Italie : Matteo Renzi fait du Tony Blair

Le nouveau président du Conseil met en place une politique mêlant relance et flexibilité. Un contre-exemple aux politiques d’austérité ? Pas vraiment si l’on en juge par le précédent britannique.

Olivier Doubre  • 3 avril 2014 abonné·es

Comment appréhender la politique mise en œuvre par Matteo Renzi depuis sa récente arrivée à la présidence du Conseil ? Adepte de la communication tous azimuts, ne cessant de fréquenter les nombreux talk-shows politiques qu’affectionnent les Italiens, il est surnommé « Renzusconi ». Jeune homme pressé de 39 ans issu de la démocratie chrétienne, il s’est présenté lui-même en rottamatore de la politique italienne : littéralement, celui qui envoie à la casse les vieux ténors des partis. Mais, comme nous l’avons déjà écrit, il faut bien l’admettre : Matteo Renzi surprend.

D’un côté, le plan de relance qu’il a présenté – mais qui ne s’est pas jusqu’ici traduit en projets de loi – propose de baisser les impôts (prélevés à la source pour les salariés) de 10 milliards d’euros pour les 10 millions d’Italiens les plus modestes. Ce qui, dès le mois de mai, donnerait à ceux-ci environ 85 euros mensuels de hausse de salaire net. Ce gain de pouvoir d’achat a été salué par Susanna Camusso, secrétaire générale de la CGIL (l’équivalent de notre CGT) : « Sans nous avoir consultés, il fait sur ce point la politique que nous souhaitons ! » En outre, Matteo Renzi prévoit d’injecter 3,5 milliards d’euros pour rénover les écoles, souvent en piteux état dans la péninsule. Une politique dont la petite saveur keynésienne apparaît, en France, comme un contre-exemple gênant pour les tenants de la politique d’austérité conduite par François Hollande.

De l’autre côté – et la lune de miel avec la CGIL aura été de courte durée –, Renzi veut compenser cette politique de relance, mal accueillie au début par le patronat, par une baisse de 10 % de la taxe professionnelle et, surtout, une réforme drastique du code du travail vers une grande « flexibilité », en permettant des CDD renouvelables huit fois durant trois ans. Sans garantie de la part du patronat d’embauches ni de transformation de ces CDD en CDI… Si Matteo Renzi semble donc proposer un début de politique de relance pour faire passer la pilule de nouveaux cadeaux au patronat – auxquels il est prévu que s’ajoutent de nombreuses privatisations de ce qu’il reste d’entreprises publiques et la suppression, par des départs en préretraite, de 85 000 postes dans la fonction publique pour faire des économies –, il reste que ces mesures libérales lui ont aussi permis de plaider auprès de la Commission européenne et d’Angela Merkel une réforme du fameux dogme des 3 % du PIB de déficit budgétaire, qu’il a qualifié d’« anachronique ». Car le jeune président du Conseil italien voudrait bien disposer de davantage de marges de manœuvre : « Le pacte de stabilité est un pacte de stupidité car on ne peut pas dépenser. » Une tonalité pour le moins nouvelle chez les sociaux-libéraux.

Monde
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Des deux côtés de l’Atlantique, la social-démocratie n’est jamais finie (mais c’est pas jojo)
Analyse 6 juin 2025

Des deux côtés de l’Atlantique, la social-démocratie n’est jamais finie (mais c’est pas jojo)

Les gauches sont bien à la peine à l’échelle mondiale. Trop radicales, elles perdent. Les moins radicales sont diabolisées. Toutes sont emportées dans un même mouvement. Pourtant, dans un monde où les vents de l’extrême droite soufflent fort, la social-démocratie n’a pas encore perdu la partie.
Par Loïc Le Clerc
Avoir moins de 20 ans dans la bande de Gaza
Récit 4 juin 2025 abonné·es

Avoir moins de 20 ans dans la bande de Gaza

Plus de 50 000 personnes au sein du territoire enclavé ont été tuées ou blessées par l’armée israélienne depuis le 7-Octobre. Mais le sort des survivants doit aussi alerter. Privée d’éducation, piégée dans un siège total au cœur d’une terre dévastée, toute la jeunesse grandit sans protection, sans espoir.
Par Céline Martelet
À Gaza, « les enfants sont en train d’être exterminés »
Entretien 4 juin 2025 abonné·es

À Gaza, « les enfants sont en train d’être exterminés »

Khaled Benboutrif est médecin, il est parti volontairement à Gaza avec l’ONG PalMed. La dernière fois qu’il a voulu s’y rendre, en avril 2025, Israël lui a interdit d’entrer.
Par Pauline Migevant
En France, la nouvelle vie des enfants de Gaza
Témoignages 4 juin 2025 abonné·es

En France, la nouvelle vie des enfants de Gaza

Depuis le début de la guerre dans l’enclave palestinienne, les autorités françaises ont accueilli près de cinq cents Gazaouis. Une centaine d’autres ont réussi à obtenir des visas depuis l’Égypte. Parmi ces réfugiés, une majorité d’enfants grandit dans la région d’Angers, loin des bombardements aveugles de l’armée israélienne.
Par Céline Martelet