Courrier des lecteurs Politis 1032-1033

Politis  • 23 décembre 2008 abonné·es

L’Éden, une salle à préserver

Je reviens sur les propos d’Olivier Gourmet cités par un de vos lecteurs (Politis n° 1027) à propos du cinéma : « Soyez curieux ! »
En effet, rien n’est plus fragile qu’un film tenu à distance de la propagande médiatique, et même qu’un cinéma !
Voyez plutôt ! Au Havre, le maire, Antoine Rufenacht, a décidé la suppression d’une magnifique salle de cinéma, l’Éden (classée « recherche et découverte », « jeune public » et, seule en Haute-Normandie, « Europa cinémas »), une salle au rayonnement national, dans une Maison inaugurée jadis par le Napoléon d’Abel Gance et qu’a dirigée Raoul Ruiz : le Volcan, Maison de la culture du Havre.
L’Éden vient d’accueillir Ursula Meier à l’occasion de la sortie de Home : 300 spectateurs ! Des spectateurs « curieux », mais aussi sollicités par une programmatrice qui sait ce qu’est une mission de service public.
Quel cinéma privé se préoccuperait de l’initiation des jeunes publics, qui demande un personnel qualifié […], de la diffusion de documentaires et de court-métrages, de l’initiation au cinéma muet, du cinéma expérimental et vidéo, de l’organisation de manifestations déconnectées de l’actualité cinématographique, de la programmation en relation avec les autres spectacles ?
Détruire, à grands frais, cette salle installée dans le Grand Volcan au profit d’une salle de répétition ?
L’arrivée du Gaumont des Docks, avec ses 12 salles, tourne-t-elle la tête de notre maire ?
Pour André Malraux, il fallait que le meilleur de la culture soit apporté à tous. Pourquoi liquider aujourd’hui son héritage ?
La salle de l’Éden est un lieu à préserver.

Isabelle Royer, Le Havre (Seine-Maritime)

L’espéranto

Je suis une ex-institutrice, à la retraite depuis deux ans. […]
En 2001, je vote Besancenot par écœurement envers la droitisation du PS. Après le choc du second tour, ma réflexion et un brin de culpabilité me conduisent vers le parti dont je me suis toujours plus ou moins sentie solidaire, et que je perçois « de gauche » : les Verts. J’y adhère donc. En 2005, je suis parmi ces Verts qui n’acceptent pas de se plier à la « discipline de parti » lors du référendum pour le TCE (se rallier à la moitié de militants qui veulent l’accepter). Je me retrouve donc un vendredi soir, avec quelques amis, à un meeting des Verts pour le « non », précédant le grand meeting d’Attac à la porte de Versailles… Oskar Lafontaine y intervient, ainsi que pas mal d’autres personnes, Francine Bavay, Pierre Larrouturou… Aujourd’hui, devant la débandade des « socialistes » et la naissance de nouveaux partis, et surtout celle du PG (prenant en compte l’écologie), je me sens un peu « à l’étroit » chez les Verts, compte tenu des concessions qu’eux aussi font au centre ! Seulement, je suis bien embêtée, car il y a, parmi d’autres, une chose qui m’ancre chez les Verts : c’est le seul parti qui ait, même timidement et au prix d’un travail acharné de quelques militants, sur une question transversale essentielle – la communication entre les peuples de diverses nations –, pris des résolutions en faveur de la langue internationale nommée « espéranto ». Ingénuité ? Fanatisme ? Ce sont les deux pôles entre lesquels la plupart des militants ou responsables politiques de tous bords enferment « l’inutilité » de la lutte des espérantistes pour l’équité et l’efficacité linguistiques. Mais ce combat-là est-il vraiment secondaire ? Est-il vraiment insignifiant ? In-signifiant : de quoi l’espéranto est-il le signe, le signifié ? Ou, inversement, de quoi le développement du « globish » est-il le signe ? Les adeptes du libéralisme prédateur et cannibale ont leur langue véhiculaire : c’est l’anglais, langue des classes « supérieures » partout dans le monde. « Il n’y a pas de solution, parce qu’il n’y a pas de problème », entend-on parfois les espérantistes ironiser, à propos de la façon dont est perçue la communication internationale. Comme le mensonge libéral, le mensonge sur « l’incontournabilité » de l’anglais, ainsi que l’omerta médiatique sur la puissance, la facilité, la diffusion grandissante de l’espéranto, le mépris des dirigeants politiques à son égard privent les citoyens « lambda » d’Europe et du monde d’un outil essentiel qui leur permettrait de fédérer et de coordonner plus efficacement leurs luttes au-delà des frontières. Et si ce n’est pour eux, cela pourrait être demain pour leurs enfants ! C’est pourquoi je conjure les militants et les responsables de la vraie gauche de gauche de prendre un tout petit peu de temps pour réfléchir à cette question. L’anglais est la plupart du temps la langue qui divise efficacement les plus faibles, les plus opprimés, parce qu’elle rend leur communication laborieuse, parce qu’elle pompe leur énergie, en laissant peu pour apprendre d’autres langues que celle de l’Empire. Combien de temps encore avant que les militants de gauche en prennent conscience ?
Pourquoi Politis ne ferait-il pas un vrai dossier sur le sujet, comme l’ont fait les magazines Silence et l’Âge de faire ?

Dominique Couturier, Bayers (Charente)

Entrer en résistance

Après avoir pris connaissance de l’histoire de Zoé au collège de Marciac, nous nous posons quelques questions. Cette opération policière n’est-elle pas une nouvelle alerte sur les conséquences des choix de société que Nicolas Sarkozy et son entourage nous imposent ? Gérer les rapports humains par la répression, la « terrorisation » et le passage par les tribunaux…
À partir de quand pouvons-nous dire qu’une société est sous un régime policier ? En sommes-nous encore très loin ? En effet, en dehors de ce qui est arrivé à Zoé,
a priori les membres de la communauté éducative du collège n’ont pas réagi lors de « l’opération ». Cela peut s’expliquer par le fait qu’ils étaient d’accord avec les auteurs ou qu’ils étaient eux aussi terrorisés et avaient peur d’être poursuivis pour outrage et de subir une garde à vue… Que penser quand les honnêtes citoyens ont peur de leur police ? En quoi l’humiliation, l’intimidation son-ils éducatifs ? En quoi le mensonge est-il formateur ? Visiblement, les enfants s’attendaient à une action de prévention avec les gendarmes, et ils ont vécu un traumatisme. Après cela, comment pourront-ils avoir confiance dans la parole des gendarmes et des policiers, voire dans celle des adultes, en particulier dans celle du CPE et des enseignants qui ont participé et/ou laissé faire ?
Faire circuler l’information, c’est déjà entrer en résistance… Il n’est jamais trop tard pour entrer en résistance quand les libertés des citoyens sont en danger. […]

Jean-Philippe et Marie-Françoise Le Noa

Une mission sacrifiée

Il y a des attaques contre le service public qui font du bruit et d’autres qui s’opèrent dans la discrétion.
Depuis quelques années, tous les partenaires de la Justice disposaient, en Île-de-France, d’un service financé par l’État régional, chargé de faire le lien entre la Justice et le terrain : la Mission régionale Droit et Ville. Servie par une petite équipe compétente, à l’écoute et très réactive aux questions émanant des professionnels et des associations, ce service a pris une place importante dans la circulation de l’information (montante, descendante, transversale) et dans la compréhension des arcanes compliquées de notre Justice.
La nouvelle vient de tomber que la Mission Droit et Ville ne pourra pas être prise en charge par le budget du ministère dès le 1er janvier 2009.
Comme d’habitude, la messe est dite par les gratte-claviers qui, sous couvert de la Réforme générale des politiques publiques (RGPP), imposent la rigueur pour le plus grand profit des patrons !

Jean-Louis Bernard, Essonne

Parcs nationaux

Merci à Claude-Marie Vadrot ( Politis n° 1030) pour son excellent article sur les risques de la dérive des parcs nationaux. Hélas, en Savoie, le processus est engagé, puisque le parc de la Vanoise, depuis le retour du loup, refuse de plaider la cause de ce prédateur dans la presse locale et d’informer la population. De même, il ne propose aucune mesure, à ma connaissance du moins, pour aider les éleveurs à appliquer la prévention des dégâts aux troupeaux. Cette politique de l’autruche, tout en exaspérant autant les éleveurs locaux que les naturalistes, permet aux élus et aux syndicats agricoles, soutenus inlassablement par la presse locale, de pratiquer plus facilement une désinformation visant à discréditer la cohabitation avec le loup.
Mieux, il y a quelques années, le parc n’a pas bronché lorsque des maires signèrent des arrêtés illégaux autorisant la chasse au loup dans la zone centrale du parc, où normalement toute forme de chasse est prohibée. Finalement, c’est le recours déposé auprès du tribunal administratif par une association de protection de la nature, l’Aspas, qui permit de « casser » ces arrêtés scélérats. Depuis, nous sommes de plus en plus nombreux à nous demander à quoi sert le parc de la Vanoise…

Jean-Claude Courbis, Chambéry (Savoie)

Mauvaise foi ou dérive sectaire ?

À la lecture du n° 1030 de Politis , votre écho concernant Michel Destot, allié du MoDem, m’a fait bondir. Il ne tient aucun compte du fait qu’il est de pratique ancienne et habituelle aux élections municipales que, dans toutes les villes, les socialistes et bien d’autres partis cherchent en cette circonstance à élargir leur audience en contactant des personnalités du centre, encartées ou non.
Il néglige le fait que le débat au PS entre les partisans de Ségolène Royal et ses opposants porte sur un accord éventuel du MoDem et des socialistes aux élections nationales.
Il y a donc, à travers cet écho, soit un raccourci trompeur, soit un mépris de la réalité politique passée au crible d’une interprétation sectaire. Le fait de défendre les positions de la gauche de la gauche ne saurait justifier un tel procédé. J’avais en d’autres temps constaté une même tendance à de mauvais amalgames lors de votre soutien
au camp du « non » au référendum européen. Pour quelqu’un d’une génération venue à la politique avec le mendéisme et le PSU, on ne saurait procéder ainsi sans bafouer la démocratie citoyenne.
Bien sûr, j’approuve pour l’essentiel la ligne de Politis et votre volonté
de faire vivre ensemble tous ceux qui souhaitent une force anticapitaliste active et populaire, que la crise aujourd’hui rend particulièrement nécessaire. Il n’en reste pas moins que l’éparpillement actuel de ceux qui tiennent un discours proche et bien trop de rivalités sous-jacentes font que la volonté de division apparaît plus forte que celle d’un rassemblement, constat peu encourageant à moyen terme.
En espérant que cette situation s’éclaircisse.

Michel Robert, Lyon (Rhône)

La question du nucléaire

Le 11 décembre, j’ai assisté à un riche, vif et démocratique débat autour de l’Appel de Politis . J’y ai cité la tribune de Stéphane Lhomme « Sortir du nucléaire », parue dans le n° 1006 de Politis. Assez vite, il y a eu un clivage entre « antinucléaires vrais », refusant toute compromission sur la question, et « politiques » ès compromis – renvoyant de fait en annexe la question. (…)
Je souhaiterais très vivement que cette question fasse irruption dans les futurs débats locaux autour de l’Appel… et que Politis , sur le fond, réponde enfin à Stéphane Lhomme.

Rémi Begouen, Saint-Nazaire (Loire-Atlantique)

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