Mineurs, étrangers, abandonnés

Trop souvent, ces enfants sont un encombrement et les administrations qui doivent protection se transforment en machines à fermer les yeux.

Pouria Amirshahi  • 21 novembre 2018
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Mineurs, étrangers, abandonnés
© photo : Jérémie Lusseau / Hans Lucas / AFP

Ce 20 novembre était la Journée internationale des droits de l’enfant. Des droits et de la protection des enfants. En France – pays pourtant doté d’une législation avancée en la matière –, eux aussi sont pris en charge différemment selon qu’ils sont étrangers ou non. Ibrahima, Denko, Souleyman, Kantra, Fouseni, Nour-Malik, Abdallah sont de ces mineurs immigrés non accompagnés. Ou plutôt étaient : ils sont morts, de tout. Froid, noyade, suicide, assassinat. La mort qu’ils avaient fuie en défiant mille dangers les a rattrapés au coin d’une de nos rues. Ballottés d’un département à l’autre (1), sans cesse interrompus dans leurs parcours de vie (parcours et vie sont en réalité deux mots qu’ils n’ont pas vraiment connus), parfois mis en dehors de l’école et placés en centre de longues semaines quand ils n’ont pas été livrés à la rue, ils n’avaient pas fini d’espérer encore un peu. Leurs ombres les relaient, d’autres mineurs encore vivants et abandonnés dans les rues de Toulouse, Lyon, Paris, Marseille… Qui écoute vraiment les travailleurs sociaux qui les accompagnent ? Qui saisit l’alerte donnée par quelques enseignants ? Qui est sensible à ces passantes et passants qui s’arrêtent et aident ?

Souvent, trop souvent, ces enfants sont un encombrement et les administrations qui doivent protection se transforment en machines à fermer les yeux, tandis qu’il arrive même à certains fonctionnaires de pécher par excès de zèle. De dénoncer l’étranger. La maltraitance institutionnelle s’ajoute aux violences. Les témoignages du collectif JUJIE (2) ont mis tout cela en lumière. Ils ont été remis, le 20 novembre, au président de la République. Ces enfants ne sont plus enfants, abîmés ; mais leur sort parle de tous les enfants. Ce qui devrait être une priorité nationale inamovible – laisser les individus vivre leur enfance et les préparer à devenir adultes – n’est qu’une politique de second rang. Au lieu de recruter des éducateurs de rue, des enseignants, des travailleurs sociaux, des agents spécialisés dans les prises en charge spécifiques, les gouvernements invoquent des « sérieux budgétaires », accordent moins de dotations aux départements qui, à leur tour, relèguent ces pauvres gamins sous le tapis de leur impuissance, quand ce n’est pas de leur indifférence. Silence.

(1) En France, ce sont les conseils départementaux qui sont chefs de file en matière de protection de l’enfance.

(2) Justice pour les jeunes isolés étrangers (blogs.mediapart.fr/jeunes-isoles-etrangers)

Edito Pouria Amirshahi
Temps de lecture : 2 minutes
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