Une amende avec sursis requise contre un faucheur de chaises

Florent Compain, président des Amis de la Terre, est poursuivi pour avoir emporté un siège lors d’une « réquisition citoyenne » à Nancy.

Vanina Delmas  • 11 avril 2017 abonné·es
Une amende avec sursis requise contre un faucheur de chaises
Photo : Rassemblement devant le siège parisien de la BNP Paribas à Paris, le 11 avril 2017.
© Les amis de la Terre France.

C ’est pas les faucheurs qu’il faut juger, c’est l’évasion fiscale en bande organisée ! » La mobilisation de la société civile pour mettre la lumière sur la BNP Paribas ne s’essouffle pas. Après Jon Palais en janvier à Dax – il a été relaxé –, c’est au tour de Florent Compain, président des Amis de la Terre France, d’être convoqué devant la justice mardi 11 avril, à Bar-le-Duc (Meuse). Le motif : une action de réquisition de chaises menée dans une agence à Nancy le 6 novembre 2015, dans le cadre de la campagne des Faucheurs de chaise.

Face au procureur, Florent Compain a reconnu sa présence dans l’agence bancaire mais a rappelé qu’à « aucun moment il n’y a eu d’intention frauduleuse » et que « cette action n’avait qu’un objectif : mettre en lumière le scandale que représente l’organisation de l’évasion fiscale ». Si la BNP Paribas porte systématiquement plainte contre les Faucheurs de chaises, elle ne s’est pas portée partie civile cette fois. Le procureur, peu réceptif aux arguments de l’avocat de la défense, Me Alexandre Faro, a requis 500 euros d’amende entièrement assortis de sursis, évoquant « un vol caractérisé ». Délibéré le 6 juin.

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À l’extérieur du tribunal s’est tenu le procès symbolique de la BNP Paribas, notamment en présence d’Antoine Deltour, le lanceur d’alerte à l’origine des Luxleaks, début 2015. Il a lui-même été condamné à six mois de prison avec sursis et 1 500 euros d’amende pour vol de documents en mars dernier.

Devant le siège parisien de la BNP Paribas, les militants de plusieurs ONG (Greenpeace, Les amis de la Terre, ANV-COP21, Bizi !, Attac, Alternatiba…) avait minutieusement préparé une mise en scène festive pour mettre symboliquement sur le banc des accusés le directeur général de la banque, Jean-Laurent Bonnafé.

L’écrivaine altermondialiste et présidente d’honneur d’Attac, Susan George, s’est indignée de cet argent dormant, en affirmant :

On estime entre 21 et 32 trilliards de dollars les sommes cachées dans les paradis fiscaux. Pour se rendre compte de ce que ça représente, il faut imaginer que chaque seconde représente un dollar. Il faudrait regarder sa montre pendant 32 000 ans pour les atteindre !

Une tribune signée par 150 ONG de 56 pays et publiée le 11 mars dernier détaille les _« crimes » de la banque française : « Participer à l’organisation de l’évasion fiscale », bafouer les droits humains « en finançant des entreprises connues pour les exactions menées à l’encontre de ceux qui contestent leurs activités » et « aggraver la crise climatique en continuant à financer les énergies fossiles ».

BNP Paribas, partenaire officiel de la COP21, s’était pourtant engagé à ne plus financer l’extraction de charbon. Selon Lucie Pinson, chargée de campagne « Finance privée » aux Amis de la Terre France, en février dernier, BNP Paribas a notamment aidé l’entreprise Energa à lever des fonds pour construire une nouvelle centrale à charbon de 1 000 MW dans le nord-est de la Pologne.

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Nous avons des revendications communes : fin de l’impunité fiscale, augmentation du nombre d’agents fiscaux, mettre fin au verrou de Bercy, ouvrir l’éventail des peines pour les fraudeurs, avancer sur la question de la transparence…

Les actions des Faucheurs de chaises, lancées en février 2015 après le scandale des SwissLeaks, a permis de fédérer plusieurs associations pour frapper plus fort contre l’évasion fiscale. Lucie Watrinet, spécialiste de l’évasion fiscale au CCFD-Terre solidaire, salue ce rapprochement entre les organisations de mobilisations et les d’organisations « d’expertes », comme la sienne, plus portées sur les actions de plaidoyer :

Même satisfaction pour Patrick Viveret, philosophe, ancien conseiller référendaire à la Cour des Comptes : « Les divers scandales d’évasion fiscale nous obligent à renouveler les formes d’action et de solidarité pour percer le plafond de verre des médias et mettre ce sujet au cœur dU débat public, surtout en cette période électorale. »