Le désir d’être à bonne école

Un sociologue et un géographe mettent en lumière les processus de ségrégation dans le choix des établissements scolaires.

Olivier Doubre  • 18 décembre 2008 abonné·es

Bonne ou mauvaise école ? Les différences, de plus en plus marquées, sont de mieux en mieux connues, du fait de la multiplication des « palmarès » des établissements régulièrement publiés par les médias. Demandes de dérogations, d’options « rares », voire fausses adresses sont quelques-unes des techniques employées pour fuir l’établissement le plus proche de chez soi et envoyer sa progéniture dans un établissement plus prestigieux, généralement en centre-ville.
La question a de nouveau occupé le débat public à la suite de la promesse, au cours de la dernière campagne présidentielle, de la suppression de la carte scolaire. En dépit de l’argument avancé par le gouvernement, on s’aperçoit vite, à étudier la question, que ce ne sont pas les familles les plus défavorisées qui cherchent à s’éloigner des écoles les plus proches de chez elles, mais, à une écrasante majorité, les plus favorisées en termes de capital économique et de capital culturel, qui ont tendance à recourir à des stratégies d’ « évitement » des établissements du secteur dont ils relèvent pour « placer » leurs enfants dans ceux dotés d’une bonne réputation. C’est ce que démontre, cartes à l’appui, le travail sur la région Île-de-France de Franck Poupeau et Jean-Christophe François, sociologue et géographe, qui mettent en lumière les « processus ségrégatifs » à l’œuvre, selon la distribution des lieux de résidence et des établissements. Des processus qui se trouvent aujourd’hui « accentués » par l’assouplissement de la carte scolaire. Non seulement les familles les plus favorisées (et les plus proches des milieux scolaires, notamment les enseignants) sont les plus à même de disposer de stratégies pour choisir leur école, mais ce phénomène est plus développé dans les zones socialement hétérogènes, ayant donc pour effet un « renforcement global des contrastes sociospatiaux » dans ces quartiers. La mixité sociale autrefois garantie par l’école républicaine risque donc de plus en plus d’être un vieux souvenir.

Idées
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Désoccidentalisez… il en restera bien quelque chose !
Essais 5 décembre 2025 abonné·es

Désoccidentalisez… il en restera bien quelque chose !

À travers deux ouvrages distincts, parus avec trente ans d’écart, le politiste Thomas Brisson et l’intellectuel haïtien Rolph-Michel Trouillot interrogent l’hégémonie culturelle des savoirs occidentaux et leur ambivalence lorsqu’ils sont teintés de progressisme.
Par Olivier Doubre
Appel des intellectuels de 1995 : « Bourdieu a amendé notre texte, en lui donnant une grande notoriété »
Entretien 4 décembre 2025 abonné·es

Appel des intellectuels de 1995 : « Bourdieu a amendé notre texte, en lui donnant une grande notoriété »

L’historienne Michèle Riot-Sarcey a coécrit avec quatre autres chercheur·es la première version de l’Appel des intellectuels en soutien aux grévistes, alors que le mouvement social de fin 1995 battait son plein. L’historienne revient sur la genèse de ce texte, qui marqua un tournant dans le mouvement social en cours.
Par Olivier Doubre
L’Appel des intellectuels en soutien aux grévistes de 1995, tel que rédigé initialement
Histoire 4 décembre 2025

L’Appel des intellectuels en soutien aux grévistes de 1995, tel que rédigé initialement

Ce texte fut ensuite amendé par certains militants et grandes signatures, en premier lieu celle de Pierre Bourdieu. Mais les cinq rédacteurs de sa première version – qu’a retrouvée Michèle Riot-Sarcey et que nous publions grâce à ses bons soins – se voulaient d’abord une réponse aux soutiens au plan gouvernemental.
Par Olivier Doubre
Romane Bohringer : « Les mères défaillantes ont besoin de soins, pas d’être jugées »
Entretien 3 décembre 2025 abonné·es

Romane Bohringer : « Les mères défaillantes ont besoin de soins, pas d’être jugées »

Dans Dites-lui que je l’aime, adaptation très libre du livre éponyme de Clémentine Autain, aussi présente dans le film, la réalisatrice rend hommage à des femmes, leurs mères, dans l’incapacité d’exprimer leur amour à leur enfant. Elle explique ici comment elle a construit son film à partir du texte de l’autrice, en qui elle a reconnu un lien de gémellité.
Par Christophe Kantcheff