Une bonne dose de profit

En dépit des annulations de commandes, le vaccin a largement bénéficié à l’industrie pharmaceutique.

Thierry Brun  • 14 janvier 2010 abonné·es

C’était le lundi 5 janvier. Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, annonçait la « résiliation » de la commande de 50 millions de doses de vaccin contre le virus de la grippe A, sur un total de 94 millions de doses, à quatre géants de l’industrie pharmaceutique. Normalement, l’annonce gouvernementale aurait dû créer un vent de panique au sein de l’industrie pharmaceutique et provoquer l’effondrement boursier du fleuron national, Sanofi-Aventis.
Rien de tout cela n’a eu lieu car
– Roselyne Bachelot a omis de le préciser – GlaxoSmithKline (GSK), Novartis, Sanofi-Aventis et Baxter ne verront pas s’envoler les 869 millions d’euros de la commande française. Le manque à gagner sera ­faible, affirment les laboratoires. Sanofi Pasteur, par exemple, a annoncé que les doses « initialement prévues pour la France vont permettre d’honorer d’autres commandes à l’international » . En outre, les labos négocient depuis quelques semaines le montant de leurs indemnités auprès du ministère de la Santé.

L’État réalisera certes quelques économies : dès novembre 2009, le ministère de la Santé a commencé à écouler ses stocks vers des pays acquéreurs comme le Qatar et l’Égypte. Mais les grands gagnants de la surévaluation de la pandémie sont les « big pharma ». Les spécialistes disent que le prix de vente des doses a été surévalué et soulignent que les laboratoires ont pu financer grâce à la grippe l’augmentation de leurs capacités de production de ­vaccins. Ils ont aussi bénéficié de la campagne de communication du gouvernement, qui a permis d’augmenter le taux de vaccination contre la grippe saisonnière. La CGT fait ainsi les comptes : « Près de 800 millions d’euros pour acheter des vaccins, un programme de vaccination ayant déjà généré près de 2,5 milliards d’euros de dépenses. Mais quel est le rôle du ministère de la Santé ? Est-ce d’être au service de l’industrie pharmaceutique ? La question peut se poser ! »

La grippe A a dopé le chiffre d’affaires des big pharma qui devaient faire face à l’expiration d’une partie des brevets de leurs médicaments vedettes. Le Britannique GSK a prévu plus d’un milliard d’euros de revenus supplémentaires fin 2009, le Suisse Novartis entre 300 et près de 500 millions, et le Français Sanofi-Aventis près de 350 millions. « Notre champion français, Sanofi-Aventis, engrange déjà près de 8 milliards d’euros de profits pour un chiffre d’affaires de 25 milliards d’euros. Belle rentabilité sur un marché dont les ressources proviennent essentiellement de la Sécurité sociale » , constate la CGT. Ainsi, le groupe pharmaceutique a annoncé fin décembre 2009 le rachat du fabricant américain de produits de soins et de compléments alimentaires Chattem, pour 1,9 milliard de dollars.

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