Turquie : Délirante célébration du coup d’État manqué

Recep Tayyip Erdogan a promis, dimanche lors d’un discours célébrant le coup d’État manqué du 16 juillet 2016, « d’arracher la tête de ces traîtres » qui ont, selon lui, fomenté le putsch.

Denis Sieffert  • 18 juillet 2017
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Turquie : Délirante célébration du coup d’État manqué
Photo : OLGA OJEDA / NOTIMEX

Le Président turc, Recep Tayyip Erdogan, vient d’inventer un nouveau genre de manifestation festive : les « célébrations du coup d’État manqué ». L’autocrate turc à tenu à prendre la parole à une heure inhabituelle pour un discours : 3 h 32 du matin, ce 16 juillet. Soit un an, jour pour jour, minute pour minute, après le déclenchement de la tentative de putsch qui a failli emporter son pouvoir, en juillet 2016. 

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Plus ridicule encore : il a fait donner un spectacle de son et lumière sur le Parlement turc pour simuler les bombes qui s’étaient abattues sur le bâtiment un an plus tôt. Malgré les 250 victimes de la tentative de coup d’État dans les rangs de la police et de l’armée, on peut comprendre l’humeur finalement assez allègre qui a marqué cet anniversaire. Ce putsch manqué, dont on ne connaît toujours pas les commanditaires, a constitué un formidable effet d’aubaine pour Erdogan. Il en rêvait sans doute avant, il l’a réalisé après. 

Le Président turc en a profité pour entamer la plus vaste opération de répression de l’histoire contemporaine. Quelque 50 000 personnes ont été arrêtées, et 10 000 autres ont été limogées. L’institution judiciaire, l’armée et la presse ont été particulièrement ciblées. Cent cinquante médias ont été fermés et plus d’une centaine de journalistes ont été emprisonnés. Des militants d’Amnesty International sont toujours détenus. Avec ce sens de l’anti-phrase qui est la marque des dictatures, Erdogan a appelé ces célébrations « fête de la démocratie ».

Il approche davantage la vérité de son régime quand il promet dans son discours « d’arracher la tête de ces traîtres » qui ont, selon lui, fomenté le putsch. Il vise toujours avec la même constance le mouvement du prédicateur Fethullah Gülen. Ennemi juré en effet d’Erdogan, après avoir été longtemps son allié, celui-ci, qui vit exilé aux États-Unis, nie toujours son implication. Cette étrange « fête de la démocratie » a une nouvelle fois mis face à face deux Turquie. Erdogan avait mobilisé la foule de ses supporters. Plusieurs milliers de manifestants étaient présents devant le Parlement, à Ankara. Une mobilisation importante, mais encouragée par de nombreux cadeaux, et plus encore, par la peur de la répression. 

Une semaine plus tôt, les opposants avaient manifesté, rassemblés dans une marche de plus de 400 kilomètres d’Ankara à Istanbul. Les manifestants avaient repris les traditionnelles revendications laïques héritées de l’époque de Mustapha Kemal (Atatürk). À Istanbul, ils étaient plusieurs centaines de milliers, à la fois sympathisants du Parti républicain du peuple (HCP, laïque) ou proches du Parti démocratique du peuple (HDP, gauche pro-kurde).

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