« Une autre Europe est possible »

José Bové explique ici son engagement avec Europe écologie, dont il est tête de liste dans la région grand Sud-Ouest*.

José Bové  • 4 juin 2009 abonné·es

La campagne des européennes ne passionne pas les foules. Beaucoup moins que celle du projet de traité constitutionnel européen (TCE), qui avait réveillé les consciences et animé un débat riche, en 2005. Et c’est dommage, car les enjeux sont au moins aussi importants aujourd’hui qu’à l’époque.

J’ai fait campagne pour le « non » au TCE. Je n’étonnerai personne si je dis que ce combat reste l’une de mes plus grandes fiertés. Et j’espère que personne ne croira jamais – ou ne laissera croire – le contraire. En tant que porte-parole et syndicaliste paysan, je me suis engagé complètement contre un texte qui mêlait dans un jargon technocratique des choses aussi différentes que les droits fondamentaux et les politiques économiques. Et je referais la même chose aujourd’hui.
C’est l’une des principales raisons de mon engagement au sein d’Europe écologie, aujourd’hui. Parce que tout le monde sait qu’il ne sert à rien de se repasser ce film en boucle, sans rien changer, et parce qu’il faut faire de ce « non » au TCE une force pour changer l’Europe. Et, plutôt que d’attendre un plan B, nous avons décidé d’écrire l’acte suivant : une autre Constitution, pour remplacer le traité de Lisbonne. Si nous avons suffisamment d’élus, le Parlement européen pourra convoquer une assemblée constituante pour écrire et faire adopter une autre Constitution, par référendum dans toute l’Europe. Un texte simple et lisible, qui ne parle ni d’économie ni de marché, mais qui pose les principes fondamentaux, les droits et devoirs, et l’organisation plus démocratique de cette Europe que nous ne laisserons plus faire sans nous, cette fois.

L’autre force d’Europe écologie, c’est le projet que nous portons, qui n’a pas besoin de dire qu’il est anti-Sarkozy pour se donner des airs. Car l’Europe vaut mieux qu’une précampagne pour 2012. D’autant qu’il serait absurde de croire qu’un vote européen changera quoi que ce soit dans les choix désastreux du gouvernement Sarkozy.
Avec le vote sanction, au mieux on se défoule dans les urnes, au pire on empêche un changement profond au niveau de l’Europe. Car chaque voix qui manquera tombera en priorité, lors de la répartition, dans la corbeille des gros partis : UMP et PS, en tête. C’est la grandeur et les misères de ce système à la proportionnelle, puisque chaque liste qui ne passe pas 7 % (nécessaire pour un-e élu-e dans une eurorégion) abandonne ses voix, qui sont réparties entre tous ceux qui ont passé ce cap.

D’ici à dimanche, il y a donc plusieurs questions à se poser. Qui présentera un projet européen alternatif et cohérent, face à la droite conservatrice et aux libéraux ? Qui agira concrètement dans le domaine des droits de l’homme, le statut des migrants ou l’interdiction des paradis fiscaux ? Enfin, qui propose de changer nos modes de vie, pour cesser le pillage de la planète et l’exploitation des pays du Sud ? Qui, sinon les écologistes, a enfin un groupe rassemblé autour d’un projet de société pour faire avancer l’Europe ?
C’est à ces questions-ci qu’il faut répondre ce 7 juin, dans les urnes. Le reste se jouera ailleurs et ensuite : des élections, mais aussi dans les luttes et les mouvements sociaux – qui auront bien besoin de relais européens efficaces, dans les années qui viennent.

Comme toute instance politique, l’Europe sera ce que nous en ferons, projet contre projet. Et l’élection de dimanche va peser lourd pour l’avenir des Français. Ce n’est pas à Paris mais bien au Parlement européen que vont prochainement se décider de nombreuses politiques qui se retrouveront ensuite dans chaque pays : dans les transports, l’énergie, l’alimentation ou l’agriculture. C’est là aussi qu’avant 2013 va se renégocier la PAC, aujourd’hui productiviste, inégalitaire et injuste. Une bonne façon d’utiliser mes années d’expérience dans ce domaine.
On sait peu, en France, que sur certains sujets l’Europe fait bouger les lignes : pour interdire les OGM, le bœuf aux hormones ou des milliers de produits chimiques (Reach) ; et contre la France, parfois : comme pour l’interdiction de coupure administrative d’Internet (Hadopi en France), les plans d’énergies renouvelables ou le nucléaire.
Qu’on s’en agace ou qu’on l’espère, l’Europe est notre avenir, où se joue l’important, si l’on prend la peine de s’y intéresser, d’en changer les règles, avec une vision claire de ce que l’on veut y faire. Ne pas en prendre la mesure, c’est laisser la voie ouverte à toutes les dérégulations. Ne pas voter, c’est laisser une colère légitime devenir une résignation.

Certains veulent utiliser cette tribune électorale pour refaire le débat de 2005 sans rien changer. J’ai choisi une autre option, avec laquelle je me sens plus à l’aise et plus légitime, à un endroit où je pourrai agir et être utile : au Parlement européen, avec une équipe. Avec Éva Joly, Yannick Jadot (ex-Greenpeace) ou Sandrine Bélier (ex-FNE), je sais que nous ferons du bon boulot. Je sais aussi qu’avec Hélène Flautre, Dany Cohn-Bendit et Michèle Rivasi et les autres élus du groupe en Europe, nous mènerons le combat pour renverser la Commission Barroso et enlever la majorité à la droite.
L’été dernier, lorsque nous avons pris ce chemin ensemble, l’évidence nous est apparue : on aurait dû rassembler les écologistes depuis longtemps ! Cette alliance, qui se nourrit de la différence des parcours, est naturelle, fructueuse, porteuse d’espoir, de crédibilité et de radicalité. Elle donne un sens à ce « non » au TCE que j’ai défendu en 2005. Aujourd’hui, en juin 2009, elle affirme qu’une autre politique en Europe est possible.

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