Le Parlement européen cède à la surveillance de masse

Le registre européen des données des passagers aériens (PNR) adopté par le Parlement européen conforte l’ambition affichée du tout sécuritaire depuis les attentats commis en Europe.

Chloé Dubois (collectif Focus)  • 15 avril 2016
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Le Parlement européen cède à la surveillance de masse
© Photo : ALIX GUIGON / AFP

Un autre pas vers la surveillance de masse a-t-il été franchi ? Le «Passenger Name Record» à l’européenne, énième outil permettant de ficher les passagers aériens sous couvert de lutte contre le terrorisme, a été voté jeudi 14 avril par les députés européens. Les États membres de l’Union ont désormais deux ans pour transposer cette mesure dans leurs législations nationales.

Cette directive, proposée en 2011 par la Commission européenne a été adoptée après cinq années de débats parlementaires. Finalement, c’est dans un contexte sécuritaire qu’elle aura été instaurée, légitimée par les attentats de Paris et Bruxelles. Timothy Kirkhope, le rapporteur du texte au Parlement et député conservateur britannique, a admis que le PNR européen n’était pas «un remède miracle», mais pourra permettre de déceler «des types de comportements suspects à surveiller». Reste à savoir quels comportements seront estimés douteux par les transporteurs aériens et les services de renseignements…

Lutte contre le terrorisme, ou surveillance de masse ?

Le dit «PNR» européen est en réalité un registre recensant les données personnelles des passagers aériens, entrant ou sortant de l’espace européen. Suite à ce vote, les compagnies auront désormais l’obligation de transmettre aux services de renseignements de l’UE toutes les données qui pourraient potentiellement permettre de détecter des individus qui n’avaient jamais été soupçonnés de terrorisme. À cela, le député Vert Jan Philipp Albrecht réplique, estimant que la mise en place d’un PNR européen est «une fausse solution basée sur l’obsession politique biaisée de la surveillance de masse». D’après lui le problème n’est pas «le manque d’informations», mais le partage de ces dernières entre les pays.

L’analyse de ces renseignements personnels, parmi lesquels figurent les coordonnées des passagers, les dates de voyages, les itinéraires, les moyens de paiement (inclus le numéro des cartes de crédit) ou même les préférences alimentaires, est censée permettre aux États membres de s’informer les uns les autres, bien qu’il n’ait pas vocation à faire naître un seul et même fichier européen partagé. Un amendement déposé par le groupe des Libéraux et démocrates européens (ALDE), proposant que le partage des données entre pays de l’UE soit «automatique» a par ailleurs été rejeté.

Salué par la droite, notamment par Les Républicains, le texte ne fait pas l’unanimité. Notamment à la gauche des socialistes. Relayée par France Info, la députée Front de Gauche, Marie Christine Vergiat, s’est opposée à cette directive, considérant que «l’on veut nous faire croire qu’il s’agit d’un outil miracle» alors que «la lutte contre le terrorisme a d’abord et avant tout besoin de moyens humains permettant à la police et à la justice de faire leur travail».

De son côté, le ministre de l’Intérieur s’est évidemment félicité de l’adoption du PNR européen, le considérant comme «un outil précieux pour renforcer la sécurité des citoyens». Sous pression de la France notamment, un compromis politique avait été trouvé en décembre, juste après les attentats de Paris. Le vote avait en revanche pris du retard.

Pour savoir qui a voté pour la mise en place de cette directive, voici l’analyse du scrutin publié par le Parlement :

Monde Politique
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