Rwanda : la vérité par petits bouts
Le jour n’a évidemment pas été choisi par hasard pour cette annonce de déclassification des documents de la présidence française « relatifs au Rwanda entre 1990 et 1995 ». Ce 7 avril marquait le 21e anniversaire du début du génocide qui fit huit cent mille morts entre avril et juillet 1994. On a immédiatement parlé d’un « geste symbolique ». Espérons qu’il ne sera pas que « symbolique » et qu’il permettra d’avancer dans la voie d’une vérité livrée par petits bouts et à l’insu des gouvernements successifs.
La principale question est connue : quel rôle a joué la France de Mitterrand dans ce crime de masse commis par les extrémistes hutus, proches du pouvoir rwandais de l’époque, contre les Tutsis et des démocrates Hutus ? Aveuglée par sa logique de soutien au pouvoir en place, la France a-t-elle « laissé faire » ? Certains de ses ressortissants, officiels ou officieux, ont-il pris une part active au génocide ? Pourquoi les militaires de l’opération Turquoise, engagée à partir du 22 juin, n’a-t-elle pas permis d’arrêter certains des auteurs du génocide ? Pourquoi une intervention aussi tardive alors que le rapport de forces s’inversait en faveur des Tutsis du Front patriotique rwandais ? Les criminels ont-ils été, par la suite, protégés par les autorités françaises ? Autant de questions qui font débat et qui touchent au degré de complicité de la France.
L’association Survie, qui est en pointe dans le combat pour la vérité, s’est félicitée de cette « bonne nouvelle » , tout en réclamant « d’autres déclassifications de documents diplomatiques et militaires plus sensibles » , notamment les dossiers instruits contre des militaires de l’opération Turquoise, et celui de l’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion du Président Habyarimana, qui a marqué le début du génocide.
Il faut donc espérer que la décision de François Hollande n’est ni seulement symbolique ni purement diplomatique dans le seul but de rétablir des relations normales avec le pouvoir en place à Kigali et le Président Paul Kagamé, qui accuse la France de « complicité » de génocide.