Sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, un avenir sans aéroport se construit

L’abandon du projet de Vinci ouvrirait une nouvelle bagarre, pas moins complexe, sur l’avenir de la ZAD et l’occupation des terres agricoles.

Erwan Manac'h  • 12 décembre 2017
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Sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, un avenir sans aéroport se construit
© photo : LOIC VENANCE / AFP ; dans l'article : Marcel Thébault (crédit : Erwan Manac'h)

Le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes vit sans doute ses dernières heures. Le gouvernement doit décider de son avenir sur la base des conclusions que les médiateurs nommés pour déminer le débat doivent rendre ce 13 décembre, « au plus tard en janvier », a affirmé Emmanuel Macron dans un entretien au Monde, ce mardi.

Une partie des annexes du rapport d’expertise a été publiée en ligne, brièvement et par erreur, ce lundi. Il en ressort des expertises nouvelles, qui établissent notamment, selon la presse locale, qu’une rénovation de l’actuel aéroport Nantes Atlantique coûterait deux fois moins cher que la construction d’une nouvelle infrastructure à Notre-Dame-des-Landes.

Au regard de la vie sur place et de l’organisation de l’occupation, le retour de la manière forte semble également impensable. Les occupants ont donc depuis longtemps l’esprit tourné vers un avenir sans aéroport. Lorsque la déclaration d’utilité publique aura été définitivement annulée, seule garantie formelle selon eux de l’abandon du projet. Une nouvelle bagarre débutera alors, quant à l’avenir des 1 250 hectares de terres agricoles de la zone.

Réquisition des terres

Un tiers d’entre elles sont aujourd’hui exploitées par 11 paysans résistants qui ont refusé de décamper. 220 autres hectares ont été arrachés à Vinci par le mouvement d’occupation et sont gérés en commun. Et les 600 hectares restants appartiennent à AGO, la filiale de Vinci qui porte le projet d’aéroport. Ils sont en partie exploités, sur bail précaire, par les anciens propriétaires qui ont touché un chèque de Vinci pour quitter la zone.

Ce sont ces terres que les occupants entendent réquisitionner une fois écartée la menace des tractopelles. Les agriculteurs qui refusent de rendre l’argent perçu d’AGO lors de leur expropriation verront donc leurs terres contestées.

© Politis

« Ce deuxième combat sera un peu plus compliqué que celui que nous avons mené contre l’aéroport », présage Marcel Thébault, éleveur de vaches laitières sur la ZAD et opposant de toujours au projet. « L’enjeu est énorme : il s’agit d’obtenir légalement la gestion des terres, mais aussi des communs comme l’eau, les forêts, les haies, les sentiers, les routes, etc. », complète Geneviève Coiffard, active au sein du mouvement d’opposition à l’aéroport.

80 lieux d’occupation

Une « assemblée des usages et des communs » a été créée pour préfigurer la gestion commune de ces terres réquisitionnées et plancher sur les nombreuses questions qui se poseront, parfois aussi prosaïques que l’entretien des routes et le ramassage des ordures.

Une structure juridique représentant les occupants est à l’étude, notamment pour négocier au nom du mouvement en cas d’abandon du projet d’aéroport. « Il y a quelques crispations [au sein du mouvement] depuis que l’hypothèse d’une victoire prochaine est posée, rapporte Marcel Thébault. Chacun se replie un peu sur ses objectifs. La lutte regroupe des gens qui ne se ressemblent pas. Mais c’est aussi ce qui fait notre force. Nous sommes indispensables les uns aux autres. »

Les quelque 80 lieux d’occupation que compte la ZAD fonctionnent aujourd’hui selon un principe d’autogestion et les centaines d’occupants se réunissent chaque semaine au sein d’une assemblée d’occupation, pour traiter des questions concernant la vie sur la zone.

La ZAD fourmille aussi de dizaines d’activités sportives, culturelles ou militantes, organisées quotidiennement par les occupants. Elle a son journal, sa radio, son site Internet, son marché hebdomadaire à prix libre. Elle cultive son blé, produit son pain, sa bière et ses légumes. Et des chantiers collectifs sont organisés chaque semaine.

« Les politiques devraient nous ouvrir un boulevard, s’amuse Geneviève Coiffard. Tout ce dont ils se gargarisent pour lutter contre le changement climatique, tout en ne faisant rien, est en train de se réaliser ici en puissance 1000 ! » Réponse « au plus tard en janvier ».

À lire aussi >> Cultivons notre utopie (juillet 2016) et Notre-Dame-des-Landes : Bonjour veaux, vaches… (avril 2015)

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