Livret A : La bataille de l’épargne

Les banques se démènent contre le doublement du plafond du Livret A, pourtant crucial pour le financement du logement social…

Thierry Brun  • 5 juillet 2012 abonné·es

Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice socialiste et ancienne ministre du Logement, s’est « alarmée », le 26 juin dernier, des hésitations gouvernementales autour de l’une des priorités de François Hollande : le doublement du plafond du Livret A, passant de 15 300 à 30 600 euros. Cette mesure phare, « indispensable à la réalisation de 150 000 logements sociaux par an » devait intervenir entre le 6 mai et le 29 juin, « tel que le mentionne l’agenda du changement pour la première année du quinquennat ». Or, face au lobbying intense des banques et des compagnies d’assurance [^2], le gouvernement a déjà reculé en ne respectant pas le calendrier de l’engagement présidentiel. La mesure elle-même va-t-elle passer à la trappe ?

« Les banques et leur fédération, l’Association française des banques (AFB), veulent obtenir que le plafond du Livret A, qui est gelé depuis trente ans, ne soit pas ou peu augmenté, dénoncent l’association Droit au logement (DAL), le collectif Pour un pôle financier public au service des droits, ainsi que la Plateforme logement des mouvements sociaux [^3], qui ont occupé le siège de l’AFB le 27 juin.

Depuis plusieurs semaines, les banques et les assurances se sont employés à miner le bien-fondé de l’engagement présidentiel. La Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA) a jugé la mesure phare de François Hollande économiquement « improductive ». Une lettre de la Fédération bancaire française (FBF), adressée à l’Élysée le 22 mai, exprime également des craintes. Reçue au ministère de l’Économie, la FBF a souhaité l’étalement de la mesure sur une longue durée, voire son report. « Les banques prétendent que les épargnants vont se tourner vers le Livret A et délaisser leurs propres produits financiers. Or ces produits financiers permettent aux banques de spéculer, et provoquent la crise grave que nous connaissons aujourd’hui », réagit le collectif Pour un pôle financier public au service des droits.

Face à l’aggravation de la crise du logement, syndicats et associations ont indiqué qu’ils souhaitaient « dès juillet » le doublement du Livret A et le « rapatriement à la Caisse des dépôts des 100 milliards d’euros de l’épargne populaire laissée aux banques depuis 2009 ». Ils soulignent que l’épargne du Livret A « finance prioritairement le logement social dans notre pays (depuis 1945, 75 % du parc social a été financé par ce biais) et, de manière secondaire mais bien réelle, divers besoins d’intérêt général », comme la politique de la ville, l’hébergement des personnes fragilisées, la construction et la mise aux normes de maison de retraite…

« Ne relever le plafond qu’à 20 000 euros comme il en est question, ce serait céder aux banques », menace Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole du DAL. Cécile Duflot, ministre du Logement, a reçu le 27 juin le collectif Pour un pôle financier public au service des droits et la Plateforme logement des mouvements sociaux, et « a réaffirmé les engagements de François Hollande et sa volonté de les mettre en œuvre ». Le ministre de l’Économie, Pierre Moscovici, a lui aussi réaffirmé la volonté du gouvernement de doubler le plafond du Livret A. Mais le calendrier et les modalités de la réforme restent encore flous…

[^2]: Lire « Livret A : Banques et assurances bataillent contre un engagement de François Hollande », sur le blog de Thierry Brun, politis.fr/Livret-A-Banques-et-assurances,18390.html

[^3]: Voir http://pourunpolepublicfinancier.org

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