Violences policières : Le long silence des politiques

À gauche comme à droite, le caractère systémique des abus des forces de l’ordre reste absent des discours.

Pauline Graulle  • 10 janvier 2018 abonné·es
Violences policières : Le long silence des politiques
© photo : François Hollande au chevet de Théo, tabassé et violé par des policiers d’Aulnay-sous-Bois en février 2017. CRÉDIT :nArnaud Journois/LE PARISIEN/AFP

Il est bien mal à l’aise, François Hollande. Debout, bras ballants, costume trois pièces. Il regarde, l’air désolé mais impuissant, Théo sur son lit d’hôpital. Le jeune homme de 22 ans grimace de douleur : il affirme avoir été tabassé et violé par des policiers d’Aulnay-sous-Bois lors d’un contrôle d’identité. L’image est forte. Inédite. Un chef d’État qui, par sa simple présence, dénonce la violence d’État.

En l’occurrence, François Hollande n’a pas eu vraiment le choix. En ce mois de février 2017, le cas de Théo a fait l’effet du « scandale de trop », comme l’écrit la France insoumise dans un communiqué. L’accusation de viol ; la vidéo de l’arrestation et les photos du garçon au visage tuméfié qui tournent sur les réseaux sociaux. Impossible de ne pas voir. L’opinion publique est choquée. Et les politiques bien obligés de sortir de leur mutisme. Sans aller pour autant jusqu’à admettre que cette « affaire » est bien plus qu’un acte isolé. Jean-Luc Mélenchon en appelle à « l’expulsion des tortureurs de la police républicaine ». Patrick Kanner, ministre (PS) de la Ville, parle de « débordements ». Benoît Hamon « ne [veut] pas confondre le geste de quelques-uns avec le travail quotidien de milliers de policiers sur le terrain ». « Ce n’est pas parce que des individus auraient fait des choses inacceptables qu’il faut jeter l’opprobre sur toute la police nationale », observe Florian Philippot.

Sept mois plus tôt, Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, a lui aussi entonné le refrain de la victimisation. Le 2 novembre 2016, interrogé par Pouria Amirshahi, seul député à avoir osé poser une question au gouvernement sur la mort suspecte d’Adama Traoré, il fait applaudir la police nationale par le Palais-Bourbon : « Le respect, il commence par la reconnaissance du travail que font les forces de l’ordre pour assurer la sécurité des Français dans un contexte difficile », martèle celui qui occupait déjà l’hôtel de Beauvau quand le jeune Rémi Fraisse a été tué par des gendarmes à Sivens. « Ce que je ne peux plus accepter, poursuit le premier flic de France devant la représentation nationale, c’est la remise en cause permanente du travail des forces de l’ordre, la théorisation de la consubstantialité de la violence à la police, sans que jamais il n’y ait un mot pour ces policiers […] qui sont aujourd’hui, pour un certain nombre d’entre eux, dans des hôpitaux où ils souffrent le martyr. »

Une « remise en cause permanente » ? L’histoire politique des violences policières est pourtant faite de l’exact inverse : un assourdissant silence. Symbole parmi les symboles : sur la plaque à la mémoire de Malik Oussekine, tabassé dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986 par les « voltigeurs » de Charles Pasqua, nulle mention du fait que sa mort est due à des violences policières. En 2005, Nicolas Sarkozy, affirme que la police « ne poursuivait pas physiquement » (sic) Zyed et Bouna. Fin 2016, Bruno Le Roux, fraîchement nommé ministre de l’Intérieur, consacre son premier déplacement à la compagnie de l’Isle-Adam, à Beaumont-sur-Oise, là où est mort Adama Traoré. Un « tragique accident », jugera-t-il.

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