Laurent Collomb et Marine Wauquiez

Aujourd’hui, l’extrême droite peut constater combien sa rhétorique de l’invasion a gangrené les esprits comme un poison lent.

Pouria Amirshahi  • 20 juin 2018
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Laurent Collomb et Marine Wauquiez
© photo : GABRIEL BOUYS / AFP POOL / AFP

En 1998, la France célèbre Zidane et le Front national constate la limite de son discours dans une société française de plus en plus métissée. La figure de l’Algérien devient un héros positif, même pour une partie de ses électrices et électeurs. Quatre ans plus tard, malgré le matraquage du lien « délinquance-violences-immigration », 82 % des Français disent non à l’extrême droite au deuxième tour de la présidentielle. On dit alors que la République a gagné. Si les gouvernants montrent par la suite qu’ils n’ont pas saisi grand-chose de l’Histoire qui se joue alors, Marine Le Pen, quand elle prend les rênes du Front national, le comprend très vite. Elle s’attèle à faire grandir son mouvement en avalant – dans une dialectique permanente – des concepts républicains contraires à son ADN. L’entreprise gramsciste de diffusion profonde de ses idées commence donc par une entreprise de triangulation. « À bas la Ripoublique », certes, mais désormais, aussi… vive la République ! À toutes les sauces et sur tous les tons.

La pêche aux chevènementistes prend notamment Florian Philippot dans ses filets, prouvant alors cette conversion à la République. Mais aussi des concepts, comme celle de « l’insécurité culturelle » des Français. Dans cette opération, la transformation de la laïcité en un instrument de mise au pas des immigrés musulmans est d’ailleurs la tentative la plus aboutie, tant il est vrai que la crispation identitaire se noue d’abord contre les signes visibles ou supposés de l’islam. La mue de l’extrême droite accouche ainsi d’une xénophobie toute républicaine qui se satisfait de l’existence du bon Arabe qui chante « La Marseillaise » et marque des buts (ou du bon Noir quand il est capable d’escalader un immeuble pour sauver un enfant) mais qui n’oublie pas de dire néanmoins qu’« ils » ne sont pas comme nous.

Le but est affiché : la normalisation, l’assimilation jusqu’au renoncement de soi. L’effacement. Aujourd’hui, l’extrême droite peut constater combien sa rhétorique de l’invasion a gangrené les esprits comme un poison lent. Ainsi la peur du « grand remplacement » est-elle reprise tranquillement et aussi bien par Laurent Wauquiez qui veut que « la France reste la France » que par le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, qui nous parle de « véritable submersion ». Au fond, ce sont désormais les mêmes.

Edito Pouria Amirshahi
Temps de lecture : 2 minutes
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