Et ça continue encore et encore…

Joseph Beauregard  • 9 juin 2011 abonné·es

Déprimé ! Épuisé ! Miné ! Lisez-moi la lettre que Georges m’a adressée le dimanche 29 mai : *« Mon Cher Président ! Écoute, il faut que je quitte le navire et vite car deux femmes m’accusent d’avoir volé leurs chaussures à la mairie de Draveil, mais je te jure sur la tête de Marianne que j’ai jamais fait la moindre petite connerie dans ma vie de citoyen, d’édile et de député. Tu sais bien que si j’ai accepté les hautes fonctions ministérielles que tu m’as confiées après avoir trahi Dominique, c’est parce que j’avais envie de quitter Draveil et ces femmes qui jalousent ma bourgeoise. À l’instant où les circonstances me conduisent à oublier la voiture et le logement de fonction, les chargées de mission en talons aiguilles, et à te présenter ma démission, je ne peux m’empêcher de revivre les moments exaltants passés à masser les pieds de la République. Par cette démission, je pense exprimer suffisamment mon allégeance à ta personne, qui m’a bien nourri depuis un an. Te dire aussi qu’en ma qualité de réflexologue je ferai une affaire personnelle de la reconnaissance de la noblesse de ma passion en combattant les accusations de mes deux anciennes sujets, dont l’une a été licenciée pour être venue travailler en bottes de pêche et l’autre pour avoir refusé d’enlever ses rangers quand elle était dans mon bureau.

Quoi qu’il en soit, la campagne publicitaire qu’elles ont provoquée en faveur de la réflexologie a reçu un tel écho chez nos concitoyens que je vais lancer une chaîne de salons de massage dès septembre et un nouveau magazine mensuel :* Réflexologie et sexologie. Nos concitoyens seront contents d’apprendre que je suis capable de rebondir et de tout mettre en œuvre pour créer des emplois. Enfin, songe, Camarade, que je n’ai pas encore trouvé les fonds pour lancer cette chaîne d’un nouveau genre — tout cela va si vite –, voilà pourquoi je voulais te demander si tu pouvais me débloquer une ligne de crédit en urgence et, d’autre part, si les locaux de l’UMP dans l’Essonne pouvaient accueillir — le temps que je me retourne — mes nouvelles activités. Je  rembourserai rapidement cette avance car dans ma ville et ma circonscription, qui demeurent, malgré mes tourments, un stimulant point d’ancrage pour lancer mes premiers salons, je suis convaincu de pouvoir dégager des bénéfices dès la première année d’activité.
 Je te prie d’agréer l’expression de ma très haute confiance quant à mon nouvel avenir professionnel. Ton dévoué Georges. »



Ce mec est complètement dingue ! Qu’est-ce que vous voulez que je fasse avec un dingue pareil. C’est vrai, quoi, depuis que je suis Président, entre ceux que je suis obligé de virer sans tambour ni trompettes et ceux qui sont obligés de démissionner sous les applaudissements des Français, c’est Walerloo, Stalingrad ! Quand c’est pas Christian, c’est Michèle. Quand c’est pas Michèle, c’est Éric. Quand c’est pas Éric, c’est Georges. J’en ai marre, ras-le-bol, plein le dos, plein le c… Ils veulent ma mort politique ! Pourtant, je ne suis pas du genre parano, mais tous ces ministres qui me quittent pour un oui ou pour un non, c’est blessant, humiliant, et je vous le dis comme je le pense : ça commence à faire beaucoup et je trouve ça suspect.



Que Christian soit obligé de démissionner parce qu’il fumait des cigares dans son bureau de ministre, je peux le comprendre dans la mesure où je n’ai pas cessé de lui répéter que le tabac était mauvais pour sa santé. Qu’Alain soit contraint à démissionner parce qu’il avait loué un petit coucou, je trouve ça injuste quand on sait le boulot qu’il a abattu en Haïti pendant son séjour de 24 heures. Qu’Éric, victime d’un malentendu avec une vieille dame psychologiquement instable, soit obligé de dire adieu à son ministère, je trouve ça déprimant pour les finances de l’UMP. Que Michèle soit obligée de démissionner parce que les Tunisiens jouent aux cons pendant que son père investit dans l’immobilier, je trouve ça dur pour les relations franco-tunisiennes et l’emploi des seniors. Mais que Georges, mon gentil Georges, soit obligé de démissionner du gouvernement en plein tournoi de Roland-Garros, ça dépasse mon entendement présidentiel et dominical.
Ce que je ne parviens pas à comprendre, c’est que, de mon côté, ça fait des années que je passe de la pommade dans tous les sens aux Français, et j’ai pas été obligé de quitter mon job en quatrième vitesse. Est-ce que quelqu’un peut m’expliquer calmement ce qui se passe au gouvernement et dans ce pays ? Je porte la poisse ? 


Et attendez, c’est pas fini , il y a aussi la Christine qui veut se tirer discrètement de mon gouvernement pour aller au FMI car elle a une batterie de cuisine derrière elle. Vous allez voir que si elle est nommée, dans trois mois, je suis bon pour aller lui apporter des oranges en prison. Et il y a Gérard qui va encore une fois être obligé de démissionner ! Et je m’inquiète comme une mère pour Frédéric, Roselyne, Thierry et tous les autres. Même François, il m’inquiète.


Vous allez voir que si ça continue encore et encore, je vais être obligé de faire appel à Johnny Hallyday, Didier Barbelivien, Jean Reno, Christian Clavier, Arthur, Marie-Anne Chazel, Jean-Marie Bigard, Faudel, Enrico Macias, Mireille Mathieu, Doc Gynéco, Gilbert Montagné, Dominique Farrugia et Roland Magdane. Vous allez voir que je vais me retrouver avec un gouvernement sans queue ni tête qui sera la risée du monde entier. C’est intenable. Mais attention, si ça continue encore et encore, je vous mets ma démission sur la table et je me tire en Afghanistan avec Carlita et le bébé…

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