Le désir d’être à bonne école

Un sociologue et un géographe mettent en lumière les processus de ségrégation dans le choix des établissements scolaires.

Olivier Doubre  • 18 décembre 2008 abonné·es

Bonne ou mauvaise école ? Les différences, de plus en plus marquées, sont de mieux en mieux connues, du fait de la multiplication des « palmarès » des établissements régulièrement publiés par les médias. Demandes de dérogations, d’options « rares », voire fausses adresses sont quelques-unes des techniques employées pour fuir l’établissement le plus proche de chez soi et envoyer sa progéniture dans un établissement plus prestigieux, généralement en centre-ville.
La question a de nouveau occupé le débat public à la suite de la promesse, au cours de la dernière campagne présidentielle, de la suppression de la carte scolaire. En dépit de l’argument avancé par le gouvernement, on s’aperçoit vite, à étudier la question, que ce ne sont pas les familles les plus défavorisées qui cherchent à s’éloigner des écoles les plus proches de chez elles, mais, à une écrasante majorité, les plus favorisées en termes de capital économique et de capital culturel, qui ont tendance à recourir à des stratégies d’ « évitement » des établissements du secteur dont ils relèvent pour « placer » leurs enfants dans ceux dotés d’une bonne réputation. C’est ce que démontre, cartes à l’appui, le travail sur la région Île-de-France de Franck Poupeau et Jean-Christophe François, sociologue et géographe, qui mettent en lumière les « processus ségrégatifs » à l’œuvre, selon la distribution des lieux de résidence et des établissements. Des processus qui se trouvent aujourd’hui « accentués » par l’assouplissement de la carte scolaire. Non seulement les familles les plus favorisées (et les plus proches des milieux scolaires, notamment les enseignants) sont les plus à même de disposer de stratégies pour choisir leur école, mais ce phénomène est plus développé dans les zones socialement hétérogènes, ayant donc pour effet un « renforcement global des contrastes sociospatiaux » dans ces quartiers. La mixité sociale autrefois garantie par l’école républicaine risque donc de plus en plus d’être un vieux souvenir.

Idées
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Clément Carbonnier : « Baisser le coût du travail ne crée pas d’emplois »
Entretien 14 octobre 2025 abonné·es

Clément Carbonnier : « Baisser le coût du travail ne crée pas d’emplois »

En plein débat budgétaire, le livre Toujours moins ! L’obsession du coût du travail ou l’impasse stratégique du capitalisme français (La Découverte) tombe à point nommé. Son auteur, professeur d’économie à Paris-I Panthéon-Sorbonne, y démontre que les politiques économiques visant à baisser le coût du travail sont inefficaces et génératrices d’inégalités.
Par Pierre Jequier-Zalc
La qualification d’antisémitisme, « une confusion volontaire entre le religieux et le politique »
Antisémitisme 9 octobre 2025 abonné·es

La qualification d’antisémitisme, « une confusion volontaire entre le religieux et le politique »

Dans un ouvrage aussi argumenté que rigoureux, l’historien Mark Mazower revient sur l’histoire du mot « antisémitisme » et s’interroge sur l’évolution de son emploi, notamment quand il s’agit d’empêcher toute critique de l’État d’Israël.
Par Olivier Doubre
Salah Hammouri : « La détention administrative a été un moyen de détruire la société palestinienne »
Entretien 7 octobre 2025 abonné·es

Salah Hammouri : « La détention administrative a été un moyen de détruire la société palestinienne »

Depuis 1967, plus d’un Palestinien sur trois a été arrêté et détenu par Israël au cours de sa vie. Parmi eux, cet avocat franco-palestinien qui a passé plus de dix ans dans le système carcéral israélien avant d’être déporté en France en 2022. Son témoignage révèle la façon dont l’enfermement permet à Israël de contrôler la société palestinienne.
Par Pauline Migevant
Faut-il prendre un ours comme généraliste ?
Essai 3 octobre 2025 abonné·es

Faut-il prendre un ours comme généraliste ?

Dans un essai facile d’accès, le biologiste Jaap de Roode part à la rencontre des recherches scientifiques montrant la maîtrise de l’automédication par les animaux. Et gomme le scepticisme sur une question : la médecine animale est-elle le futur de la médecine humaine ?
Par Vanina Delmas