Contre les scandales alimentaires, les Amap !

Miramap  • 14 mars 2013 abonné·es

Les lasagnes au cheval, présentées comme 100 % bœuf, allongent encore la liste des trop nombreux scandales alimentaires. Cette fois, c’est une coopérative française qui a été épinglée, et dans une activité de négoce international de « minerai » de viande avec des « traders ». Auparavant, le lait chinois à la mélanine, le poulet belge et les œufs allemands à la dioxine, les 16 000 tonnes de « beurre » italien frelaté contenant majoritairement suif, glycérine, déchets de carcasses animales et hydrocarbures, nous avaient révoltés. Ce dernier produit exécrable était fabriqué par une société mafieuse et exporté dans toute l’Europe vers des boulangeries et biscuiteries industrielles – en captant au passage les aides européennes. Quand, en mai 2008, le Canard enchaîné alertait sur les milliers de produits de grande marque fabriqués avec les 40 000 tonnes d’huile de tournesol ukrainienne coupée d’huile minérale pour moteur et commercialisés en grande surface, il était déjà étonnant que cette alerte ne fût pas émise d’abord par les agences officielles de sécurité sanitaire. Au contraire, leurs contorsions pitoyables pour déterminer que le taux maximum d’ingestion d’huile minérale dans la mayonnaise n’aurait pas de conséquence toxique sur les consommateurs ont écœuré plus d’un citoyen.

Il y a deux conclusions à tirer de ces affaires. La première peut être désignée sous le nom de cupidité ou loi du profit maximum, ou recherche de la diminution des coûts sans se préoccuper de conditions morales pour quelques dirigeants de société. Les produits agricoles, les aliments pour les humains et les bêtes, et les médicaments n’y font pas plus exception que les barils de pétrole, les services financiers ou les armes. Le système, constitué au fil du temps entre les trois piliers que sont l’agriculture productiviste, l’industrie agroalimentaire (incluant les semenciers et l’agrochimie) et la grande distribution, est implacablement enraciné dans une logique exclusive de profit. Les rapports de pouvoir et de domination y sont féroces et les maillons les plus faibles peuvent faire n’importe quoi avant de céder devant les plus forts.

La seconde conclusion est qu’il est illusoire de compter sur les prétendues solutions mises en avant par les autorités, les gouvernements et les institutions : plus de traçabilité, de labels, des étiquetages, des certifications ; etc., pour retrouver une alimentation saine et mettre fin aux tricheries. Tant que les consommateurs resteront dans le chemin balisé par les trois piliers mentionnés plus haut, tant que la politique agricole commune soutiendra obstinément une agriculture productiviste et favorisera les intérêts économiques des entreprises transnationales plutôt que de se soucier d’une production durable et de la santé des populations, tant que les thuriféraires du libre-échange s’opposeront à la souveraineté alimentaire des peuples et feront semblant de croire que la main invisible du marché est d’une propreté irréprochable, les problèmes subsisteront et s’amplifieront. En France, les Amap sont nées il y a onze ans déjà d’une réunion citoyenne organisée pour débattre de la malbouffe. Partout dans le monde, des initiatives multiples venant de citoyens aussi bien que de groupements de producteurs expérimentent une consommation différente, responsable, écologique et locale limitant les transports, évitant les emballages. Elles ont un impact positif sur les territoires.

Edgar Morin, dans son livre la Voie, paru en 2011, écrivait : « Tout en fait a recommencé, mais sans qu’on le sache. Nous en sommes au stade de commencements, modestes, invisibles, marginaux, dispersés. Car il existe déjà, sur tous les continents, un bouillonnement créatif, une multitude d’initiatives locales, dans le sens de la régénération économique, ou sociale, ou politique, ou cognitive, ou éducationnelle, ou éthique, ou de la réforme de vie. Ces initiatives ne se connaissent pas les unes les autres, nulle administration ne les dénombre, nul parti n’en prend connaissance. Mais elles sont le vivier du futur. Il s’agit de les reconnaître, de les recenser, de les collationner, de les répertorier, et de les conjuguer en une pluralité de chemins réformateurs. Ce sont ces voies multiples qui pourront, en se développant conjointement, se conjuguer pour former la voie nouvelle, laquelle nous mènerait vers l’encore invisible et inconcevable métamorphose. » C’est à la société civile de prendre en main ce qui la concerne au premier chef : son alimentation. Rejoindre ces circuits alternatifs ou en inventer de nouveaux : le choix lui appartient.

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