« Bachar » cause dans le vide

syrie La troisième intervention du président syrien exige que la contestation cesse avant d’engager toute réforme. Pas de quoi rassurer la population.

Denis Sieffert  • 23 juin 2011 abonné·es

Dans un discours prononcé lundi à l’université de Damas, le président syrien, Bachar Al-Assad, a une nouvelle fois promis des réformes et un « dialogue national ». Il a surtout évoqué « l’amendement » de la clause 8 de la Constitution, qui fait du parti Baas « le parti dirigeant de l’État et de la société » depuis 1963. Son annulation est l’une des principales revendications du mouvement de contestation qui a débuté le 15 mars. Mais le président syrien a assorti ses propositions de plusieurs conditions : attendre l’échéance de l’élection présidentielle, prévue pour le mois d’août ; et, surtout, il a demandé que cesse auparavant « le chaos »  : « Pas de réforme à travers le sabotage et le chaos », a-t-il lancé
.

Autrement dit, il exige que le mouvement cesse avant d’entreprendre la moindre réforme. Il a également repris la thèse du complot contre la Syrie, et une nouvelle fois dénoncé « les saboteurs ». Le président Assad a d’autre part brandi la menace d’un « effondrement de l’économie syrienne ».


Ces promesses conditionnées par l’arrêt de la contestation, aggravée par cette thèse du complot venu de l’extérieur, ont évidemment suscité un fort scepticisme dans la population. 


Alors que les ONG estiment à 1 300 le nombre des victimes de la répression, le président syrien semble avoir perdu toute crédibilité. « Nous jugeons inutile tout dialogue qui ne tournerait la page du régime actuel », ont répété lundi soir les représentants des comités locaux de coordination qui organisent les manifestations. Ceux-ci ont appelé la population à poursuivre « la révolution jusqu’à la réalisation de tous ces objectifs ».


À l’étranger, la réaction la plus sévère est venue d’Alain Juppé, qui, à l’unisson des manifestants, a estimé qu’un « point de non-retour » avait été atteint et qu’il n’y avait « aucune raison de prendre au sérieux » ce nouveau discours. Plus réservé, son homologue allemand, Guido Westerwelle, a demandé au régime d’opérer un « demi-tour de 180 degrés » et de « retourner à un dialogue ». Plus que des nuances qui témoignent de désaccords au sein de l’Union européenne.


Plus proche de la diplomatie allemande, le Département d’État américain se garde d’exiger le départ d’Al-Assad, mais a demandé « des actes, pas des mots ». Dans le même registre, la Turquie, qui accueille des milliers de réfugiés syriens, a estimé que le président Assad devait s’engager d’une manière « beaucoup plus claire et nette ».

Au total, il semble qu’il soit bien tard pour le président syrien, qui donne toujours des signes contradictoires reflétant probablement des contradictions au sein du clan familial. Depuis le 30 mars, date de sa première allocution publique, quinze jours après le début de la crise, il n’a cessé d’entretenir des rumeurs de réforme, sans rien de concret.

Quant à la communauté internationale, elle n’a pas été capable pour l’instant d’adopter la moindre résolution de l’ONU, et de surmonter le blocage opéré par la Russie, la Chine, et à un degré moindre, par le Brésil et l’Inde.
Denis Sieffert

Monde
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