Courrier des lecteurs Politis 1037

Politis  • 29 janvier 2009 abonné·es

J’adore la nouvelle maquette, limpide, fluide, avec les images valorisées. La lecture est facilitée, il y a du rythme et toujours la qualité des contenus. Donc bravo et merci !

Nelly Blaya

La poutinisation du régime Sarkozy

Vladimir Poutine a récemment déclaré : « La religion orthodoxe et l’arme nucléaire sont les deux piliers de la défense du pays » (lu dans Marianne du 13 décembre). En France, on peut dire aujourd’hui que la maîtrise des médias et l’arme nucléaire sont les deux piliers du régime Sarkozy. En effet, le Président s’appuie sur ses amis marchands d’armes de Neuilly et d’ailleurs pour contrôler les médias, et sur le nucléaire civil et militaire pour asseoir la puissance internationale du pays. […]
Rien ne peut changer avant 2012… ni même après (à cause de la Constitution de 1958, modifiée Jospin). Le seul espoir peut venir d’une jeunesse mondialisée et consciente des risques que court la planète qu’on lui laisse en héritage.
Il faut relire Susan George, dans le Politis hors-série n° 48, qui propose des solutions globales pour sortir du « piège triangulaire » , social, financier et écologique, qui se referme sur l’humanité. Elle s’appuie sur des exemples qu’elle a vécus […] pour souhaiter un État au service de tous, qui impose aux banquiers des mesures en faveur de l’écologie, et le retour vers une économie sociale et solidaire rénovée.
*
Jean-Pierre Morichaud
(Drôme-Ardèche)*

Tourisme solidaire

Malgré un effort de documentation indéniable, votre dossier sur le tourisme solidaire me laisse sur ma faim. À une époque où 20 % de la population s’accapare 80 % des richesses mondiales, et dans une perspective de rareté de l’énergie, la notion de tourisme solidaire me semble une contre-vérité dès qu’elle implique un voyage en avion.
Certaines initiatives que vous présentez font par ailleurs la part belle au tourisme de bienfaisance, qui est aux antipodes de la justice économique. Quant au principe du pollueur payeur appliqué au tourisme, il me semble non seulement injuste mais sans fondement logique. Car la consommation d’énergie induite par le transport et la pollution qui en découle sont irréversibles.
Un grand merci à Philippe Bourdeau pour ses propositions véritablement alternatives et un conseil de lecture qui, je l’espère, vous transportera : l’Impossible Voyage, le tourisme et ses images, de Marc Augé.

Marie Plassart, Villeurbanne (Rhône)

De quoi « réjouir » M. Hortefeux

Paris, gare du Nord. J’attends le train pour Douai. Je pose ma veste près de moi sur la banquette. Le train arrive : j’y prends ma place.
Le lendemain, je ne retrouve plus mon carnet de chèques… Je me prépare à faire opposition quand je reçois un appel téléphonique : « Monsieur, j’ai trouvé un carnet de chèques à votre nom à la gare du Nord ; un autre voyageur voulait le prendre, mais j’ai dit : “Non, non, je m’en occupe moi-même.” »
[…] J’ai du mal à trouver les mots pour exprimer mon admiration et ma reconnaissance à Mme K. […]. Trois jours plus tard, […] je reçois (en envoi recommandé !) mon carnet de chèques avec les cartes et les papiers qu’il contient. Et avant que j’aie pu lui téléphoner pour la remercier, Mme K. […] m’appelle pour s’assurer que mon carnet m’est bien parvenu ! […] Bien sûr, nous engageons une conversation amicale […]. J’apprends ainsi qu’elle et son mari viennent d’être licenciés ; qu’ils ont deux fillettes en bas âge ; et, tenez-vous bien, qu’ils ont « des soucis pour renouveler leur carte de séjour ! ».
Ah ! Que ne suis-je Dieu (ou tout simplement ministre) pour faire un « petit geste » à l’intention de ces personnes et de quelques autres dans de telles situations difficiles !
Voilà le récit authentique d’un geste qui aurait de quoi « réjouir »* vraiment M. Hortefeux, et qui pourrait ouvrir les yeux et le cœur de ceux qui, tout en ayant l’obligation d’appliquer la loi, devraient au moins faire preuve d’humanité et de décence… au lieu de se « réjouir » honteusement d’un chiffre record d’expulsions, qui cache probablement (parmi des mesures certes justifiées) des misères humaines et familiales insoutenables.
Oui, puisse une telle leçon d’honnêteté (le mot est faible !) remonter du peuple vers ceux qui sont censés le « gouverner », et leur apprendre de quoi on peut humainement se réjouir. […]

Charles Adelmant, Lewarde (Moselle)

  • Cf. les titres des journaux, quelques jours auparavant : « Hausse de 80 % des expulsions : le ministre s’en félicite », et les interviews où il déclarait sans vergogne « se réjouir » de ses « succès »…

    Ils ont « sauvé » Israël de la paix

Israël ne veut pas la paix : il veut toute la Palestine, et le monde fait semblant de ne pas l’avoir compris.
Peut-on aujourd’hui encore occulter que la paix est morte avec l’assassinat d’Yitzhak Rabin ? En un demi-siècle, un seul dirigeant israélien a vraiment essayé de faire la paix, et il l’a payé de sa vie, victime d’une campagne orchestrée par la droite et l’extrême droite israéliennes. La paix vaincue, rendue au chef de guerre Sharon, se transformera en leurre, en faire-valoir politique pour les dirigeants qui suivront.
La victoire électorale du Hamas […], après des élections remarquées pour leur déroulement démocratique par beaucoup d’observateurs venus du monde entier, a suffi pour que Tel-Aviv et Washington annoncent : « Il n’y a plus de partenaires pour la paix. » […] Les trois fossoyeurs de paix se sont alors succédé – Netanyahou, Barak et Sharon –, que rien ne semble unir sinon qu’ils ont « sauvé » Israël de la paix… […]
L’histoire du monde est couverte de cicatrices de la colonisation. Celle des Palestiniens n’est pas sans nous rappeler celle des Indiens d’Amérique du Nord, lors de la conquête de l’Ouest et des deux siècles et demi pour contraindre les rescapés indiens à accepter la déportation dans des réserves.
« Il est fondamental de détruire non seulement les hommes mais également leurs villages et leurs plantations. Il faut arracher ce qui est planté et empêcher toute nouvelle plantation ou récolte. Ce que le plomb ne pourra obtenir, la famine et l’hiver y parviendront. » Ainsi s’exprimait George Washington, premier président des États-Unis, héros de la Révolution américaine. Certains historiens présentent cette période comme étant la genèse des Droits de l’homme… Même dans les démocraties, l’histoire est dictée par les vainqueurs. En 1779, George Washington, alors général, ordonne d’envahir le territoire de la confédération iroquoise. Et il insiste pour que soient tués autant d’Indiens que possible, sans considération d’âge ni de sexe. Les survivants seront livrés comme esclaves agricoles aux colons méritants. En quelques mois, 40 villages indiens sont massacrés, et leurs plantations réduites à néant. […]
Le peuple palestinien se trouve confronté aujourd’hui à un dilemme : mourir des bombes ou du blocus israélien, qui depuis presque un an organise la privation du nécessaire pour survivre et se soigner. Une décision pourrait changer la donne, mais pour cela les 27 membres de l’UE doivent sortir de la logique du chaos qui consiste à jouer les supplétifs d’un deuxième front, celui du silence et de la soumission aux États-Unis et à l’État d’Israël, et refuser l’isolement politique et l’étranglement économique des habitants de Gaza. […] Aux prochaines élections israéliennes, la paix sera encore la grande absente de la campagne parce que la paix n’a jamais fait gagner un candidat en Israël.
Il faut, comme dit Nelson Mandela, « avoir conscience du fait que la Palestine est l’une des grandes causes morales de notre temps et qui exige d’être défendue comme telle. Il ne s’agit pas de marchander, de trouver d’habiles compromis ».

Luis Lera

La suppression de la pub à la télé

Entre l’annonce de la suppression de la pub sur France Télévisions après 20 heures et sa concrétisation, le débat n’a pas […] détaillé l’ampleur de ses effets concrets. Qui a pensé à chiffrer les ravages de la diffusion publicitaire sur le développement de l’obésité, de besoins superficiels ravageurs en période de réchauffement climatique ? […] Sur la violence quotidienne […] ?
Puisqu’on supprime la publicité, va-t-on garder sur le service public ces émissions auxquelles on nous a habitués pour attirer les annonceurs ? […] Pourquoi sont-elles diffusées en prime time alors que d’autres programmes qui répondent à de véritables besoins sociétaux sont relégués à des horaires moins propices à leur découverte ? Ce travail n’a pas non plus été réalisé, ni chiffré, dans le débat public. […]
Faut-il encore privilégier la cible préférée des publicitaires : plutôt jeune, changeant facilement ses habitudes de consommation et plutôt aisée ? Ou va-t-on enfin offrir en prime time des émissions […] qui seront utiles à nos « grandes minorités » : les culturels, les sourds, les enfants, les adolescents, les « cartes vermeilles », etc. ? […]
Enfin, ne faut-il pas aussi s’irriter du fait que la première étape dans cette (r)évolution choisie par le chef de l’État soit cette suppression après 20 heures plutôt qu’une disparition de la publicité et du sponsoring autour des émissions qui s’adressent principalement aux moins de 16 ans ? Autant de questions qui restent à débattre et auxquelles le public a droit.

Bernard Hennebert (Belgique)

Courrier des lecteurs
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