Joly, Hollande et l’atome

Pas d’accord de gouvernement sans décision de sortie du nucléaire, réaffirme EELV au PS. Les négociations doivent se boucler fin novembre.

Patrick Piro  • 27 octobre 2011 abonné·es

Les écologistes ont décidé d’imposer un bras de fer aux socialistes sur le nucléaire. En déplacement au Japon la semaine dernière, Eva Joly a lourdement insisté à l’adresse de François Hollande : « Il n’y aura pas d’accord de gouvernement si nous ne sommes pas d’accord sur le fait qu’il faut sortir du nucléaire.   […] Et comme il n’y a pas de victoire de la gauche sans les écologistes, cela pose problème. »

Agacement des lieutenants du candidat socialiste à la présidentielle, qui y voient des prétentions outrancières. La stratégie d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) n’est pourtant pas dénuée de fondement : le PS, jusqu’alors pronucléaire, est le parti que l’accident japonais a le plus fortement bousculé. Martine Aubry s’était rapidement déclarée favorable à une sortie du nucléaire, jugeant même récemment que 60 % des centrales devraient fermer d’ici à 2025. Et si François Hollande ne vise qu’une simple réduction de 75 à 50 % de la part d’électricité issue de l’atome (1), EELV tente d’exploiter cet espace de négociation encore inexistant il y a six mois. « Nous avons une responsabilité historique » , insiste Eva Joly, dont la posture radicale reflète celle de son parti.

Mais l’arme nucléaire pourrait en partie se retourner contre les écologistes. Tout d’abord parce que les deux rivaux socialistes d’hier ont pris soin d’afficher une forme de rabibochage au sortir du dernier bureau national du parti. Ensuite, lors de la primaire socialiste, plusieurs ténors écologistes ont déclaré leur soutien à Martine Aubry, candidate a priori la plus « EELV-compatible » . Dans le camp d’Eva Joly, on y a pourtant vu une offensive déguisée des hulotistes. « C’était une manière de déconsidérer Eva Joly » , relève Jérôme Gleize, qui en est proche.

Conséquence du poids pris par le candidat socialiste : l’accord électoral et programmatique entre les deux partis, prévu pour le 6 novembre, est reporté de trois semaines. « Ça se serait mieux passé avec Aubry, mais nous comptons sur le sens des responsabilités de Hollande » , positive Jean-Vincent Placé, sénateur et numéro deux d’EELV. Pourtant, l’eurodéputé Yannick Jadot ne croit guère possible de dissoudre l’écueil nucléaire d’ici là. « Il faudra peut-être attendre un éventuel accord de gouvernement au soir du premier tour de la présidentielle… »

Les convergences attendues rapidement concernent des sujets moins conflictuels – droit de vote des immigrés aux élections territoriales, régulation des sans-papiers, etc. –, ainsi que la répartition des circonscriptions législatives. Dans une centaine d’entre elles « où le Front national est fort » , il pourrait n’y avoir qu’un seul candidat « de gauche » , avec une moitié de candidats socialistes, un quart d’écologistes et un dernier quart « reste de la gauche » (si agrément).

Plus délicate, l’attribution des circonscriptions «  gagnables  ». EELV en veut « entre 15 et 40 » . Pour le PS, ça sera « à la hauteur de ce qu’ils représentent, pas forcément à la hauteur de leurs attentes », commente le sénateur André Vallini. Fourchette haute si les derniers scrutins locaux font foi ; basse au vu des sondages présidentiels : Joly est à moins de 5 %, alors qu’Hollande, à 40 % au premier tour, battrait ensuite Sarkozy avec plus de 60 % des voix.

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