Mennel menait, mais la meute s’en mêla

Personne n’aurait été fouiller dans le passé twittesque de cette apprentie chanteuse si elle ne portait un foulard.

Pouria Amirshahi  • 14 février 2018
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Mennel menait, mais la meute s’en mêla
© photo : DR

Mennel a été virée parce qu’elle portait un foulard. Personne n’aurait été fouiller dans le passé twittesque de cette apprentie chanteuse si elle n’était pas ainsi coiffée. Et porter un foulard, c’est suspect de tout désormais. C’est la stricte vérité.

On entend encore les cris d’orfraie de ces derniers jours. « Alerte ! Danger ! La suspecte est belle et a une jolie voix. Les Français vont se faire avoir ! Ils vont l’aimer cette femme-là, et l’amour est un poison qui s’insinue dans les consciences et empêche la lucidité. Il fausse le jugement. Ouvrez donc les yeux ! Ah, vous ne nous croyez pas ? Attendez… Oui… on cherche… Voilà ! On la tient ! Des tweets ! »

Il est des pays où l’on userait de semblables méthodes pour décréter sur le champ n’importe quel symbole subversif d’« ennemi du pays ». Et de l’éliminer. On a finalement de la chance, chez nous, on se contente de jeter en pâture. « Elle est voilée, elle est avec eux. De-hors ! »

Chez nous, le résultat sera différé. Il va se répandre, dans les milieux propagandistes de l’islam radical, comme un poison lent, une petite musique, tellement sournoise : « Tu vois, frère, tu vois, sœur, ils ne veulent pas de toi. Même elle, ils n’en veulent pas. » Le terreau de la haine et de la violence vient d’absorber de l’engrais pour cinq ans.

L’élégante façon qu’a eue Mennel d’annoncer son départ du concours d’interprétations « The Voice », qu’elle survolait, ne fera pas oublier que TF1 s’est fait exécutrice des basses œuvres des réactionnaires, apprentis sorciers. Dans cette affaire, les racistes avancent d’une case ; les prédicateurs de jihad aussi.

Les animateurs du Printemps républicain, si tristes et surtout si peu républicains, ont beau annoncer dans une « mise au point » qu’ils n’ont rien demandé, et surtout pas la tête de la jeune fille, chacun a bien imaginé la leur au moment de son éjection de la scène : des cris sourds de « Victoire ! » donc, contre les nouvelles têtes de Turc, ou plutôt de Turque, coupables d’hériter d’une culture qui ne convient pas à ces messieurs-dames ; accusées d’incarner physiquement l’islamisme (et donc le terrorisme, notez-le) ; suspectées de duplicité à l’égard de leur propre pays (la France, rappelons-le). Mais que de mal fait-on pour quelqu’un qui n’en faisait à personne. Pauvre France que cette France-là.

Edito Pouria Amirshahi
Temps de lecture : 2 minutes
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