Portugal : La victoire socialiste qui menace la gauche

Le très large succès du PS aux élections municipales du 1er octobre pourrait déstabiliser la coalition gouvernementale.

Patrick Piro  • 11 octobre 2017 abonné·es
Portugal : La victoire socialiste qui menace la gauche
© photo : JOSE MANUEL RIBEIRO / AFP

L e Parti socialiste a obtenu la plus grande victoire de son histoire dans un scrutin local », se réjouissait le Premier ministre António Costa dimanche 1er octobre, au soir des dernières élections municipales portugaises. Recueillant 38 % des suffrages cumulés, le Parti socialiste (PS) dirige désormais 161 communes sur 308. Une victoire qui a suscité des commentaires paradoxaux : par sa netteté, elle pourrait déstabiliser l’alliance de gauche qui soutient le gouvernement.

Premier scrutin après 2015, les municipales ont rapidement été considérées comme un test de popularité de l’équipe gouvernementale nationale. « Ce résultat donne plus de force au PS et, surtout, au changement de cap entamé il y a deux ans », affirmait António Costa. Au Parti communiste (PCP), on a surtout retenu la première partie du commentaire : les communistes tombent à leur plus bas niveau, ne conservant que 25 mairies, avec dix de perdues dont neuf au profit du PS. À l’hypothèse d’explications locales – choix critiquable de certains candidats, erreurs de gestion d’équipes en place –, s’oppose chez les communistes la crainte d’avoir été sanctionnés par un électorat jugeant que le parti s’est fourvoyé en signant avec le PS pour la première fois de son histoire. De quoi remettre en cause cette stratégie ? João Galamba, porte-parole du PS, juge au contraire qu’il serait « contre-productif pour le PCP de ne pas appuyer et s’approprier les avancées engrangées depuis deux ans, car les sondages montrent que les électeurs de nos alliés apprécient ce que fait le gouvernement et plébiscitent leur Parlement ! Nous n’entrons pas dans un cycle politique nouveau, il faut continuer dans la même voie. »

Peu implanté au niveau local, le Bloc de gauche (BE), qui ne décroche aucune mairie, n’est pas confronté aux mêmes états d’âme que le PCP. « Pour autant, si le PS sort renforcé de ce scrutin, il reste dépendant de la bonne santé de l’alliance parlementaire pour gouverner », souligne Jorge Costa, vice-président des élus bloquistes.

Aucun des partenaires n’a finalement intérêt à déstabiliser l’alliance nationale, ce qui aurait pour conséquence impardonnable, aux yeux de l’opinion de gauche, de remettre en selle une droite honnie et qui s’enfonce dans la crise après un revers mémorable aux municipales : le PSD ne dirige plus que 98 mairies (avec près de 30 % des suffrages), moins qu’après 2013, première sanction.

Les yeux se tournent vers 2019, date des prochaines législatives. Pour le PCP et le BE, qui ne s’estiment pas en condition de devancer les socialistes, il s’agira d’empêcher que le PS obtienne la majorité absolue. « À chaque fois que cela s’est produit, nous avons trinqué », résume le syndicaliste Guadalupe Simões. Objectif : faire comprendre aux électeurs que le mieux-être social dont ils auront bénéficié n’est pas un cadeau socialiste mais la résultante de la pression de partenaires de gauche exigeants. « L’expérience engagée depuis 2015 signe peut-être à la fin du vote “utile” au Portugal, veut croire Tiago Gillot, quand les électeurs de gauche votaient pour le PS avec l’unique objectif d’éviter la droite. »

Monde
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