Les effets secondaires des brevets

Des associations s’élèvent contre un accord commercial « anti-contrefaçon » en cours de négociation, qui risque d’entraver la diffusion des médicaments génériques dans les pays en développement.

Martin Clavey  • 3 juin 2010 abonné·es

L’accord commercial international anti-contrefaçon (Acta), qui se négociera jusqu’à la fin de l’année, pourrait bien signer l’impossibilité d’accéder aux génériques pour les populations du Sud. Cet accord entre le Canada, la Corée du Sud, les États-Unis, le Japon, Singapour, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Mexique, le Maroc, la Suisse et l’Union européenne vise officiellement la contrefaçon et le piratage. Mais de discrètes négociations entre ces acteurs et le lobbying de l’industrie pharmaceutique des pays du Nord manifestent de tout autres visées. Un document de travail, rendu public en avril grâce à la pression de députés européens et d’associations comme Act Up et Oxfam, montre que les pays signataires risquent de faire un amalgame entre médicaments génériques et faux médicaments.

La définition très vague du terme « contrefaçon » est à l’origine des craintes des ONG. Les génériques venant des pays producteurs (l’Inde surtout) et faisant escale dans les pays occidentaux pourraient être interceptés par les douanes et détruits ou renvoyés aux frais de l’expéditeur. Cette pratique, déjà mise en place par certains pays, comme les Pays-Bas, vient pourtant d’être condamnée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), à la demande de l’Inde et du Brésil. Mais les étroites relations qu’entretiennent les négociateurs et les laboratoires obligent à être prudent. L’OMS vient ainsi d’être contrainte par ces deux mêmes pays de revoir ses liens avec un de ses partenaires représentant les intérêts pharmaceutiques.

Autre point noir : un accord en cours de négociation entre l’Inde et l’Union européenne tendrait à renforcer encore le poids des brevets dans ­l’industrie pharmaceutique, au détriment des génériques. « L’Europe a un double discours : elle prône publiquement l’accès aux médicaments mais elle a des revendications de libre-échange plus ignobles que les États-Unis » , affirme une militante d’Act Up. Les ONG européennes espèrent peser pleinement lors du prochain round de négociation de l’Acta prévu en Suisse, fin juin. L’enjeu est de taille : alors que les génériques ont permis l’accès aux médicaments dans les pays du Sud pour lutter contre le sida, le cancer ou les maladies cardiovasculaires, la signature de l’Acta pourrait bien dissuader les industriels des pays du Sud de produire ces médicaments.

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