Premier désaveu

Présentée comme un objectif majeur du RSA, l’incitation au retour à l’emploi semble déjà inefficace.

Eva Delattre  • 4 juin 2009 abonné·es

C’était la clef de voûte du dispositif. L’argument « numéro un » de Martin Hirsch pour vendre son projet à un gouvernement obsédé par la traque aux « assistés ». En cumulant allocations et (bas) salaire, le revenu de solidarité active (RSA) permettrait d’ « inciter à la reprise d’une activité ».

L’échec est pourtant cuisant. Et ce n’est pas l’opposition qui le dit, ni même quelque sociologue « gauchiste ». C’est le comité d’évaluation des expérimentations mis en place par le Haut-Commissariat lui-même. Dans un récent rapport [^2], il démontre que le RSA n’aura que peu d’effet sur le retour à l’emploi des allocataires. Voire pas d’effet du tout.
L’évaluation estime en effet que « l’écart [du taux de retour à l’emploi] entre zones expérimentales  [avec RSA] et zones témoins [avec RMI et API] est de 0,28 point de pourcentage, soit un surcroît de 9 % du taux d’entrée en emploi dans les zones expérimentant le RSA » . Alors qu’un rapport intermédiaire du comité d’évaluation évoquait un taux moyen de retour à l’emploi plus élevé de 30 %… Et l’étude d’ajouter qu’ « on ne peut pas rejeter la possibilité que le RSA expérimental n’ait pas eu d’effet vers l’emploi » . En clair, un allocataire du RSA a, grosso modo, aussi peu de chance de trouver un travail qu’un RMiste !

Comment expliquer ce camouflet ? D’abord, parce que le gros du financement du RSA est absorbé par le complément des revenus du travail au détriment du dispositif d’insertion professionnelle. « On ne voit pas comment les départements pourraient, demain, se doter de moyens plus importants pour un accompagnement systématique et “sur mesure”, alors même qu’ils n’ont pas pu le faire en vingt ans de RMI, observe l’économiste Jacques Rigaudiat. Par ailleurs, si l’évaluation montre que le retour à l’emploi est très légèrement supérieur chez les allocataires du RSA, l’échantillonnage n’a rien à voir avec ce que sera le RSA “grandeur nature”. » Tel qu’il est mis en place, le dispositif semble condamné à l’échec. « Le RSA repose sur l’idée pavlovienne qu’en augmentant la taille de la carotte, les gens vont reprendre mécaniquement un emploi. On prend les gens pour ce qu’ils ne sont pas » , observe Jacques Rigaudiat.
« Le RSA part du présupposé que les gens sont au RMI parce qu’ils seraient désincités à travailler par une allocation trop généreuse, ajoute le sociologue Nicolas Duvoux. Ce présupposé étant en grande partie infondé, le mécanisme d’incitation a donc une efficacité très limitée, même si le contexte économique dégradé joue également un rôle. » Un contexte de crise derrière lequel le gouvernement aura tôt fait de se réfugier pour expliquer l’échec du dispositif.

[^2]: Rapport final du comité d’évaluation des expérimentations du RSA, mai 2009.

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