Au Zimbabwe, un coup d’État flou
Le 15 novembre, l’armée zimbabwéenne a pris le contrôle de la capitale Harare. Des négociations sont en cours avec le président Robert Mugabe quant à son éventuelle démission, mais l’avenir politique du pays reste incertain.

C e n’est pas un coup d’État militaire contre le gouvernement », affirmait le général Sibusiso Moyo dans une allocution télévisée la nuit du 14 au 15 novembre. À cette date, l’armée a pris le contrôle de la capitale zimbabwéenne, Harare. Depuis, de nombreux véhicules bloquent l’accès aux institutions du pouvoir. Mais c’est vers le président Robert Mugabe que l’attention se concentre. Le dirigeant le plus âgé de la planète, au pouvoir depuis presque quarante ans, serait en résidence surveillée. On est tenté de qualifier ce qui se passe au Zimbabwe de coup d’État militaire qui ne dit pas son nom, mais ce sont surtout le flou et la confusion qui règnent.
Nombreuses arrestations
« Nous ne faisons que viser les criminels qui entourent le Président. Dès que notre mission sera accomplie, nous espérons que la situation revienne à la normale », ajoutait le général Sibusiso Moyo dans son allocution. Si les « criminels » ne sont pas clairement définis, RFI fait état de plusieurs arrestations dans l’entourage de Robert Mugabe, notamment son ministre des Finances Ignatius Chombo, ainsi que ceux chargés de l’Éducation et de l’Administration territoriale. D’autres noms apparaissent, comme celui de Paul Chimedza, le ministre de la province de Masvingo, et Kudzai Chipanga, à la tête de la ligue des jeunes de la Zanu-PF, le parti au pouvoir. Pour autant, les journalistes sur place évoquent une ambiance calme dans les rues de la capitale : c’est un sentiment de résignation qui se dégage.
Guerre de succession
Car cette purge au sein de l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front Patriotique (Zanu-PF) se déroule dans le contexte de la succession de Robert Mugabe, 93 ans, surnommé le Vieux Lion, à la tête du pays depuis trente-sept ans. Une course au pouvoir dans laquelle s’affronte le numéro 2 du gouvernement, Emmerson Mnangagwa, et l’épouse de l’actuel président, Grace Mugabe. Le 6 novembre, cette dernière obtient de son mari qu’il limoge le vice-président : c’est dans cet épisode politique que la crise actuelle prend racine. Surnommé le Crocodile et partisan d’une ligne dure, Emmerson Mnangagwa est perçu comme un soutien de l’armée au sein du gouvernement. En parlant « des criminels » qui entourent le Président, les militaires ciblent clairement la fraction de la Zanu-PF qui soutient Grace Mugabe.
Des négociations opaques
Alors que l’armée a indiqué dans un communiqué « être actuellement en discussion avec le commandant en chef Robert Mugabe sur la prochaine étape », les négociations restent opaques pour les journalistes et les citoyens. Le chef de l’armée, Constantino Chiwenga a rencontré le 16 novembre celui qui reste Président pour lui demander de quitter le pouvoir. « Il a refusé de démissionner, a affirmé à l’AFP une source anonyme proche des militaires. Je pense qu’il essaie de gagner du temps. » Deux ministres sud-africains envoyés par le président Jacob Zuma, ainsi qu’un prêtre catholique, ont assisté à cette réunion selon le quotidien gouvernemental The Herald.
Incertitudes pour le futur
Le lendemain, vendredi 17 novembre, Robert Mugabe est apparu en public pour la première fois depuis la prise de la capitale par l’armée. Le Président a assisté à une cérémonie de remise de diplômes universitaires à Harare. Une apparition publique qui prend des allures de coup de communication et appuie le discours des militaires qui affirme que le Président est libre. Mais celui-ci semble décidé à s’accrocher au pouvoir. « Papy fait de la résistance », titrait ironiquement le journal Wakat Séra.
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