Tous ensemble contre les ordonnances de Macron/Philippe

Face aux attaques du gouvernement contre le droit du travail, Olivier Dupuis et Patrick Brody, syndicalistes CGT, appellent à créer un front uni et pérenne pour organiser et amplifier la mobilisation.

Patrick Brody  et  Olivier Dupuis  • 5 septembre 2017
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Tous ensemble contre les ordonnances de Macron/Philippe
© photo : Matthieu Alexandre / POOL / AFP

L’année 2016 avait vu le syndicalisme se mobiliser fortement et dans la durée contre la loi El Khomri (loi travail). Aujourd’hui, le président de la République et son Premier ministre, devant l’échec du mouvement social à faire reculer le gouvernement Valls, reviennent finir le travail entamé par leurs prédécesseurs. La loi antitravail Philippe/Pénicaud est la « voiture balai » de toutes les réformes libérales précédentes. Elle est une remise en cause majeure du droit du travail conquis par les travailleurs pendant des décennies de luttes.

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Le message du Premier ministre et de la ministre du Travail pour nous vendre ces ordonnances est simple mais mensonger. Il s’agirait d’en finir avec le chômage de masse, simplifier les relations sociales au sein des entreprises. C’est le message répété en boucle par le Premier ministre ou Emmanuel Macron dans son interview fleuve au Point : « La réforme du marché du travail doit être assez ambitieuse et efficace pour continuer à faire baisser le chômage de masse et permettre de ne pas revenir sur ce sujet durant le quinquennat. »

Et pourtant, lors d’une interview le lendemain de la présentation de la loi travail 2, la ministre du Travail prévient que les ordonnances ne sont pas « une baguette magique » contre le chômage et le vice-président du Medef, Thibault Lanxade a déclaré : « C’est une première étape importante dans la construction d’un droit du travail plus en phase avec la réalité des entreprises, mais il n’y aura pas de vague d’embauches. »

Une remise en cause de notre modèle social

Les faits sont têtus, l’expérience a montré que la destruction des garanties collectives des salariés était source d’accroissement du chômage, comme nous avons pu le voir dans les deux derniers quinquennats, celui de Sarkozy puis celui de Hollande, avec l’augmentation d’un million du nombre de chômeurs. Depuis 2013, les travailleurs de notre pays ont connu quatre réformes du Code du travail (loi Sapin dite « sécurisation de l’emploi », loi Rebsamen, loi Macron et loi El Khomri) ayant toutes le même objectif. Celui de faire reculer les droits des salariés sous couvert de rendre la vie des entreprises plus « agiles » et créer des emplois. Nous sommes à six millions de chômeurs toutes catégories confondues. Faut-il continuer dans cette voie ?

Faciliter les licenciements, les rendre moins coûteux pour les patrons, s’attaquer à la représentativité syndicale dans les entreprises. Voilà en quelques phrases, le dernier chapitre de la loi travail version Philippe/Pénicaud. L’esprit de cette loi est aussi de faire rentrer dans le rang la France et la mettre au diapason de ce qui se fait en Europe.

Allons-nous aussi aller vers un accroissement des travailleurs pauvres comme dans l’Union européenne, où un salarié sur six est un travailleur pauvre, selon une étude d’Eurostat, l’office officiel des statistiques de l’UE ? Entre 2007 et 2015, la France régresse moins que la plupart des pays européens grâce à son modèle social. Un salarié allemand sur quatre est un travailleur pauvre contre un sur dix en France, hors apprentissage. Est-ce le modèle de société que nous voulons en France : plus de travailleurs pauvres, plus de précarité, de misère sociale, un affaiblissement des organisations syndicales ?

Et ce n’est qu’un début, car le gouvernement a déjà dans les tiroirs trois autres réformes en préparation sur la formation professionnelle, l’assurance chômage et les retraites. Le Medef, qui ne se soumet jamais à aucune élection, se réjouit ; la CPME aussi. Mais, fidèles à l’attitude qu’ils avaient sous le précédent gouvernement, ils attendent de nouvelles concessions. Les organisations syndicales patronales sont insatiables et leur appétit venant en mangeant, quelles seront leurs nouvelles demandes ? Quelles seront les nouvelles concessions que fera ce gouvernement dans la droite ligne du précédent ?

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Préparons un front uni

Face à cela, une nouvelle fois, les organisations syndicales sont divisées. Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière, qui avait à juste titre dénoncé la loi El Khomri comme une « loi folle » et avait pris une part active dans les grèves de l’an dernier, se satisfait désormais de la méthode et conteste peu le fond. Pourtant il lui sera difficile d’expliquer que les reculs sociaux prévus dans les cinq ordonnances occasionnent moins de nuisance que la loi El Khomri. Néanmoins, nous ne confondons pas les propos du secrétaire général et les militants et adhérents de cette organisation syndicale. Nombreux sont ceux qui sont vent debout contre ces ordonnances et qui vont rejoindre la manifestation du 12 septembre.

L’heure n’est pas à la résignation, mais à la mobilisation, il n’y a que les batailles que l’on ne mène pas qui sont perdues d’avance. Les ordonnances modifient en profondeur le droit du travail et ne répondent qu’aux intérêts et revendications du patronat. Le 12 septembre constitue une première riposte que nous souhaitons massive.

En cette rentrée sociale, nous pouvons tout de même nous appuyer sur plusieurs éléments. La CGT et d’autres organisations syndicales ont commencé leur travail de décryptage et d’explication dans les entreprises. Au fur et à mesure que les salariés prendront connaissance des ordonnances, ils prendront conscience du danger et de la profonde mutation que cela entraîne dans leur quotidien au travail.

Cela étant, nous pouvons nous féliciter du travail parlementaire des députés de la France insoumise et du groupe communiste, qui se sont battus pied à pied à l’Assemblée nationale ; et nous pouvons compter sur leur combativité dans les semaines à venir.

En proposant une journée de manifestation le 23 septembre, la France insoumise est dans son rôle. Elle proclame être utile au mouvement social, c’est possible et tant mieux. Cependant être utile ce n’est pas jouer en solo. C’est s’efforcer à réunir toutes les forces disponibles sans exclusive qui s’opposent au projet néfaste de la grande transformation du droit social français. Créer un front uni, pérenne, pour organiser et amplifier la mobilisation.

Oui, dans les semaines à venir, ayons l’objectif de réunir toutes les forces sociales et politiques, préparons un front uni à la hauteur des enjeux.

Publié dans
Tribunes

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