Deux études à déchiffrer

Un rapport sur l’enseignement de la musique ainsi qu’un autre sur la situation du jazz lui-même viennent réveiller un milieu longtemps silencieux.

Ingrid Merckx  • 23 février 2012 abonné·es

Deux rapports conjoints sur la musique, l’événement n’est pas anodin. « Ils ne sont pas de même nature, précise le pianiste Laurent Coq, pilier du second. Celui sur « les méthodes d’apprentissage et de transmission » de la musique a été commandé au violoniste Didier Lockwood voici deux ans par Frédéric Mitterrand. Celui « sur la situation de la filière du jazz » a été demandé au ministre par des musiciens et des professionnels. Et nous n’avons eu que deux mois pour le réaliser ! »

Publier un tel document dans ces délais relève d’un exploit, surtout dans un secteur qui ne s’était pas mobilisé depuis « près de quinze ans » . Peu de majors parmi les intervenants mais des musiciens, des directeurs de festival, de programme, de club, d’institution, de collectif, de label… Seul absent notable : le public. « Par manque de temps, confesse Laurent Coq. Mais ce texte sera soumis prochainement à la communauté du jazz afin que tous ceux qui n’y sont pas représentés, comme les collectivités territoriales, puissent le compléter. L’idée est que tout le monde s’en empare et qu’il serve de support à la prochaine équipe ministérielle. »

S’il apporte assez peu d’éléments nouveaux, ce rapport consigne une série de propositions par domaine : l’insertion professionnelle, la diffusion, l’export, la structuration professionnelle, le disque et les médias. Certaines sont intéressantes, comme « pratiquer un prix unique et un taux de TVA sur le disque égal à celui du livre » , généraliser les premières parties de concert afin de permettre aux jeunes musiciens de se faire connaître, adapter au jazz le Fair, programme d’aide aux groupes rock/pop qui fait ses preuves depuis vingt ans, ou maintenir les aides aux petits lieux de diffusion, type cafés-concerts.

Ce qui coince : ce terme omniprésent de « filière » , qui est pour le moins un mot malheureux. Heureusement, les auteurs ont intégré un passage audacieux (critique vis-à-vis des Drac) qui dénonce le fait de catégoriser la « création » . Ils rappellent, entre autres, que le jazz n’est pas qu’une musique « d’œuvre nouvelle » , qu’il « ne cesse de ­revisiter le passé pour aller de l’avant. C’est pourquoi il ne faut surtout pas faire de hiérarchie entre la musique originale et la musique de répertoire… »

De quoi prendre à contre-pied le rapport Lockwood sur l’enseignement de la musique, pour lequel, s’il convient désormais d’enseigner toutes les musiques au conservatoire, y compris pop, rap, rock, électro, R & B…, il faut néanmoins distinguer « la musique dite classique, de tradition écrite » , de « la musique dite populaire, de tradition orale » . Si ce rapport a le mérite d’intégrer l’Éducation nationale à sa réflexion et de prôner une plus grande collaboration avec le milieu associatif, il s’appuie sur une dissociation qui manque de sens pour nombre de musiciens et de mélomanes.

Musique
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