L’écolo François de Rugy se recycle
Le co-président du groupe écologiste à l’Assemblée nationale a claqué la porte de son parti en l’accusant de « dérive gauchiste ».
Jean-Vincent Placé avait menacé de quitter EELV, François de Rugy l’a fait. Le co-président du groupe écologiste à l’Assemblée nationale a son départ d’ Europe écologie-Les Verts dans une interview diffusée jeudi matin sur le site internet du Monde . « Je quitte Europe écologie-Les Verts car pour moi EELV, c’est fini. Le cycle ouvert par Daniel Cohn-Bendit en 2008 est arrivé à son terme. Aujourd’hui, on n’arrive plus à avoir les débats, ni de fond ni stratégiques, au sein d’un parti qui s’enfonce dans une dérive gauchiste » , explique le député de Loire-Atlantique.
La dénonciation de l’existence d’une « dérive gauchiste » à EELV est devenue rituelle depuis le départ du gouvernement de Cécile Duflot et Pascal Canfin au printemps 2014. Elle est principalement portée par François de Rugy, qui publie un livre intitulé Ecologie ou gauchisme, il faut choisir (L’Archipel), sa collègue députée de la Somme Barbara Pompili qui co-préside le groupe écologiste au Palais Bourbon avec lui, et le président du groupe au Sénat Jean-Vincent Placé, très minoritaires au sein du mouvement.
Lire > Jérome Gleizes : « Il n’y a pas de dérive gauchiste à EELV »
Interrogé sur ses nouvelles intentions politiques , François de Rugy se dit « ni dans l’idée d’adhérer à une autre formation ni d’en créer une autre » . « Je veux fédérer les écologistes réformistes, ceux qui ne sont pas à EELV et ceux qui y sont encore. Dans les mois qui viennent, il y aura des recompositions et des choses nouvelles à inventer au-delà de la forme du parti traditionnel. Celle d’EELV est d’ailleurs l’une des plus usées » , explique le député qui dit vouloir rester « au groupe » écologiste à l’Assemblée. Son maintien à la présidence du groupe paraît cependant compromis, dès lors que M. de Rugy, dont les votes étaient déjà contestés, n’en serait plus qu’apparenté.
« Petite boutique »
Cette décision est annoncée quelques jours après l’université d’été du parti , et alors que débute vendredi l’université du PS à La Rochelle, où François de Rugy doit animer vendredi après-midi un des ateliers co-organisés par EELV. Son thème : « Quelle réponse à la crise démocratique ? » Ces derniers mois, le débat au sein d’EELV s’est cristallisé sur la question de la stratégie à adopter pour les élections régionales et notamment de l’alliance ou pas avec le Front de gauche, avec l’élection présidentielle de 2017 en ligne de mire.Lire > Les régionales agitent EELVOr selon M. de Rugy, « tout est en train de se mettre en place pour qu’il y ait un processus d’auto-élimination collectif de chaque composante de la majorité de 2012 » .
Hostile à la présentation d’une candidature écologique en 2017 , François de Rugy envisage néanmoins de faire un tour de piste dans une hypothétique primaire organisée par le PS. Interrogé sur une éventuelle candidature de Cécile Duflot, le député de Loire-Atlantique a répondu: « Dans l’opinion, je ne vois pas de dynamique autour de cette candidature mais Cécile Duflot se prépare et EELV est déjà devenu une petite boutique présidentielle. Cette candidature se présente comme l’exact remake de celle de 2012 avec le résultat que l’on connaît. On ne sait d’ailleurs pas bien si ce serait une candidature de la gauche de la gauche ou une candidature rouge et verte. »
Selon lui, face à la « très forte dynamique électorale » du FN, « une primaire est incontournable » à gauche. Primaire à laquelle il prétend se préparer avec la « volonté d’y représenter les écologistes réformistes » . En somme, il quitte la « petite boutique » EELV pour créer son écurie…
Reste à savoir si cette démission fera des émules. Pour l’heure, ni Jean-Vincent Placé, ni Barbara Pompili n’ont réagi à ce départ qu’Emma Cosse a dit «regretter». Le député de Paris, Denis Baupin, tout en affirmant sur Twitter partager «pour l’essentiel les constats lucides» de son président de groupe, ne semble pas prendre le même chemin[^2]. Un seul député, François-Michel Lambert, élu des Bouches-du-Rhône, soutient sans surprise la démarche de son collègue de Loire-Atlantique. Exclu d’EELV à la mi-juin, M. Lambert qualifie ses anciens camarades de «khmers verts» , un qualificatif jusqu’ici employé essentiellement par la droite de la droite.
[^2]: «Je partage pour l’essentiel les constats lucides de @FdeRugy sur l’état alarmant de l’écologie politique. Je pense aussi aux nombreux militants sincères dans et hors #EELV déboussolés. Nous nous devons de leur proposer une perspective. L’écologie doit renouer avec son électorat, donner priorité à transformer pragmatiquement les politiques, avec tous, sans sectarisme» , a-t-il écrit dans trois tweets.