Inde : Les Dongria Khonds sauvés de la mine

Après dix ans de résistance, la tribu des Dongria Kondhs vient de remporter une victoire décisive contre l’entreprise minière Vedanta.

Patrick Piro  • 5 septembre 2013 abonné·es

Il ne restait plus aux Dongria Kondhs qu’à voter dans le village de Lakhapadar, le plus important de leur tribu. La consultation s’est déroulée fin août, et le résultat est sans appel : tout comme dans les onze autres villages précédemment passés aux urnes, c’est « non » à la mine de bauxite de Vedanta. Cette mise en échec cinglante, signifiée par quelque 8 000 Dongria Kondhs, couronne dix années de lutte pour ce peuple forestier de l’État indien de l’Odisha (ex-Orissa) [^2]. Au début des années 2000, le géant minier indien Vedanta obtient l’accord du gouvernement de l’Odisha pour un projet de raffinerie d’aluminium. Une usine a été construite et a commencé à fonctionner dans l’attente de l’autorisation d’éventrer la proche montagne Niyamgiri, où des millions de tonnes de bauxite auraient assuré l’essentiel de son approvisionnement. A priori une formalité, y compris pour régler la question des Dongria Kondhs qui habitent la montagne, quantité jugée négligeable par les promoteurs du projet. Mais la tribu, fière de son autonomie et très attachée à son mode de vie, s’est dès l’origine mise en travers de l’opération avec une redoutable détermination, alléguant d’irréparables dommages écologiques et sociaux. Par-dessus tout, Niyam Raja, le sommet de la montagne convoitée par les pelleteuses, est révéré par les Dongria Kondhs comme une divinité. Pressions, menaces, destructions… Les témoignages des exactions visant la tribu ont rapidement franchi les frontières de l’Inde. Le monde associatif [^3], en particulier en Angleterre, où Vedanta possède son siège social, a pris fait et cause pour l’emblématique combat des Dongria Kondhs, exploitant son étonnante similitude avec celui des Na’vi du film Avatar .

En 2007, la Cour suprême indienne intime à Vedanta de revoir son projet, entaché d’irrégularités. Et, en 2010, premier coup de tonnerre : le flamboyant Jairam Ramesh, ministre fédéral de l’Environnement, dont la signature est indispensable, bloque le projet en raison des risques pour le milieu naturel, de l’insuffisance des garanties apportées par Vedanta, mais aussi des menaces pour la survie des Dongria Kondhs, qui font l’objet d’un « mépris flagrant » de la part de l’industriel. Le 18 avril dernier, la Cour suprême juge en appel qu’aucune exploitation ne saurait démarrer sans l’accord des populations. Un agrément dont l’industriel prétend disposer depuis longtemps. Un recul pour les Dongria Kondhs ? Non, car la Cour considère que les arguments culturels et spirituels des autochtones ont été écartés lors des consultations menées par Vedanta. Le droit de la tribu à vénérer la montagne Niyam Raja doit être « protégé et préservé », statue-t-elle. Une première. C’est pour recueillir formellement l’avis des habitants qu’a été organisé le scrutin de l’été dernier, encadré par les autorités judiciaires fédérales. Le résultat de cette consultation démocratique doit encore être avalisé par l’échelon fédéral. Une formalité, pour l’occasion : il est douteux, au moins pour un temps désormais, qu’un nouvel argument puisse être opposé à un tel raz-de-marée anti-mine.

[^2]: Voir Politis n° 1116 (2 septembre 2010) et n° 1251 (3 mai 2013).

[^3]: Notamment Survival, voir www. survivalfrance.org

Monde
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