’entretien avec Jean-Pierre Dubois, « certains font un lien entre le climat actuel et des heures sombres de l’histoire de France » . Et ces heures sombres, pourquoi ne pas les nommer ? Pour moi, ce sont celles de Vichy, de l’Occupation, de la Collaboration, donc celles du fascisme d’État. Et si nous n’y prenons garde, si nous restons passifs, si nous ne réagissons pas, ce gouvernement ira encore plus loin, et peut-être sera-t-il trop tard !
Le bloc-notes maintenant. L’ami Langlois y va un peu fort dans la provocation (mais il l’assume), je trouve, en défendant Éric Zemmour, qui ne sait plus quoi dire ni quoi écrire pour montrer qu’il existe. Et qui bénéficie dans le milieu médiatique de suffisamment d’appuis pour l’aider à se défendre. Quant à la notion de « race », eh oui, elle n’existe pas, scientifiquement parlant. On peut parler de la race humaine ou chevaline ou canine. Il vaut mieux effectivement dire, « ethnie », « type », je n’irai pas jusqu’à employer « gamme chromatique ». Car, bien sûr, s’il n’y a qu’une race humaine, il existe des différences (et heureusement, sinon quelle tristesse) cutanées, morphologiques, culturelles… Le tout étant d’accepter ces différences dans le genre humain, mais aussi d’être conscient qu’il n’existe pas de déterminisme en fonction de telle ou telle ethnie. Les propos de M. Zemmour incitaient plutôt à penser le contraire. Mais bon, lui aussi assume en se revendiquant « de droite et réactionnaire » . Je n’ai pas envie de le défendre et je condamne son affirmation sur l’existence des races. Décidément, je préfère Bernard Langlois en critique de livres, j’en ai acheté plusieurs par lui conseillés et je n’ai pas eu à le regretter, bien au contraire. Allez, on n’achète pas un journal pour y lire exactement ce que l’on pense, là aussi ce serait triste. Mais il est bon aussi que les lecteurs réagissent à des articles qui les titillent, ou qu’ils informent les autres lecteurs, tels les courriers de Politis du 11 décembre, sur « Des enfants raflés à l’école », « N’oubliez pas les Roms », « Nucléaire », « École à vendre ». Et puis qui aime bien châtie bien. Allez, là-dessus, je m’en vais poursuivre la lecture de mon hebdo préféré.

Jean-Yves Vlahovic, Saint-Léger-les-Vignes (Loire-Atlantique)

Entrer en résistance

Après avoir pris connaissance de l’histoire de Zoé au collège de Marciac, nous nous posons quelques questions. Cette opération policière n’est-elle pas une nouvelle alerte sur les conséquences des choix de société que Nicolas Sarkozy et son entourage nous imposent ? Gérer les rapports humains par la répression, la « terrorisation » et le passage par les tribunaux…
À partir de quand pouvons-nous dire qu’une société est sous un régime policier ? En sommes-nous encore très loin ? En effet, en dehors de ce qui est arrivé à Zoé,
a priori les membres de la communauté éducative du collège n’ont pas réagi lors de « l’opération ». Cela peut s’expliquer par le fait qu’ils étaient d’accord avec les auteurs ou qu’ils étaient eux aussi terrorisés et avaient peur d’être poursuivis pour outrage et de subir une garde à vue… Que penser quand les honnêtes citoyens ont peur de leur police ? En quoi l’humiliation, l’intimidation sont éducatifs ? En quoi le mensonge est-il formateur ? Visiblement, les enfants s’attendaient à une action de prévention avec les gendarmes, et ils ont vécu un traumatisme. Après cela, comment pourront-ils avoir confiance dans la parole des gendarmes et des policiers, voire dans celle des adultes, en particulier dans celle du CPE et des enseignants qui ont participé et/ou laissé faire ?
Faire circuler l’information, c’est déjà entrer en résistance… Il n’est jamais trop tard pour entrer en résistance quand les libertés des citoyens sont en danger. […]

Jean-Philippe et Marie-Françoise Le Noa

Courrier des lecteurs
Temps de lecture : 10 minutes