Premier tour social : « Il faudra faire avec la rue »

À l’initiative de plus de 70 syndicats et associations, une manifestation s’est déroulée à Paris à la veille du scrutin présidentiel. Le but : affirmer l’importance des luttes, au-delà des élections.

Hugo Boursier  • 22 avril 2017
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Premier tour social : « Il faudra faire avec la rue »
© photo : CITIZENSIDE / ALPHACIT NEWCIT / CITIZENSIDE / AFP

L’événement était inédit, et il a résonné comme un avertissement. À la veille du premier tour de la présidentielle, environ 2 000 personnes, selon les organisateurs, ont marché, ce samedi 22 avril, de la place de la République à la Bastille, pour montrer au futur vainqueur des élections qu’« il faudra faire avec la rue ».

Convergence des luttes

L’appel vient de plus de 70 organisations, dont des syndicats d’entreprises ou locaux CGT, SUD, CNT, et des associations comme Droit au logement ou Droits devant. Une volonté de convergence des luttes qui s’est d’abord exprimée par des prises de parole. Christopher, de Génération ingouvernable, alerte sur les « temps qui s’annoncent dur socialement », en rappelant que « quel que soit le candidat élu, on tiendra la rue, et on ne lâchera rien ». Pour un délégué de la CGT Éducation 93, « le premier tour social ne se terminera pas ce soir », invoquant la nécessité de « se massifier ». Même volonté chez Loïc, de la Compagnie jolie môme, qui après avoir rappelé sa victoire en tant qu’intermittent « contre le Medef et une partie de la CFDT », appelle « à se mobiliser toujours plus ».

Après que Julie, du Comité féministe révolutionnaire, ait nommé « un ennemi commun : le capitalisme et le patriarcat », c’est au tour de Nathalie, de la CGT Air France, d’évoquer les mobilisations en Guyane. Présente sur place pendant les grèves, elle définit « ce grand département français » comme « mal-aimé et délaissé » à cause du « mépris du gouvernement ». En assurant que là-bas, « tous les secteurs étaient réunis autour d’un combat social », elle joint ensuite par téléphone un délégué de l’UTG (Union des travailleurs guyanais), qui lui témoigne de tout son soutien. Le département sera d’ailleurs cité parmi les slogans scandés tout au long de l’après-midi, comme « Tous en grève générale, à Paris comme en Guyane ».

« Les élections ne sont pas suffisantes »

Après ces premières déclarations, les manifestants ont ensuite marché jusqu’à la place de la Bastille, dans une ambiance semblable à celle des manifestations contre la loi travail. D’ailleurs, la majorité des personnes présentes y avaient participé, comme Jean, 56 ans, qui fait la grimace après s’être vu refusé l’accès à la scène sur un camion. Vite passé à autre chose, le musicien, auteur de textes militants lors du mouvement Nuit debout, regarde avec joie « les gens de gauche rassemblés pour parler politique ».

Car les élections, plusieurs n’y croient plus depuis longtemps, d’où leur présence ici. Derrière les premiers cortèges qui annoncent une « Nuit des barricades » dimanche soir, quelques graffs sur les murs affichent un message clair : « Mon bulletin, un pavé ». Pour un manifestant, « actif pendant les quatre mois des manifestations » du printemps dernier, « les élections ne sont pas suffisantes pour changer le rapport de force entre le patronat et les travailleurs ». Quoi qu’il arrive, il ne votera pas, préférant les mobilisations citoyennes qui dépassent le cadre des élections.

L’avis est plus nuancé pour Emma, 27 ans : « D’habitude je ne vote pas, mais pour éviter que ce soit Fillon, Le Pen ou Macron, plusieurs personnes dans la gauche radicale se disent que le vote utile est Mélenchon », confie-t-elle, encore hésitante sur son choix. Constatant « l’effondrement des partis traditionnels », elle ajoute toutefois que « ce n’est pas aux politiques de décider pour nous », et voit en ce sens l’intérêt collectif de ce premier tour social.

© Politis

Arrivant sur la place la Bastille, les organisateurs de l’événement sont satisfaits : « Malgré l’état d’urgence et à la veille du premier tour, nous avons réussi. » Devant l’enthousiasme de son auditoire, il poursuit : « En 1936, une poignée de camarades s’est dit qu’il fallait simplement essayer d’agir. Rien est impossible quand on est tous ensemble. Nous pouvons écrire notre propre avenir, et pas celui de ceux qui nous écrasent depuis quarante ans. »

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