Hollande devant la presse : autosatisfaction et auto-apitoiement

Au cours de sa quatrième conférence de presse, le président de la République, qui a fait peu d’annonces, a surtout défendu son bilan. Et rappelé avec insistance qu’il était… « président de la République ».

Michel Soudais  • 19 septembre 2014
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Hollande devant la presse : autosatisfaction et auto-apitoiement

Mal à l’aise au début l’exercice , François Hollande, au faîte de son impopularité, a ouvert sa quatrième conférence de presse par un propos liminaire largement consacré à la situation internationale, alors que les précédentes étaient axées sur la politique économique. De ce long exposé de plus de quarante minutes, on retiendra essentiellement deux annonces. Une entrée en guerre en Irak, le chef de l’État ayant décidé de répondre favorablement à la demande de « soutien aérien » formulée par les « autorités irakiennes » en lutte contre le groupe État islamique (EI), avec des frappes « dans un délai court » . L’installation prochaine d’ « un hôpital militaire en Guinée forestière » pour lutter contre l’épidémie d’Ebola.

Parmi les rares autres informations délivrées par le Président, on retiendra la promesse de ne pas augmenter la TVA jusqu’en 2017 : « La France ne va pas lever d’impôts supplémentaires » . La baisse d’impôt sur le revenu annoncée par Manuel Valls bénéficiera, selon lui, à « 9 millions de ménages » , soit « un tiers de ceux » qui sont soumis à l’impôt sur le revenu, et ne sera pas compensée par une hausse d’impôt pour les plus aisés.
François Hollande a également dévoilé le point de vue qu’il essaiera de faire prévaloir auprès de l’Allemagne et lors du sommet de la zone euro – qui se tiendra le 24 octobre, a-t-il fait savoir – pour obtenir un nouveau report du retour de notre déficit public sous la barre des 3 % : il ne pense pas « qu’un pays puisse rétablir sa compétitivité en même temps que ses déficits » , la première étant désormais sa priorité numéro un. Ce n’était pas le cas lors de sa première conférence de presse, le 13 novembre 2012 : «  Le désendettement est le premier étage du redressement ; le second, c’est la compétitivité » , déclarait-il alors. « Le désendettement est une condition de la restauration de la compétitivité » , avait assuré pour sa part son ministre de l’Économie, Pierre Moscovici, le 2 octobre 2012, devant le Sénat.

« Des résultats… j’espère avant 2017 »

Demandant à être jugé sur son bilan à la fin de son quinquennat , François Hollande a défendu son choix « irrévocable » de la « compétitivité » et du soutien massif aux entreprises, malgré les réticences de sa majorité, à laquelle il a reconnu le droit au débat, mais « dans le cadre qui est fixé ». [^2]. Un choix de « devoir » dont il n’est pas certain lui-même qu’il produise des résultats avant la prochaine élection présidentielle :
« Les résultats, ils tardent à venir. Je le sais, je le vois. Ils viendront si nous nous mobilisons tous (…). Le gouvernement doit faire tout ce qu’il peut et je fais, à ma place, tout ce que je dois. J’ai conscience que cette ligne que j’ai fixée, que cette ligne que j’ai tracée, que le cap que j’ai montré, nous permettra d’avoir des résultats… j’espère avant 2017 *. Mais ce qui compte dans la vie politique, pour le moins, c’est de faire son devoir. Et quelque fois on sert l’avenir plutôt que le présent. »*
Difficile d’imaginer perspective moins enthousiasmante…

« C’est pas facile. C’est dur. »

Tout à son choix sacrificiel , le chef de l’État a reconnu que le choix du « redressement de la compétitivité » qu’il a « considéré devoir faire » pouvait heurter les aspirations de ses électeurs, mais curieusement c’est d’abord sur lui qu’il s’apitoie en se lançant dans une longue anaphore : « C’est pas facile quand on a été élu comme je l’ai été par des personnes souvent modestes, qui demandaient des changements rapides pour leur pouvoir d’achat, qui voulaient que le chômage se réduise.
Pas facile d’expliquer qu’il convenait d’abord […] de distribuer des soutiens aux entreprises, celles qui étaient exposées aux grands vents de la concurrence, mais même les plus petites parce que c’est elles qui créent les emplois. Je l’ai fait.
C’est pas facile de faire la réforme pour la dépense publique. J’aurais préféré arriver dans une situation où les comptes étaient à moins de 3 %, c’eût été plus simple. Je l’ai fait.
C’est pas facile d’aller demander des impôts supplémentaires.
C’est pas facile d’aller demander la taxation des heures supplémentaires […]. C’est pas facile de faire des réformes sur le marché du travail, de mettre les syndicats autour de la table, un peu comme dans le modèle social-démocrate allemand.
C’est pas facile de dire “nous allons faire le choix de l’innovation, de la recherche” parce qu’il fallait encourager les entreprises de ce secteur. Nous l’avons fait.
Pas facile de faire la réforme territoriale qui n’avait jamais été engagée […]. Eh bien, oui, j’ai fait toutes ces réformes, et aujourd’hui nous avons toutes les conditions pour que nous puissions réussir. »

Illustration - Hollande devant la presse : autosatisfaction et auto-apitoiement

Les chômeurs, toujours plus nombreux , mais dont la situation n’aura pas été évoquée dans une seule question, auront sûrement compati à ces difficultés formulées par un François Hollande qui n’a eu de cesse, plus de deux heures durant, de répéter qu’il agissait ainsi parce qu’il est « président de la République ». Comme si cette insistance à rappeler sa fonction pouvait justifier, sinon excuser, ses renoncements et reniements… Jusqu’à la plainte finale par laquelle il a conclu cette longue auto-célébration :

« Aujourd’hui, j’ai l’expérience qui permet d’affronter toutes les situations et de pouvoir être dur, y compris par rapport à certaines situations : engager des forces, mettre parfois des vies en danger, prendre des décisions qui vont toucher des millions de mes compatriotes, faire des arbitrages qui peuvent bouleverser des vies… C’est dur !
C’est dur d’imposer à ses proches la vie ici.
C’est dur d’être avec des collaborateurs, même avec un gouvernement.
Ça a été dur de me séparer de Jean-Marc Ayrault, qui avait été un Premier ministre dévoué.
C’est dur de faire un changement de gouvernement lorsque nous le pensons nécessaire. Avec Manuel Valls, nous l’avons fait.
Mais ce qui m’est apparu nécessaire, c’est d’être dur d’abord avec moi-même , parce que je l’ai été. Parce que la façon pour pouvoir prendre des décisions, c’est parfois d’être dur avec soi-même. Vous pensez que vous l’êtes quelques fois par rapport à moi, mais jamais autant que je le suis par rapport à ce que je suis. »

Sortons les mouchoirs.


[^2]: On a relevé cet avertissement aux frondeurs, confirmant les menaces de dissolution, trahissant sa préférence pour une cohabitation avec la droite plutôt qu’avec sa gauche : « S’il n’y avait pas eu la confiance, alors le peuple aurait été appelé à renouveler l’Assemblée nationale. »

Politique
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