Des victoires citoyennes contre l’industrie fossile

Grâce à une forte mobilisation, le projet de méga-gazoduc Midi-Catalogne a été abandonné. Un signe de plus du pouvoir de la société civile contre les aberrations environnementales.

Clémence Dubois  • 30 janvier 2019 abonné·es
Des victoires citoyennes contre l’industrie fossile
© crédit photo : Creative Touch Imaging Ltd./NurPhoto/AFP

Les mobilisations successives en faveur de la justice climatique en France, depuis le mois de septembre, sont salutaires et soulignent combien il n’a jamais paru aussi urgent de passer du constat à l’action. Si la reconnaissance publique du problème s’ancre dans un dérèglement global qui s’élève déjà à 1 °C de réchauffement, avec des conséquences de plus en plus visibles et dramatiques, le gouvernement et nos institutions, ainsi que les acteurs financiers, continuent de soutenir l’expansion des combustibles fossiles, politiquement et financièrement.

La question de la responsabilité est cruciale et doit être clairement établie. La jeune militante suédoise Greta Thunberg, qui a convaincu des dizaines de milliers de jeunes à travers le monde de rejoindre la grève climatique de la jeunesse, a ainsi dénoncé à Davos la responsabilité de l’industrie fossile, qui se rend coupable de « crimes contre l’humanité » en ayant consciemment provoqué la crise climatique et en continuant à développer de nouveaux projets.

En permettant récemment le lancement du projet de pétrole offshore de Total en Guyane, le gouvernement montre qu’il continue d’aller main dans la main avec l’industrie fossile. Le succès de « l’Affaire du siècle », qui entend poursuivre l’État en justice pour son action insuffisante face au dérèglement climatique, montre à quel point il est difficile pour le gouvernement de se retrancher derrière une image verte.

L’organisation citoyenne se construit patiemment et remporte des victoires, comme l’a montré par le passé le réseau anti-gaz de schiste en France, ou la récente mise à mort du projet de méga-gazoduc MidCat-Step (1) par les régulateurs de l’énergie en France et en Espagne, en raison de sa non-viabilité financière, après des années de campagne des deux côtés de la frontière. En Europe, pendant que l’industrie fossile mobilise toutes ses forces pour verrouiller la transition énergétique et imposer le gaz fossile comme une énergie de transition, les groupes de résistance se multiplient.

Au même moment, pourtant, la Banque européenne d’investissement permettait un financement de 3,9 milliards d’euros au très décrié et fortement combattu méga-gazoduc TAP, qui relie l’Azerbaïdjan à l’Italie. En France, la Banque publique d’investissement y a aussi contribué, en lui accordant plus de 450 millions d’argent public, auxquels se sont ajoutés les financements de dix-sept autres banques privées, choisissant ainsi de financer un projet insoutenable pour l’équilibre de la vie sur Terre.

Un nombre croissant de personnes se mobilisent pour faire pression sur ces institutions pour qu’elles cessent de financer l’industrie fossile, afin de bâtir enfin une transition juste. En décembre 2018, le mouvement pour le désinvestissement des combustibles fossiles remportait sa millième victoire avec le désinvestissement du bras financier de la France, la Caisse des dépôts et consignations, et celui notable de l’Irlande, plus tôt dans l’année, du secteur du charbon. Ce qui avait commencé comme un mouvement lancé par une poignée d’étudiants compte désormais des milliers de campagnes. Ce mouvement de désinvestissement des combustibles fossiles a permis de transformer les débats sur l’économie et la finance pour faire place à des changements politiques. Il a su créer un rapport de force déterminant dans l’action climatique, en désignant clairement le rôle de l’industrie fossile et en exigeant de toutes les banques, les universités, les fonds de pension, nos villes et les institutions qui nous entourent qu’elles prennent leurs responsabilités en ne permettant pas à cette industrie de prospérer.

Alors comment peut-on transformer cette dynamique citoyenne en un mouvement si irrésistible qu’il réussisse à forcer les institutions et les infrastructures qui organisent la destruction du climat à s’aligner sur les exigences scientifiques ? Les mobilisations des gilets jaunes posent également directement cette question : qui doit supporter le coût de la transition ? Ceux qui profitent aujourd’hui plus que jamais de la destruction à l’œuvre ou ceux qui en subissent les conséquences ? Les inégalités mises en exergue par les derniers rapports d’Oxfam et d’Attac illustrent combien la lutte pour le climat implique d’entrer en résonance avec le reste de la société qui appelle à plus de justice, face à l’oppression et à la répression d’un système qui ne profite qu’à une minorité.

(1) Le projet Step (South Transit East Pyrenees) était la première phase du projet d’interconnexion gazière MidCat (Midi-Catalogne).

Publié dans
Le temps du climat
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