Dans la jungle du off

Parmi la profusion de pièces présentées au festival off, voici notre première sélection, entre classiques et modernes.

Gilles Costaz  • 9 juillet 2009 abonné·es

Les Loupiotes de la ville

Antoine Guiraud et Kamel Isker pensent avoir inventé le « mime perturbé » . Ce n’est pas toujours perturbé, un mime, quand il se place dans la lignée des grands burlesques américains ? Peu importe, car ces deux-là semblent bien partis pour renouveler le genre. Très musclés, puissants sans s’en donner l’air, rêveur sous des chapeaux melon, ils parlent, mais on ne comprend pas un mot. Ils occupent une scène qu’ils ont voulue vide, laissant à leurs histoires imprécises l’art d’occuper le plateau et l’imagination du spectateur – car les « loupiotes » du titre, c’est surtout celles du public qu’ils veulent animer. Ils ont des dialogues obscurs, des discordes, des affrontements. Ils semblent le plus souvent très calmes, quitte à faire, tout à coup, des bonds ou de la boxe. En jeunes et grands mimes, Kamel Isker et Antoine Guiraud se moquent du monde.

De notre monde, en étant tour à tour sportifs, sans-abri, poissons rouges, pilotes de ligne, chefs d’orchestre (ils font beaucoup intervenir la musique classique)…

On sent bien qu’ils aiment Chaplin, Keaton, Laurel et Hardy. Mais ils ne les imitent pas. Ils se sont rencontrés en fac, ils suivaient des études de cinéma à Paris-VIII, ils sont allés apprendre le théâtre au conservatoire du XIIIe arrondissement de Paris, ils ont joué ici et là, mais n’ont pensé qu’à monter et jouer leurs Loupiotes . Et c’est une discrète révélation.
Théâtre des Béliers, 15 h 45.

Monsieur de Pourceaugnac

Face à la féroce comédie de Molière, le pari d’Isabelle Starkier est double : faire résonner la pièce comme une comédie musicale et la faire jouer par un quatuor d’acteurs qui, à l’exception du rôle de Pourceaugnac (Daniel Jean, un Black, surprenant !), passent prestement d’un personnage à l’autre, souvent masqués. Cela donne, joué par Daniel Jean, Pierre-Yves Le Louarn, Eva Castro et Sarah Sandre, quelque chose de fort drôle, de déjanté, d’incongru, de baroque, qui conte autant Molière que le monde du show-biz social où nous nous débattons tous.
La Fabrik, 16 h 30.

Le Ticket

Méfions-nous des bonnes intentions ! L’objectif de Jack Souvant et du collectif Bonheur intérieur brut est de faire vivre aux spectateurs l’enfer éprouvé par les clandestins quand ils sont pris en main par un passeur, quelque part dans le monde, avec la promesse d’un eldorado illusoire.
Mais faut-il faire souffrir le public pour lui communiquer le sentiment de la souffrance ? Nous n’avons assisté qu’à une première version avant que soit mise en place une traversée d’un bras du Rhône, qui précède l’entrée dans un camion où les fuyards (c’est-à-dire nous) sont entassés. On craint que, sous le soleil cuisant d’Avignon, cette opération épuise plus les spectateurs qu’elle ne développe leur conscience d’une permanente tragédie connue de tous.
Île de la Barthelasse, 11 h 30, 12 h 30, 18 h et 19 h 30.

De profundis

Jean-Paul Audrain incarne Oscar Wilde dans sa loge de Reading. En grand acteur, il mêle la révolte et la résignation, l’amour et le détachement, le désespoir et l’espoir. La fine mise en scène de Grégoire Couette-Jourdain dégage la plainte profonde et se permet quelques discrètes métamorphoses : le mouchoir rouge devient une fleur, la couverture du prisonnier la cape du « prince de l’art » qu’il était… Tout à fait bouleversant.
La Luna, 15 h 30.

Culture
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