Christiane Taubira, la blessure à vif de la parole raciste

Cible d’attaques odieuses, Christiane Taubira répond à travers un livre flamboyant.

Jean-Claude Renard  • 13 mars 2014 abonné·es

Le 25 octobre 2013, lors d’un déplacement à Angers, Christiane Taubira était accueillie par des représentants de la Manif pour tous. Parmi eux, une enfant enjouée scandant : « C’est pour qui la banane ? C’est pour la guenon ! » Un torchon d’extrême droite a rebondi en choisissant un titre infect. Peu avant, une candidate du FN déclarait sur son blog qu’elle préférerait voir la garde des Sceaux « dans les arbres plutôt qu’au gouvernement ». Des propos racistes qui émaillent encore régulièrement les déplacements de la ministre de la Justice, provenant aussi d’élus pataugeant dans des calembours malodorants, les réseaux sociaux n’étant pas en reste. « Sur Facebook et Twitter, écrit Christiane Taubira en préambule dans ce nouvel essai, là où la bêtise peut circuler même quand le mazout de la haine et de la vulgarité lui englue les ailes, des doigts bouffis par la lâcheté flasque de l’anonymat tapaient, dans la rage de leur insignifiance, des mots qui se voulaient méchants, blessants et meurtriers. »

Le racisme, Christiane Taubira connaît. Elle en perçoit la violence à l’âge de 7 ans, raconte-t-elle, quand une religieuse acariâtre lui reproche sa « coiffure de négresse ». Plus tard, à l’université, subissant les regards condescendants ou devant les inscriptions sauvages sur un panneau d’informations ( « Les nègres et les Arabes dehors » ), en se voyant refuser le versement d’une bourse pourtant attribuée, dans la recherche d’un logement, la quête d’un petit boulot. Christiane Taubira aurait pu s’adresser à ses contempteurs. Elle songe plutôt à « l’intensité de la brûlure qu’inflige la blessure percée à vif par la parole raciste ». La sienne, mais pas seulement, celle de tous les autres, « sujets de droit », « bien plus invisiblement exposés ». Et de s’appuyer sur les principes d’une République indivisible contre « ses actuels détrousseurs, qui, s’en étant emparés comme des brigands de grands chemins », prospèrent sur « l’inquiétude et sur la dépendance des plus exposés au déclassement social ». Aux démences meurtrières du racisme, qui explosent « en fanfaronnade putride testant la santé mentale de la société, sa solidité éthique, sa vigilance, sa clairvoyance », elle répond par le bien commun, dans le style qu’on lui connaît, flamboyant. Aucune démence ne doit être prise à la légère, quand bien même elle proviendrait « d’un sinistre pitre antisémite ». Pour cela, il existe l’agora de l’espace public. « Parce que nous n’avons ni le droit de laisser faire, ni celui de ne pas comprendre. »

Idées
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