Allemagne : Crise politique et morale
La victoire d’Angela Merkel ressemble à une défaite, tant le score des conservateurs est faible et celui de l’extrême droite fort.

À la tête des conservateurs allemands (CDU/CSU), Angela Merkel a certes remporté les législatives de dimanche, mais son succès électoral ressemble fort à une défaite politique. Avec 32,9 % des voix, la CDU/CSU fait son plus mauvais score depuis 1949, et perd 8,5 % par rapport aux précédentes législatives.
Mais, surtout, le scrutin est marqué par l’entrée massive au Bundestag de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), mouvement xénophobe qui recueille 12,6 % des suffrages, soit une progression de 7,9 points. C’est la première fois depuis la fin du Reich que l’extrême droite dispose de députés au Parlement allemand. L’AfD, qui a prospéré sur un discours violemment hostile aux migrants, s’impose comme la troisième force du pays.
Son leader, Alexander Gauland n’avait pas craint, quelques jours auparavant, de revendiquer les pages les plus sombres de l’histoire, en appelant les Allemands à être « fiers des soldats de 1939-1945 ». Il a reçu, dimanche soir, les félicitations de Marine Le Pen.[—]
Ce « dégagisme » à l’allemande, étonnant dans un paysage politique réputé pour sa stabilité, a également frappé de plein fouet les sociaux-démocrates du SPD qui, avec 20,5 %, obtiennent le plus mauvais score de leur histoire. Les « insoumis » allemands de Die Linke, eux, progressent légèrement (9,2 %, soit 0,6 points de mieux). Ils devancent les Verts qui ont, eux aussi, enregistré une légère progression (8,9 % contre 8,4 % lors des élections de 2013).
Le faible score des conservateurs va contraindre Angela Merkel à rechercher une alliance politiquement improbable. Les sociaux-démocrates de Martin Schulz ayant renoncé à reconduire une coalition qui s’est révélée désastreuse pour eux, c’est du côté des Verts et des libéraux que la chancelière va devoir se trouver des alliés.
Le problème est que ces deux partis s’opposent sur à peu près tout. Les libéraux du FDP ont obtenu 10,7 %, enregistrant une forte progression après la débâcle de 2013 (ils n’avaient obtenu alors que 4,8 %), mais ce rétablissement spectaculaire a été opéré au prix d’un étonnant tournant « souverainiste ». Ils s’opposent à tout ce qui pourrait ressembler à une unification du budget européen et à une mutualisation des dettes.
C’est un peu « l’Allemagne d’abord », à la façon d’un Donald Trump. Ce qui en dit long sur les convictions des élites allemandes, pro-européennes tant que cela leur profite, et ce qui mine par avance les propositions d’Emmanuel Macron. De plus, le FDP refuse de sacrifier le charbon et le diesel à la lutte contre le réchauffement climatique. Ce qui ne favorise pas un rapprochement avec les Verts. Au total, Angela Merkel sort de ces législatives considérablement affaiblie, et l’Allemagne est au bord d’une crise politique et morale.
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