Jérome Gleizes : « Il n’y a pas de dérive gauchiste à EELV »

Membre de l’aile gauche du parti, Jérôme Gleizes revient sur les divisions des écologistes et précise les relations de sa formation avec le Front de gauche.

Pauline Graulle  • 16 avril 2015
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Jérome Gleizes : « Il n’y a pas de dérive gauchiste à EELV »
© **Jérome Gleizes** est conseiller de Paris. Photo : AFP PHOTO / BERTRAND GUAY

Tandis que le PS se déchire et que le Front de gauche se distend, EELV est aussi traversé par des luttes intestines. Début avril, les écologistes pro-Hollande, comme le sénateur Jean-Vincent Placé ou les députés Barbara Pompili et François de Rugy, se sont réunis avec les centristes Jean-Luc Bennhamias, Antoine Waechter ou Corinne Lepage à l’Assemblée nationale. Quand Jean-Vincent Placé estime qu’EELV est en état de « mort clinique » et parle de créer son propre mouvement, « le Cèdre », l’aile gauche se rapproche du Front de gauche.

La réunion du 4 avril, où l’aile droite d’EELV s’est affichée avec des centristes, a fini de révéler à quel point le parti est divisé. Où se trouve son centre de gravité aujourd’hui ?

Jérôme Gleizes : Celles et ceux qui ont fait la une des médias avec cette réunion du 4 avril ne représentent pas grand monde dans le parti. Plusieurs signes extérieurs le montrent : les instances politiques régionales votent les unes après les autres des motions de défiance envers le gouvernement, le texte de l’aile gauche élargie, « Aller de l’avant », a reçu plus de 700 signatures… En outre, cette aile droite est elle-même divisée entre ceux qui veulent créer un nouveau pôle et ceux qui veulent continuer à batailler en interne, ou se rallier à Hollande. Le problème de fond, c’est que nous restons sur la configuration du congrès de Caen, au cours duquel la motion réunissant Cécile Duflot et Jean-Vincent Placé a fusionné avec Via Ecologica, la motion de Stéphane Gatignon et Karim Zeribi, contre nous. Or les désaccords politiques entre eux se sont creusés depuis la sortie du gouvernement.

Votre courant, la Motion participative, avait proposé un référendum afin de clarifier la ligne interne. Qu’est devenue cette idée ?

Il faut en finir avec cette fiction de la participation gouvernementale développée au congrès de Caen, mais nous ne sommes pas tous d’accord sur la manière de procéder. Certains veulent un congrès, d’autres un référendum, d’autres estiment que les prochaines élections régionales forceront le mouvement à adopter une ligne claire en fonction des alliances qui seront faites. Mais rien n’est moins sûr : les départementales ont montré que les candidats ont été élus dans toutes les configurations – alliés au PS, autonomes, alliés avec le Front de gauche – et qu’on ne peut donc pas faire de généralités, car tout dépend des territoires. Dans les Landes, l’alliance Front de gauche-EELV a fait moins de 5 % alors que, dans la région de Grenoble, cette union a du sens.

Quelles sont les relations entre le Front de gauche et l’aile gauche d’EELV ?

C’est surtout avec Ensemble ! que nous avons des relations privilégiées. Les déclarations de Jean-Luc Mélenchon sur la Russie nous ont mis dans l’embarras. L’alliance avec le Front de gauche est complexe, car lui-même n’est pas d’un bloc : certains sont favorables à la sortie du nucléaire et d’autres non, par exemple. Nous avons aussi des désaccords sur le Grand Paris. Ce qui est important, aujourd’hui, c’est de créer des dynamiques. Il faut inventer des choses adaptées à la France, différentes de Podemos ou de Syriza.

Quel pourrait être le poids de Cécile Duflot ?

Cécile Duflot est partie du gouvernement car elle savait qu’elle avait le mouvement avec elle. C’est quelqu’un qui « sent » le parti et la société française en général. En face, les sondages affirmant que 94 % des proches d’EELV sont pour une participation gouvernementale ne veulent rien dire : évidemment, EELV a vocation à gouverner, mais tout dépend avec qui et surtout sur quelles bases ! Contrairement à ce qu’on entend parfois, il n’y a pas de dérive « gauchiste » à EELV. D’ailleurs, c’est bien au nom d’EELV, et parce qu’elle a eu l’accord d’Emmanuelle Cosse, que Cécile Duflot a participé au meeting de soutien à Syriza.

Y aura-t-il une candidature unitaire à la gauche du PS en 2017 ?

Il y a d’autres échéances avant la présidentielle : le congrès du PS et l’éventuel remaniement ensuite – même s’il est tout à fait possible que Jean-Vincent Placé se soit fait berner par Hollande juste pour semer la zizanie à l’intérieur d’EELV –, puis les régionales. Ce que je peux dire pour 2017, c’est qu’a priori il y aura un candidat écolo, comme il y en a toujours eu depuis 1975. En France, la présidentielle a tellement de poids qu’on est obligé d’y être pour exister politiquement. Si le débat se transfère vers une primaire, pourquoi pas ?, mais on en arrivera là seulement si la situation sociale est catastrophique ou si le FN est à deux doigts de gagner… Cette histoire de primaire de l’autre gauche, implicitement évoquée par Cécile Duflot, peu de gens en parlent encore aujourd’hui. L’idée a plutôt reculé. Même Mélenchon ne l’évoque plus. Mais les situations sont mouvantes, on verra bien.

Politique
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