Finlande et propagande

Sébastien Fontenelle  • 14 octobre 2010 abonné·es

Le Monde, poursuivant sa mission d’information des masses populaires (suivant des modalités qui font, dit-on, dire à Chérèque & Fillon que sans le Monde la propa serait moins gande), narre, dans son édition datée du 12 octobre, que « la Finlande trace la voie d’une réforme réussie » des retraites, où, « de 1995 à 2009, le taux d’emploi des seniors est passé de 34 % à 55,5 % » , comme dans les rêves les plus fous du patronat.

Pour obtenir ce miraculeux résultat, où la France gagnerait à prendre son inspiration, comment donc a fait la Finlande ?
La Finlande, s’extasie le Monde (qui précise que c’est « l’aboutissement de quinze ans de réflexion »), a « utilisé la méthode de la carotte et du bâton » , généralement réservée aux ânes, mais qui, par conséquent, marche aussi avec les retraité(e)s, dont l’animalité peut donc être nettement dite
– cesse de braire, foutue bourrique, ou je t’enlève tes annuités.
Pour le côté bâton : « dès 1994 » , les Finlandais ont augmenté progressivement « l’âge de la préretraite de 55 à 58 ans » , et, en même temps, « les retraites du public ont commencé à être ajustées à la baisse pour s’aligner sur celles du privé » .

Bon début, convenons-en, mais le meilleur, juge-t-on au Monde, est venu quelques années plus tard, quand « la réforme la plus importante fut adoptée en 2005 »  : là, « au lieu d’augmenter » sottement « l’âge de la retraite, comme le font la plupart des pays, la Finlande a choisi la flexibilité » , comme on choisit la liberté, en « permettant aux actifs de prendre leur retraite entre 63 et 68 ans ».

Cadeau supplémentaire : « L’âge de la préretraite a encore été relevé à 62 ans et le taux des pensions a été affecté » , puisqu’« en arrêtant » de travailler « à 62 ans au lieu de 63 ans, la retraite est amputée de 7,2 % du salaire » .
Donc, si nous récapitulons : pour le côté bâton, cette « réforme réussie » des retraites a consisté, entre 1994 et 2005, à relever de sept ans l’âge de la préretraite – mais le Monde jure, sans rire, qu’elle a ceci de vachement bien qu’elle n’a aucunement relevé l’âge de la retraite.

Pour le côté carotte, qui se résume principalement comme suit, l’entreprise Abloy, « leader mondial des systèmes de fermeture de portes » , a (je préfère te prévenir que c’est proprement stupéfiant, et que ça donne envie d’émigrer après 60 ans vers Copenhague) « mis en place un programme dont l’objectif est de prolonger la durée de travail de ses employés de deux ans » , et qui comprend, tiens-toi bien : « des conférences, des tests de fitness, des expositions artistiques, des chèques-vacances » . Bref : le paradis.

Tu vas finalement continuer à trimer comme un porc, mon Raymond, et quand t’auras fini tes sept années supplémentaires, non seulement on t’enlèvera que 7,2 % de ton salaire, mais de surcroît on te montrera Monet au Grand Palais : ça serait bien que tu fasses un petit mot au Monde, pour dire comment que t’es content.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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