Combien ça coûte, la liberté ?

Les aides annoncées par l’UE et la France sont dérisoires comparées aux dettes contractées par les dictatures.

Jennifer Austruy  • 3 mars 2011 abonné·es

À l’annonce, le 17 février, des 17 millions d’euros offerts par l’Union européenne, le ­ministre de l’Industrie tunisien, Afif Chelbi [^2], a cru devenir sourd. « Millions ou milliards ? » , a-t-il demandé, avant de qualifier la somme de « ridicule » . Côté français, l’aide sociale d’urgence consentie atteint des sommets de générosité : 350 000 euros, quand l’Italie en débloque 5 millions. Bercy a toutefois annoncé un plan de soutien, sans plus de précisions. « Il ne s’agit pas de faire de la surenchère de chiffres, mais d’ajuster nos programmes, de les accélérer, de les développer si nécessaire » , a déclaré Christine Lagarde. La représentante européenne pour les affaires étrangères, Catherine Ashton, a cependant promis 258 millions d’euros d’ici à 2013. Une conférence internationale sur les réformes politiques et économiques pour réussir « la transition démocratique » devrait se tenir fin mars à Carthage. La réelle volonté de l’Union européenne – et de la France – ­d’accompagner la démocratisation de la Tunisie y sera alors jugée.

Car les montants pour l’instant annoncés demeurent sans commune mesure avec les dettes contractées sous la dictature. Ben Ali lègue une ardoise de 14 milliards d’euros. En trente ans, en grande partie sous son règne, la dette extérieure publique de la Tunisie a été multipliée par 3. Le Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde (CADTM) demande en conséquence une suspension des remboursements en attendant les résultats d’un audit pour savoir en quoi consiste cette dette. La même question se pose pour l’Égypte : Hosni Moubarak aurait accumulé une fortune estimée entre 30 et 50 milliards d’euros, selon le quotidien britannique The Guardian , et laisse une dette de 35 milliards de dollars à son peuple. Le ministre égyptien des Finances, Samir Radwane, a demandé l’appui de la Grande-Bretagne pour obtenir l’annulation de la dette de son pays auprès de l’Union européenne.

[^2]: Démissionnaire depuis le 28 février.

Publié dans le dossier
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